Les arrêts du Tribunal de Première Instance (TPI) du 3 mai 2002 et celui de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) du 25 juillet 2002 doivent être étudiés concomitamment, tant leur interdépendance est grande et leur apport considérable quant à la possibilité pour les particuliers non-destinataires d'un acte de portée générale d'en demander l'annulation.
Dans l'arrêt du TPI, une société spécialisée dans la pêche au merlan forme un recours en annulation contre un règlement destiné à limiter la pêche au merlu, et dont les dispositions sont de nature à nuire à son activité. La CJCE, dans l'arrêt du 25 juillet 2002, est quant à elle saisie suite à un pourvoi formé par une association professionnelle contre un arrêt du TPI, qui avait rejeté la recevabilité de son recours en annulation contre un règlement ayant pour effet de diminuer les aides allouées aux entreprises dont elle défend les intérêts.
[...] Il s'agit en effet de concilier les dispositions du traité avec l'exigence du droit au recours effectif pour tous les particuliers. Des droits légitimes peuvent dans ces conditions s'avérer difficiles à protéger. L'arrêt de la Cour revient sur la position audacieuse du TPI, et va donc dans le sens d'une application stricte du traité CE. Il convient d'ailleurs de remarquer que l'arrêt du Tribunal de Première Instance rendu le 3 mai 2002 a été cassé par la Cour de Justice dans un arrêt du 1er avril 2004. [...]
[...] Le TPI tente une interprétation extensive de l'article 230 du traité Communauté européen dans son arrêt du 3 mai 2002 en décidant qu' afin d'assurer une protection juridictionnelle effective des particuliers, une personne physique ou morale peut être considérée comme individuellement concernée par une disposition communautaire de portée générale qui la concerne directement si la disposition en question affecte, d'une manière certaine et actuelle, sa situation juridique en restreignant ses droits ou en lui imposant des obligations La CJCE revient à la jurisprudence traditionnelle et décide qu'un recours en annulation formé contre un règlement est irrecevable dès lors que les critères posés par l'article 230 du traité CE ne sont pas remplis. Pour comprendre ces décisions très différentes, il convient de s'intéresser à l'évolution des critères ouvrant le recours en annulation des actes de portée générale aux non-destinataires, puis de voir dans quelle mesure ces derniers demeurent largement exclus du recours en annulation. [...]
[...] Cependant, le Tribunal déclare malgré tout recevable le recours en annulation formé par la requérante. Il décide ainsi qu'« afin d'assurer une protection juridictionnelle effective des particuliers, une personne physique ou morale peut être considérée comme individuellement concernée par une disposition communautaire de portée générale qui la concerne directement si la disposition en question affecte, d'une manière certaine et actuelle, sa situation juridique en restreignant ses droits ou en lui imposant des obligations Le règlement ayant pour effet d'accroître les obligations de la société requérante, le recours est déclaré recevable. [...]
[...] Le Tribunal était revenu à la jurisprudence traditionnelle dès un arrêt du 8 août 2002 (VVG International et Metalsivas contre Commission). La nécessité d'une réforme du droit positif semble suggérée par la Cour, qui précise qu'écarter la condition de personne individuellement concernée, expressément prévue par le traité, reviendrait à excéder les compétences que le traité attribue aux juridictions communautaires. Et d'ajouter : si un système de contrôle de la légalité des actes communautaires de portée générale autre que celui mis en place par le traité et jamais modifié dans ses principes est certes envisageable, il appartient, le cas échéant, aux Etats membres, conformément à l'article 48 UE, de réformer le système actuellement en vigueur Il est intéressant à ce titre de remarquer que la Cour ne souhaite pas s'octroyer un rôle créateur de droit trop important, et que seuls les Etats membres sont habilités à élargir le recours en annulation aux particuliers qui ne seraient pas individualisables au même titre que les destinataires des actes de portée générale. [...]
[...] La requérante ne s'est en effet fondée que sur le droit au recours effectif. Mais la Cour relève que l'interprétation de la requérante, selon laquelle un recours en annulation serait ouvert dès lors que les règles nationales de procédure n'autorisent pas le particulier à introduire un recours lui permettant de mettre en cause la validité de l'acte communautaire contesté, ne saurait être admise. Elle aurait en effet pour conséquence de contraindre le juge communautaire à examiner systématiquement les règles internes de procédure, ce qui excède sa compétence. [...]
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