Comme a pu l'écrire Monsieur Bruno Genevois, commissaire du gouvernement lors de l'affaire Cohn-Bendit en 1978, « à l'échelon de la communauté européenne, il ne doit y avoir ni gouvernement des juges ni guerre des juges. Il doit y avoir place pour le dialogue des juges ». C'est précisément dans cette optique que le Conseil d'Etat a rendu son arrêt d'Assemblée De Groot et Bejo du 11 décembre 2006.
En l'espèce, deux sociétés néerlandaises De Groot en Slot Allium BV et Bejo Zaden BV demandaient l'annulation de la décision par laquelle les autorités françaises avaient refusé d'abroger l'article 1er de l'arrêté interministériel du 17 mai 1990 aux termes duquel seuls les produits issus d'une multiplication par bulbe peuvent être vendus sous le nom d'échalotes.
Destiné à protéger le marché français contre la concurrence des échalotes de semis, ce texte avait ainsi contraint les sociétés requérantes à suspendre la commercialisation des semences « Matador » et « Ambition » qui avaient pourtant été inscrites sous le nom d' “ échalotes ” au catalogue communautaire des variétés de légumes prévus par les directives n° 70/458 CEE et nº 92/333 CEE.
[...] ~ Intervenue après une longue période de contestations, la décision De Groot reconnaît finalement à la Cour le pouvoir d'interpréter la question qui lui est posée, de se saisir d'office de toute question de droit communautaire utile à la solution du litige et accepte de conférer une autorité absolue à tout ce que la Cour dit pour droit. Cependant, ce pas en avant consenti par le CE en faveur du développement du dialogue des juges n'était pas pour autant synonyme de soumission absolue. [...]
[...] Or, si dans l'arrêt du 10 janvier 2006 la CJCE a considéré l'article 28 du TCE s'oppose à une réglementation nationale telle que l'arrêté du 17 mai le renvoi préjudiciel du CE n'invitait nullement les juges communautaires à confronter l'arrêté attaqué à l'article 28. En effet, cette confrontation ne relevait que du seul juge saisi au principal et ne nécessitait aucune interprétation préjudicielle du droit communautaire. Il apparaît donc évident que la Cour de justice a dans cette affaire outrepassé son office. [...]
[...] ~ Le refus du Conseil d'Etat d'abandonner son rôle de juge des faits ~ En se prononçant dans un registre relevant habituellement du juge national, la CJCE semble avoir outrepassé son office et manqué gravement au principe de coopération juridictionnelle. C'est pour remédier à cette situation que le CE a rappelé quels étaient selon lui les rôles respectifs des juges nationaux et communautaires dans la mise en œuvre du droit. ~ L'immixtion de la Cour de Justice dans l'office du Conseil d'Etat Il convient de rappeler ici que dans son arrêt du 10 janvier 2006, la CJCE ne s'est pas contentée de juger l'invalidé de l'inscription au catalogue communautaire des semences Matador et Ambition comme cela lui avait été initialement demandé. [...]
[...] En effet, celle-ci a clairement réservé au juge du principal l'appréciation de la conformité du droit communautaire de la règle de droit interne en cause devant lui. On peut ainsi citer l'arrêt Da Costa de mars 1963 dans lequel la Cour précise que “lorsqu'elle statue dans le cadre de l'article 177 ( ex elle se borne à déduire de la lettre et de l'esprit du Traité la signification des normes communautaires, l'application au cas d'espèce étant réservée au juge national”. [...]
[...] En définitive, il va estimer que tel n'est pas le cas et déduire de ces analyses que l'arrêté litigieux constituait bien une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 28 du traité CE. Par conséquent, le Conseil d'Etat a décidé l'annulation de la décision implicite de rejet des autorités françaises ainsi que l'abrogation de l'arrêté du 17 mai 1990 sous peine d'astreintes. Les sociétés requérantes toucheront quant à elles la somme de 5000 euros chacune en application des dispositions du Code de justice administrative. [...]
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