Le principe du maintien des contrats de travail en cas de transfert d'entreprise constitue une véritable exception au principe de l'effet relatif des contrats affirmé par l'article 1165 du Code civil. Néanmoins il s'agit d'un principe ayant vocation à garantir le droit à un emploi stable, en dépit du phénomène croissant d'externalisation des entreprises. Ce principe a été consacré par la directive européenne n° 77/187/CEE du 14 février 1977, consacrée en droit positif français par l'article 1224-1 du Code du travail, anciennement l'article 122-12. Cette règle du maintien du contrat de travail en cas de transfert d'entreprise a fait l'objet d'un dense contentieux de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE), notamment quant aux critères qui subordonnent son application, comme le prouve l'arrêt rendu par la juridiction européenne le 24 janvier 2002.
En l'espèce, la société Volkswagen avait confié par contrat datant du 2 mai 1993 le nettoyage de certaines de ses installations industrielles à la société BMV, qui elle-même sous-traitait ces travaux auprès de sa filiale, la société GMC. Au mois de décembre 1994, Volkswagen résilie le contrat passé avec la société BMV et signe, le 14 décembre 1994, avec la société Temco, un contrat par lequel cette dernière société se charge d'assurer les mêmes prestations. La société GMC, filiale de BMV, dont le chantier Volkswagen constituait alors l'unique activité, a licencié l'ensemble de son personnel à l'exception de MM. Imzilyen, Belfarh, Afia-Aroussi, et Lakhdar, quatre salariés protégés, qu'elle conserve en vertu de l'article 1er de la Convention Collective de Travail (CCT) du 5 mai 1993, conclue au sein de la commission paritaire pour les entreprises de nettoyage et de désinfection. Après la perte de ce marché, la société GMC a continué d'exister, mais est néanmoins restée inactive.
[...] Jusqu'en décembre 1995, ces salariés ont alors été placés par GMC en chômage partiel, alors même que la société avait affirmé à l'occasion d'échanges de courrier que les contrats de ces quatre personnes avaient été automatiquement transférés à Temco lors de la reprise du marché par cette dernière société en vertu d'une convention collective, la CCT n°32 bis, ayant pour objet la transposition de la directive n°77/187/CEE, consacrant pour sa part le principe du maintien du contrat de travail en cas de transfert d'entreprise. À partir du mois de décembre 1995, GMC cesse de payer les salariés. Les quatre salariés, MM. Imzilyen, Belfarh, Afia-Aroussi et Lakhdar assignent alors GMC, BMV et Temco devant le Tribunal de travail de Bruxelles. [...]
[...] A cette question, la Cour va répondre en rappelant dans un premier temps, qu'en principe, l'article paragraphe 1 de la directive dispose expressément que le transfert automatique s'impose tant aux employeurs qu'aux salariés transférés. L'absence de consentement des parties concernées par ce transfert serait donc en principe, sans incidence sur l'application de la directive, et donc ne ferait pas obstacle au principe du transfert automatique. Il s'agit là d'un principe que la Cour eut déjà l'occasion de faire appliquer, au travers notamment d'un arrêt D'Urso e. [...]
[...] C'est le cas des entités économiques dans le secteur du nettoyage, qui, lorsqu'elles sont transférées aux mains d'un nouveau chef d'entreprise, sont susceptible de conserver leur identité, notamment lorsqu'au-delà de poursuivre l'activité en cause, ce nouveau chef d'entreprise va reprendre une partie essentielle, en termes de nombre et de compétences, les effectifs de son prédécesseur. Le critère de l'objet du transfert imposé par la directive 77/187/CEE est donc rempli en l'espèce. La Cour va même jusqu'à affirmer que le fait que la reprise d'une partie du personnel ait, en l'espèce, été imposée par une convention collective sectorielle est sans incidence sur le fait que le transfert porte sur une entité économique. [...]
[...] L'application de cette directive a pour effet principal de permettre le maintien du contrat de travail entre les salariés de l'entreprise cédante et le nouvel employeur, dans le cadre du transfert d'entreprise. Il s'agit là d'une véritable exception au principe de l'effet relatif des contrats, prévu par l'article 1165 du Code Civil, qui a pour objet de garantir la continuité et la stabilité des contrats de travail. Il s'agit alors d'observer les effets que sont amenés à produire plus particulièrement cette exception du droit européen au sein de l'entreprise, notamment lorsque, comme en l'espèce des salariés s'opposent à ce transfert (II). [...]
[...] Une première partie étudiera donc le domaine d'application de la directive 77/187/CEE en analysant les différents critères rappelés pas la CJCE au travers de l'arrêt du 24 janvier 2002 puis une seconde partie portera sur les effets du transfert légal, tant sur l'employeur que sur les salariés (II). Les critères inhérents au domaine d'application de la directive 77/187/CEE Afin de déterminer si la directive 77/187/CEE relative au maintien des contrats de travail en cas de transfert d'entreprise doit être appliquée en l'espèce, la Cour de Justice des Communautés européennes va, au travers de sa décision du 24 janvier 2002, tenter d'établir si un transfert d'entreprise au sens de la directive a été opéré, en recherchant un certain nombre de critères, liés d'une part à l'objet du transfert ainsi qu'à la nature du transfert d'autre part Les critères liés à l'objet du transfert Dans le but de déterminer s'il y a eu transfert d'entreprise au sens de la directive 77/187/CEE, la Cour va tout d'abord se pencher sur la question de l'objet du transfert. [...]
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