Perreux, sources de la légalité, directives européennes, invocabilité
En l'espèce, un décret du 24 août 2006 nomme Mme Perreux en tant que vice-présidente chargée de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux et Mme B à l'administration centrale. Puis, un arrêté du 29 août 2006, du garde des Sceaux, nomme Mme B chargée de formation à l'École nationale de la magistrature à compter du 1er septembre 2006, poste pour lequel Mme Perreux avait également postulé.
Mme Perreux a donc formé une requête introductive d'instance au vu d'obtenir l'annulation de la nomination de la candidate concurrente.
Elle soutient que la décision individuelle, dont elle fait l'objet dans le décret du 24 août 2006, était entachée d'une discrimination syndicale, constitutive d'une erreur de droit et que la nomination de Mme B résulterait d'une erreur manifeste d'appréciation. À l'appui de sa requête, elle invoque l'article 10 de la directive n°2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 relatif au bénéfice du rééquilibrage de la charge de la preuve afin de mieux lutter contre les discriminations professionnelles. La directive prévoit un aménagement de la charge de la preuve favorable au demandeur dans le cas où une discrimination est invoquée (le défendeur ayant à renverser la présomption établie). Or, cette directive qui aurait du être transposée au 2 décembre 2003 ne l'a été que dans l'article 4 de la loi du 27 mai 2008.
[...] Mais à la différence de la directive et de la loi de 2008, face à une telle présomption de discrimination, le Conseil d'État ne semble pas instituer un véritable renversement de la charge de la preuve. Le défendeur ne doit pas prouver l'absence de discrimination. En effet, ce sont les échanges contradictoires qui permettront d'emporter la conviction du juge administratif qui après qu'il ait apprécié l'existence d'une discrimination. En cas de doute, le juge doit ordonner les mesures d'instruction qu'il juge utiles. En l'espèce, le Conseil d'État estime que le défendeur a produit suffisamment d'éléments pour établir que la décision de nomination reposait sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. [...]
[...] Le Conseil d'État a souligné la nécessité de tenir compte en pareil cas des exigences résultant des principes constitutionnels que sont les droits de la défense et l'égalité de traitement des personnes. Postérieure à l'arrêté de nomination litigieux, elle ne pouvait être appliquée par le Conseil d'État en l'espèce. Il faut toutefois savoir que selon l'article 4 de la loi, toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. [...]
[...] Pour cette raison, dans l'arrêt Perreux, le Conseil d'État assume désormais pleinement une fonction dévolue directement par le droit communautaire. Tel est bien derrière le revirement emblématique, la signification de la décision : le juge national tire du droit communautaire un titre à agir. Cette évolution révèle également le souci pour le juge national, juge de droit commun de l'application du droit communautaire, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation constitutionnelle à l'égard des autorités publiques. [...]
[...] De cette manière, le Conseil d'État se range derrière la position des autres juridictions nationales, dans ce que le rapporteur public M. Guyomar qualifie de dialogue horizontal en l'invitant à participer sans dissonance aucune, au chœur des juridictions européennes qui ont progressivement accepté l'effet direct des directives. La directive jouit, à la fin du délai de transposition, d'une invocabilité d'exclusion; le juge interne doit écarter les dispositions nationales qui lui seraient contraires. La directive impose à l'État non de s'abstenir ou de ne pas entraver une liberté mais d'adopter des mesures positives permettant aux citoyens européens de bénéficier de certains avantages. [...]
[...] Conseil d'Etat octobre 2009 - effet direct des directives européennes Les sources de la légalité Les directives européennes Commentaire d'arrêt Dans un arrêt d'assemblée du 30 octobre 2009, le Conseil d'État met fin à la jurisprudence "Cohn-Bendit". Désormais, les directives communautaires suffisamment précises et inconditionnelles ont un effet direct. En l'espèce, un décret du 24 août 2006 nomme Mme Perreux en tant que vice-présidente chargée de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux et Mme B à l'administration centrale. [...]
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