Le 30 octobre 1998, dans son arrêt Sarran, le Conseil d'Etat rend une décision qui constitue le bastion du souverainisme en faisant prévaloir la Constitution sur le traité ou sur le droit dérivé. L'arrêt du 8 février 2007 du Conseil d'Etat, Société Arcelor Atlantique, et Lorraine et autres, est dans le prolongement de la jurisprudence Sarran.
Dans cet arrêt Arcelor, le conflit naît de la directive européenne du 13 octobre 2003 prise par le Parlement Européen et le Conseil qui pose le principe d'un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre qui est transposée par l'ordonnance du 15 avril 2004 qui va le mettre en œuvre. Un décret du 19 aout 2004 pose les modalités d'application de ladite ordonnance. En 2005, la société Arcelor Atlantique et d'autres de ses filiales ont demandé au président de la République, au premier ministre, au ministre de l'Écologie, ainsi qu'au ministre délégué à l'industrie l'abrogation de l'article 1 de ce décret du 14 avril 2004 car il dit que l'application sera effective dans le secteur sidérurgique. Les autorités ont refusé implicitement cette abrogation par leur silence. Les requérants ont donc porté l'affaire en justice, et se prévalent de la violation de principes à valeur constitutionnelle tels que le principe d'égalité, le droit de propriété ainsi que le droit d'entreprendre.
En général les décrets de transpositions reprennent à l'identique les dispositions de la directive communautaire, et donc, on peut se dire que contrôler la constitutionnalité du décret revient à contrôler celle de la directive. En d'autres termes, le contentieux se déplace sur la directive elle-même. De ce fait, le Conseil d'Etat a saisi la Cour de Justice des Communautés Européennes d'une question préjudicielle afin de savoir si cette directive porte atteinte au principe d'égalité.
Le problème est de savoir comment parvenir à une conciliation entre l'ordre juridique national qui trouve ses bases dans la Constitution de 1958, et la suprématie du droit communautaire affirmée l'arrêt Nicolo. On peut aussi poser le problème de façon plus précise, en effet, on peut se demander dans quelle mesure, le Conseil d'Etat, juridiction de l'ordre interne, peut-il contrôler la constitutionnalité des actes règlementaires de transposition d'une directive.
[...] II- Le contrôle de constitutionnalité des normes nationales transposant des directives communautaires Le juge constitutionnel ainsi que le juge administratif ont été amenés à se prononcer sur le contrôle de constitutionnalité des normes de droit interne qui transposent des directives communautaires. L'attitude du Conseil Constitutionnel ou son incapacité de contrôler La jurisprudence du Conseil Constitutionnel a été marquée par la décision nº2004-496 relative à la loi sur l'économie numérique. Les juges ont estimé que la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle. [...]
[...] Le Conseil d'État va constater que ce droit est protégé de façon identique dans l'ordre national et dans l'ordre communautaire. Cependant, les juges ont un gros doute du problème qui leur est déféré. En l'espèce, les requérants invoquent le fait que le droit de propriété ainsi que la liberté d'entreprendre aurait été violé. Les juges vont noter que ces droits sont aussi bien protégés par le droit national avec la Constitution, que par le droit communautaire. Il n'y a donc pas de difficulté sérieuse selon les juges, ils vont donc considérer que l'inclusion des entreprises du secteur sidérurgique dans le système d'échanges de quotas d'émission de gaz à effet de serre n'est pas contraire aux principes généraux du droit communautaire. [...]
[...] Le Conseil d'État ne pouvait pas annuler le décret, car sinon, cela serait revenu à dire que la Constitution était contraire aux normes internationales. Logiquement, il aurait dû faire primer les normes internationales sur la Constitution. En fait, le Conseil d'État considère que si un acte administratif n'est pas conforme à un engagement international, alors qu'il est en adéquation avec la Constitution, il ne sera pas annulé. Le Conseil d'État consacre la suprématie de la Constitution sur les engagements internationaux dans l'ordre interne. [...]
[...] L'article 88-1dispose: La République participe aux Communautés Européennes et à l'Union Européenne constituée d'État qui ont librement choisi, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences Le Conseil d'État dans son arrêt du 8 février 2007 dégage l'obligation constitutionnelle de transposition des directives qui découle de cet article. Et donc, le contrôle de constitutionnalité des actes règlementaires qui assure directement cette transposition est appelé à s'exercer selon des modalités particulières dans le cas où sont transposées des dispositions inconditionnelles et imprécises. [...]
[...] Par cet arrêt on peut dire que le Conseil d'État a pu concilier la suprématie de la Constitution avec le respect dû au droit communautaire. [...]
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