Le Conseil d'Etat avait toujours présenté certaines réticences à introduire le droit communautaire dans l'ordre interne mais il ne s'était jamais réellement opposé aux juridictions communautaires. Avec la décision Cohn-Bendit, on pourrait croire aux prémices d'une « Guerre des juges ».
Suite aux événements de mai 1968, le leader étudiant Daniel Cohn-Bendit, de nationalité allemande, fait l'objet d'un arrêté d'expulsion rendu le 24 mai de la même année. La légalité de cette décision aura été appréciée par le Conseil d'Etat dans une décision en date du 9 janvier 1970. En 1976, constatant l'évolution de la jurisprudence de la cour de justice des communautés européennes (CJCE), il demande au ministre des affaires étrangères français d'abroger l'arrêté d'expulsion le concernant. Le ministre refuse dans sa décision du 2 février 1976 et le Sieur Cohn-Bendit défère alors le refus qui lui est opposé au tribunal administratif de Paris. Ce même tribunal, saisit de la requête du Sieur Cohn-Bendit tendant à l'annulation, par un recours pour excès de pouvoir, de la décision du ministre français, rend alors un jugement le 21 décembre 1977 de sursis à statuer accompagné d'un renvoi préjudiciel au titre 177 du traité de Rome.
Le tribunal a donc demandé à la CJCE de statuer sur deux questions : « Le refus de mettre fin aux effets d'un arrêté d'expulsion constitue-t-il une mesure spéciale à laquelle s'applique la directive ? » et « dans l'affirmative, celle-ci est-elle respectée si les motifs de la mesure sont communiqués non au moment ou la décision est notifiée, mais ultérieurement, lors de l'instruction du recours formé contre elle ? ». Cependant, les réponses à ces questions ne reviendront jamais en raison de l'appel interjeté par le ministre français. Le Conseil d'Etat étant encore, à l'époque, le juge d'appel de droit commun (les cours administratives d'appel n'étaient pas encore créées), l'appel interjeté relève donc de sa compétence.
La question qui s'impose donc au Conseil d'Etat est de savoir dans quelle mesure une directive communautaire peut-elle être directement invocable par un particulier contre un acte individuel.
[...] Le Conseil d'État étant encore, à l'époque, le juge d'appel de droit commun (les cours administratives d'appel n'étaient pas encore créées), l'appel interjeté relève donc de sa compétence. La requête introduite par le Sieur Cohn- Bendit devant le tribunal administratif de Paris était fondée sur le motif unique que la décision de refus d'abroger le décret d'extradition le concernant était intervenu en violation de l'article 6 de la directive du Conseil des communautés européennes du 25 février 1964 relative à la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. [...]
[...] Une opposition frontale entre deux jurisprudences Le Conseil d'État instaure donc une jurisprudence diamétralement opposée à celle du droit communautaire, de la CJCE mais nous verrons que, par la suite, cette dernière sera amenée à connaître bien des remaniements Des jurisprudences diamétralement opposées Comme le rappelle le CE dans l'arrêt étudié de 1978, la directive communautaire, selon l'article 189 du traité de Rome (aujourd'hui article 249) de 1957, lie les États membres quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et au moyen. C'est autour de l'interprétation de cet article qu'une bataille juridique entre la CJCE et le CE va naître, l'arrêt Cohn-Bendit allant cristalliser la jurisprudence du CE quant à l'applicabilité des directives. En effet, dès 1963, avec l'arrêt Van Gend en Loos, la CJCE avait admis l'effet direct des directives dans les états membres. [...]
[...] Cependant, la position du Conseil d'État sur l'applicabilité des directives se fait en deux temps. Ainsi après avoir précisé que toute contestation sur la légalité des mesures réglementaires prises par le gouvernement français pour se conformer aux directives arrêtées par le conseil des communautés européennes est admise, il déclare que l'invocabilité de la directive à l'encontre d'un acte administratif individuel est un moyen inopérant. Une invocabilité impossible par le particulier Le Conseil d'État s'oppose fermement à la possible invocation d'une directive communautaire contre un acte individuel. [...]
[...] Le Conseil d'État refuse donc qu'un particulier puisse se prévaloir de la violation d'une directive communautaire pour attaquer une décision personnelle mais, ce faisant, il s'oppose à la jurisprudence de la CJCE, opposition qui est vouée à évoluer vers un consensus (II). L'applicabilité indirecte de la directive La directive se distingue du règlement en ce qu'elle n'est pas d'effet direct et ne peut donc pas être invoquée par le particulier contre une décision individuelle La transposition, une nécessité absolue Les directives communautaires se distinguent des règlements en ce qu'elles n'obligent les États destinataires que relativement à un objectif. [...]
[...] Arrêt Cohn-Bendit, Conseil d'État décembre 1978 Le Conseil d'État avait toujours présenté certaines réticences à introduire le droit communautaire dans l'ordre interne, mais il ne s'était jamais réellement opposé aux juridictions communautaires. Avec la décision Cohn-Bendit, on pourrait croire aux prémices d'une Guerre des juges Suite aux événements de mai 1968, le leader étudiant Daniel Cohn- Bendit, de nationalité allemande, fait l'objet d'un arrêté d'expulsion rendu le 24 mai de la même année. La légalité de cette décision aura été appréciée par le Conseil d'État dans une décision en date du 9 janvier 1970. [...]
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