Conseil d'État 21 mars 2011, M. Jin et M. Thiero, ressortissant étranger et acte administratif d'une directive européenne, transposition en droit interne, transcription des directives internationales, arrêt Tête, arrêt Nicolo, arrêt Alitalia, arrêt Cohn-Bendit, arrêt Rothmans International et Philips Morris, arrêt Perreux, arrêt SA Arizona Tobacco Products, commentaire d'arrêt
Si l'expiration du délai de transposition d'une directive européenne n'avait auparavant pas d'effet contraignant pour la France, il en va différemment depuis que le Conseil d'État a rendu de nombreux arrêts sur le sujet, prouvant ainsi l'effectivité des directives européennes en droit interne malgré leur non-transposition, et cela même après l'expiration dudit délai.
Le texte soumis à notre étude en est une parfaite illustration, c'est un avis rendu par le Conseil d'État en date 21 mars 2011.
Les faits soumis à l'intention de ladite juridiction sont les suivants, un ressortissant étranger en situation irrégulière conteste son expulsion. Ainsi, cet avis du Conseil d'État fait suite à un jugement du tribunal administratif de Montreuil en date du 20 janvier 2011 dans lequel le requérant demandait l'annulation de l'arrêté d'expulsion du 14 janvier 2011 ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour. Le juge administratif a alors demandé un avis au Conseil d'État sur l'applicabilité de directives européennes en droit interne, sachant qu'elles n'ont pas fait l'objet d'une transposition par le législateur. Le Conseil d'État a alors rendu l'avis du 21 mars 2011.
Le Conseil d'État devait dès lors, répondre à la question de savoir si un ressortissant étranger peut-il se prévaloir contre un acte administratif d'une directive européenne n'ayant pas fait l'objet d'une transposition en droit interne ?
[...] C'est en effet au législateur qu'il revient d'appliquer les directives européennes par le biais de lois de transpositions. Pour donner suite à cet arrêt de principe du Conseil d'État, le Conseil constitutionnel a confirmé cette interprétation en se reconnaissant compétente dans son arrêt « Loi DADVSI » du 27 juillet 2006 pour contrôler de la constitutionnalité des lois de transpositions des directives européennes en droit interne, mais également que la transposition des directives était une obligation constitutionnelle. Pour en revenir à l'avis du Conseil d'État, on voit que le juge administratif revient sur le principe de l'arrêt « Tête » en explicitant que l'inexécution de la directive par l'état c'est-à-dire l'absence de mise en vigueur de la directive par le biais d'une loi de transposition vient léser le justiciable. [...]
[...] Le Conseil d'État devait dès lors, répondre à la question de savoir si un ressortissant étranger peut-il se prévaloir contre un acte administratif d'une directive européenne n'ayant pas fait l'objet d'une transposition en droit interne ? À cette question, le Conseil d'État répond par l'affirmative, en effet, il confirme par son avis au juge du fond que les justiciables peuvent se prévaloir d'une directive européenne n'ayant pas été transcrite en droit interne pour contester un acte administratif, mais également qu'après l'expiration du délai de transcription il incombe à l'état français de respecter ladite directive et notamment de ne pas prendre des actes contraires ou de supprimer les actes en vigueur qui seraient contraires à cette dernière. [...]
[...] Le juge administratif donne ainsi la confirmation que les directives internationales même non transcrites ont une valeur en droit interne. Enfin, cette obligation de transcription des directives internationales en droit interne provient aussi et surtout du célèbre arrêt « Nicolo » dans lequel le juge administratif se reconnaît compétent pour contrôler de la conventionnaliste des lois aux traités, une directive étant un traité. Cependant, si l'obligation de transcription des directives internationales par l'État est une garantie pour le justiciable, l'expiration des délais de transcription en est une également. [...]
[...] L'avis qui nous est soumis reprend à la lettre ce principe dans son point numéro deux en insistant sur le fait que « les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister ni continuer de faire application des règles [ ] qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives ». Ainsi, cet avis vient très clairement confirmer et rappeler le principe de l'arrêt « Alitalia ». On comprend dès lors que tant que la directive n'est pas transposée et que son délai n'a pas expiré les dispositions réglementaires contraires à la directive ne seront pas illégales. [...]
[...] Ce principe a été introduit au départ implicitement par l'arrêt « Alitalia » qui précisait comme dit précédemment que les autorités françaises ne pouvaient pas laisser subsister des dispositions réglementaires contraires aux objectifs de la directive lorsque le délai de transcription avait expiré. Ces arrêts avaient de fait consenti à la responsabilité tacite de l'état en cas d'application ou de maintien de dispositions contraires à une directive internationale. Ainsi, l'avis reprend cette interprétation dans son point deux, en effet, il rappelle le principe des arrêts susmentionnés et vient donc implicitement confirmer la responsabilité de l'état en cas d'absence de transposition. [...]
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