Le droit international, et notamment communautaire a complexifié la hiérarchie des normes en droit interne. Faisant face à des requêtes de plus en plus nombreuses de contrôle de conventionnalité, le Conseil d'Etat (CE), dans son arrêt Cohn-Bendit de 1978, a clairement fixé sa jurisprudence relative à l'applicabilité des directives communautaires dans l'ordre interne.
Une directive communautaire est-elle directement invocable pour contester un acte administratif individuel ?
Le Conseil d'Etat ne nie pas toute application des directives dans les états membres, et on peut même considérer que l'évolution de la jurisprudence consacre la haute Cour administrative comme la garante de l'application par l'Etat du droit communautaire dérivé.
Les directives ne concernant que les Etats, elles ne sont pas dotées d'effet direct et ne peuvent donc créer des droits dans le patrimoine des individus.
[...] Le CE va développer et consacrer cette possibilité dans un arrêt d'assemblée du 6 février 1998 (arrêt Tête) en dégageant le principe selon lequel un administré peut faire annuler un acte individuel pris en application d'une norme législative, réglementaire ou jurisprudentielle incompatible avec une directive communautaire dont le délai de transposition est expiré. Ainsi, dans l'arrêt Cohn-Bendit, le moyen du requérant aurait été opérant s'il avait excipé de l'incompatibilité du droit national ayant servi de fondement à la décision individuelle le concernant. [...]
[...] Interprétation exégétique de l'article 189 du traité de Rome par le CE. En effet, le CE, dans l'arrêt Cohn-Bendit, se borne à une interprétation stricte, dite exégétique, de l'article 189 du traité de Rome, et rappelle ainsi que les directives donnent des objectifs destinés aux autorités nationales des Etats membres uniquement, et qu'ainsi, quelles que soient d'ailleurs les précisions qu'elles contiennent à l'intention des Etats membres, les directives ne sauraient être invoquées par les ressortissants de ces Etats à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif individuel On peut rappeler que l'article 55 de la Constitution soumet les traités et accords à trois conditions pour leur reconnaître une autorité supérieure à celle des lois : ils doivent être régulièrement ratifiés et publiés, dotés d'effet direct et répondre à la condition de réciprocité (cette dernière condition ne s'applique cependant pas au droit communautaire qui organise son propre système de sanction en cas de non- application par les états membres.) Ainsi, conformément à la Constitution, et au vu d'une interprétation exégétique de l'article 189 du traité de Rome, le CE relève bien dans l'arrêt Cohn-Bendit, que les directives ne concernant que les Etats, elles ne sont pas dotées d'effet direct et ne peuvent donc créer des droits dans le patrimoine des individus. [...]
[...] Monsieur Cohn-Bendit faisait valoir que le refus d'abroger l'arrêté d'expulsion le concernant violait une directive communautaire adoptée le 25 février 1964 par le Conseil des Communautés européennes. Mais une directive communautaire est-elle directement invocable pour contester un acte administratif individuel ? C'est par la négative que répond ici la haute juridiction administrative, s'opposant ainsi manifestement à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés Européennes (CJCE) Cependant, le CE ne nie pas toute application des directives dans les états membres, et on peut même considérer que l'évolution de la jurisprudence consacre la haute Cour administrative comme la garante de l'application par l'Etat du droit communautaire dérivé (II). [...]
[...] Portée de plus en plus large des directives Par cette précision dans la deuxième partie de son arrêt, le CE s'érige en garant de l'application par l'Etat des directives communautaires, puisqu'il assure les effets juridiques des directives non transposées dans les délais dans l'ordre interne. Par la suite, la jurisprudence du CE est restée fidèle à cette mission. Ainsi, dans la décision Fédération française des sociétés de protection de la nature de 1984, la haute cour administrative a écarté un règlement postérieur à une directive et qui en violait les dispositions. Dans son arrêt Alitalia (1989), elle a également annulé un règlement antérieur à une directive dont le délai de transposition était expiré, et qui était incompatible avec les objectifs de cette dernière. [...]
[...] C'est autour de l'interprétation de cet article qu'une bataille juridique entre la CJCE et le CE va naître, l'arrêt Cohn-Bendit allant cristalliser la jurisprudence du CE quant à l'applicabilité des directives. En effet, dès 1963, avec l'arrêt Van Gend en Loos, la CJCE avait admis l'effet direct des directives dans les états membres. Cette décision fut reprise plusieurs fois, notamment avec l'arrêt Van Duyn du 4 décembre 1974 dans lequel la CJCE reconnaît à un administré le droit d'invoquer contre l'Etat des dispositions d'une directive communautaire non transposée si ces dispositions sont suffisamment claires, précises, et inconditionnelles. [...]
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