Par l'arrêt du Conseil d'Etat rendu le 10 avril 2008, « Conseil national des barreaux et autres », le juge s'est reconnu un droit de statuer sur la conformité d'une directive aux droits fondamentaux.
Le Parlement européen et le Conseil modifient la directive 91/308/CEE du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, par celle 2001/97/CE dite « deuxième directive anti-blanchiment » le 4 décembre 2001. Il est question « d'étendre les obligations qu'elle édicte [en 1991] en matière d'identification des clients, de conservation des enregistrements et de déclaration des transactions » suspectes à des professions qui avant n'y étaient pas soumises. On y retrouve les notaires et les autres membres des professions juridiques indépendantes. Ils sont notamment concernés par l'obligation de déclaration de soupçon, liée aux activités financières illicites qui ne s'adressaient au départ qu'aux établissements bancaires. Cette directive a été transposée par la loi du 11 février 2004, qui a ainsi modifié les chapitres II et III du titre VI du livre V du code monétaire et financier, relatifs aux obligations de vigilance.
[...] De plus, pour que le juge administratif statue sur la conventionalité de la directive, le contenu de la loi devait être entièrement déterminé par la directive. Celle-ci se limite à fixer aux États des objectifs à atteindre. Il faut donc penser comme le mentionnait l'arrêt Arcelor que sont transposées des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive. On retrouve ces notions dans l'arrêt du 10 avril 2008 : il appartient au juge administratif de s'assurer d'abord que la loi procède à l'exacte transposition des dispositions de la directive L'interprétation déjà donnée entre le droit communautaire dérivé et la CEDH S'agissant de l'interprétation de la directive, de savoir si les droits fondamentaux garantis par la CEDH font parti des principes généraux du droit communautaire, et s'imposent donc au droit communautaire dérivé, la réponse était déjà connue. [...]
[...] La directive méconnaissait-elle les principes posés par la CEDH, par conséquent des principes généraux du droit communautaire ? Le Conseil d'État pouvait-il se prononcer sur la conventionalité de la directive ? Si oui, quelles sont alors les conditions requises ? Le Conseil d'État s'est prononcé sur la conventionalité de la loi mais aussi pour la première fois sur la conformité d'une directive à la CEDH. Il a estimé que le décret devait être annulé partiellement, dans ses articles R. 562-5 et R. [...]
[...] En revanche, le Conseil d'État n'a pas reconnu l'incompatibilité de la directive et de la loi avec les dispositions de la CEDH, en particulier ses articles 6 et 8. La décision du juge administratif d'étendre son pouvoir de contrôle de la conventionalité d'une directive n'était pas une surprise il a tout de même fait preuve de certaines particularités dans son contrôle (II). La reconnaissance attendue de la conventionalité de la directive par le juge administratif Le juge administratif puise son argumentation dans sa jurisprudence antérieure et dans une interprétation déjà prise par la Cour de justice des Communautés européennes La continuité d'une jurisprudence récente de l'arrêt Arcelor Depuis 2007, le juge administratif s'est reconnu le droit de contrôler la conformité d'un décret de transposition à un principe constitutionnel. [...]
[...] Il fallait ensuite que le juge administratif se prononcer sur la méconnaissance ou non des articles 6 et 8 de la CEDH dans la directive. Concernant l'article la réponse était facile puisque la CJCE y avait antérieurement répondu lorsque la Cour d'arbitrage de Belgique l'avait saisie en 2007 sur ce sujet. Elle avait alors privilégié une interprétation de conciliation entre ces deux textes. En revanche, concernant l'article 8 relatif au droit et au respect de la vie privée, le renvoi d'une question préjudicielle pouvait être possible. [...]
[...] Ainsi la réponse du juge, à la question de savoir s'il pouvait exercer un contrôle sur la conventionalité de la directive aux droits fondamentaux protégés par la CEDH, s'imposait. Toutefois, il a fait preuve de certaines originalités. II) Les modalités particulières de ce contrôle Le juge administratif a fait preuve d'originalité dans son contrôle de conventionalité de la loi : en se référant directement à la directive et en donnant une interprétation large de la loi de transposition dans le code monétaire et financier Une méthode originale : la conformité de la loi à la directive Lors de l'examen de la compatibilité de la loi aux articles 6 et 8 de la CEDH, le juge n'a pas choisi de la vérifier directement par la conventionalité des dispositions législatives, mais il a choisi d'examiner la compatibilité de la loi à la directive, car elle est conforme aux droits fondamentaux protégés par la CEDH. [...]
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