Cour de cassation assemblée plénière 5 octobre 2018, arrêt du 5 octobre 2018, CEDH Cour Européenne des Droits de l'Homme, article 8 de la CEDH, GPA Gestation Pour Autrui, article 16-9 du Code civil, article 14 de la CEDH, avis consultatif, article 53 de la CEDH, loi du 18 novembre 2016, marge d'appréciation, contrôle de proportionnalité, ratio legis, commentaire d'arrêt
En l'espèce, deux enfants sont nés aux États-Unis à la suite d'une procédure de gestation pour le compte d'autrui. Les parents d'intention sont tous deux de nationalité française. Leurs actes de naissance ont été dressés aux États-Unis par un jugement de la Cour supérieure de l'État de Californie en date du 14 juillet 2000. Le 25 novembre 2002, le ministère public a fait transcrire ces actes de naissance par le consulat général de France à Los Angeles. Le 16 mai 2013, le procureur de la République par le Tribunal de grande instance de Créteil a fait assigner les parents d'intention en annulation de cette transcription. La Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement de première instance en déclarant la demande du procureur irrecevable. Ledit arrêt a été cassé par une décision de la Cour de cassation en date du 17 décembre 2008.
[...] Toutefois, la Cour de cassation, dont on pouvait penser la jurisprudence bien stabilisée depuis les arrêts du 5 juillet 2017, choisit de ne pas encore se positionner et de solliciter son propre contrôle de proportionnalité[15]. Il s'agit d'une décision assez étrange comme il le sera traitée, dans la mesure où la CEDH s'est déjà prononcée par son arrêt du 26 juin 2014. Selon la doctrine il y a surtout lieu de s'interroger sur les réponses qu'apportera la Cour européenne des droits de l'homme. Il faudra leur accorder d'autant plus d'attention que la plupart auront vocation à régler pour longtemps le fonctionnement du protocole n° 16[16]. [...]
[...] La Cour de cassation n'aurait-elle pas une certaine envie de « rejouer le match » ? En s'interrogeant comme elle le fit sur sa marge d'appréciation, elle pouvait sous-entendre qu'elle souhaitait l'agrandir et revenir à sa jurisprudence d'avant 2014. Plusieurs arguments tendent à faire croire que la Cour de cassation cherche à « augmenter » sa jurisprudence[39]. Selon le Protocole n° 16, la juridiction qui procède à la demande d'avis doit motiver sa demande et produire les éléments pertinents du contexte juridique et factuel de l'affaire pendante[40]. [...]
[...] Dans un premier temps, le protocole stipule que la procédure ne peut être engagée que si le litige présente une question de principe. Or ce dernier mentionne étrangement à la fois la notion de « question de principe »[43] et celle de « question grave »[44]. Au premier regard ce critère paraît être rempli, mais cela ne relève pas de l'évidence puisque la doctrine a relevé que l'avis du parquet était opposé : « Il n'apparaît en effet pas actuellement de question de principe avérée ni simplement potentielle qui résulterait de la confrontation entre les conceptions de la CEDH et de la Cour de cassation : cette dernière se conforme à la doctrine définie par la CEDH le 26 juin 2014 »[45]. [...]
[...] Enfin, la Cour de cassation ne souhaite pas trancher la question, mais s'interroge sur la marge d'interprétation dont disposent les hautes parties contractantes à la Convention. Ce refus de transcrire la mère d'intention porte-t-il atteinte à l'article 8 de la CEDH ? Est-il alors nécessaire de distinguer l'hypothèse d'une mère d'intention ayant contribué par son matériel génétique à la conception de l'enfant et celles ne comptant aucun lien biologique avec l'enfant ? Et qu'enfin si la possibilité pour la mère d'intention d'adopter l'enfant suffit-elle à répondre aux exigences de l'article de la CEDH à défaut de transcription ? [...]
[...] La Cour de cassation envisagerait- elle d'influencer le juge de la Convention afin qu'il confirme sa jurisprudence interne en rejetant la possibilité pour la mère d'intention de faire transcrire son lien de filiation au motif que le droit interne lui permet d'établir sa filiation par un autre mode ? La question posée par la haute juridiction au regard de l'adoption n'est pas anodine, elle est : « [ ] nécessaire pour la survie de sa jurisprudence »[48]. En effet, d'une part, la Cour de cassation se refuse à reconnaître la filiation de la mère d'intention, mais juge son contrôle proportionné dans la mesure où le droit interne permet à cette dernière d'adopter l'enfant de son conjoint. [...]
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