Cet arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) du 18 décembre 1997 pose le problème de la transposition des directives communautaires en droit interne et plus précisément la question des actes réglementaires nationaux contraires aux objectifs d'une directive pris avant l'expiration du délai de transposition de ladite directive.
En l'espèce, après qu'un recours en annulation est intenté par l'association Inter-Environnement Wallonie ASBL (IEWA) à l'encontre d'un arrêté régional wallon relatif aux déchets toxiques et dangereux, que l'IEWA considère comme non conforme à une directive communautaire de 1991 concernant les déchets et remplaçant une directive de 1975, le Conseil d'État belge (CEB) a posé deux questions préjudicielles à la CJCE sur la base de l'article 230 du Traité de la Communauté Économique Européenne (TCEE) de 1957 qui donne une compétence exclusive aux juridictions nationales pour saisir la CJCE d'un renvoi préjudiciel. Les juridictions nationales, comme le Conseil d'État, doivent surseoir à statuer lorsqu'elles posent une question préjudicielle.
La CJCE considère qu'elle est compétente pour interpréter « tous les actes des institutions sans distinction » (CJCE, 6. 10. 1970 non cité dans cet arrêt) afin de garantir l'interprétation et l'application uniforme du droit communautaire. En l'espèce, la CJCE était compétente puisque le CEB lui demandait d'interpréter des articles du TCEE, traité qui fait partie du droit communautaire primaire, puis des articles d'une directive communautaire, qui fait partie du droit communautaire dérivé.
Il est difficile, faute d'indication concernant la date de la demande faite par l'IEWA au CEB, de déterminer s'il s'agit d'une exception d'inconditionnalité, qui est l'invocabilité directe d'une directive quand le délai de transposition n'est pas encore expiré, ou sil s'agit de l'invocabilité d'exclusion, invocable à l'encontre de toute mesure nationale incompatible avec les dispositions d'une directive. Cela est la conséquence de l'effet direct vertical. En effet, depuis un arrêt du 4. 12. 1974 (non cité ici), la Cour a étendu l'effet direct, malgré des hésitations de la doctrine, aux directives, alors que celles ci sont une technique de législation indirecte. Donc, quand la directive est inconditionnelle et suffisamment précise, des particuliers peuvent l'invoquer devant leurs juridictions nationales. C'est pour cela que l'IEWA a pu demander au CEB de contrôler la bonne transposition de la directive de 1975, modifiée par la directive de 1991.
Après cette intervention de la CJCE, il est prévu que ce soit le juge national qui tranche le cas d'espèce qui lui est posé en tirant les conséquences de l'interprétation donnée par le juge communautaire afin de respecter la répartition des compétences entre le juge national et le juge communautaire. A la suite de cet arrêt, le CEB devra statuer lui-même sur le conflit opposant IEWA à la région wallonne.
Nous traiterons ce sujet simplement, en voyant dans un premier temps les raisons pour lesquelles le CEB a posé des questions préjudicielles à la CJCE et dans un second temps, les réponses de la juridiction communautaire.
[...] Il ressortait donc de la compétence de la région wallonne de prendre un arrêté, acte réglementaire, pour appliquer cette directive de 1991. Mais le problème se trouve plus loin : l'arrêté a été pris en 1992, un an avant la date limite de transposition et va à l'encontre de la directive de 1991 concernant les déchets puisqu‘il exonère, comme nous le verrons dans la deuxième partie, certains déchets, ceux provenant d'une installation de recyclage intégrée dans un processus de distribution industrielle, d'autorisation d'implantation ou d'installation prévue par la directive de 1991. [...]
[...] Au point 10, il est précisé que la directive de 1991 reprend la définition de déchet de la directive de 1975. L'article 9 de la directive de 1975, citée au point prévoit que sont soumis à une autorisation de l'autorité compétente, les établissements ou entreprises effectuant une opération d'élimination ou des opérations débouchant sur une revalorisation des déchets. De plus, l'article 11 de la directive de 1975 prévoit une exemption d'autorisation pour les entreprises ou établissements assurant eux-mêmes l'élimination de leurs propres déchets sur les lieux de production ou ceux qui valorisent les déchets. [...]
[...] Cela est également repris par l'arrêté régional wallon (point 11-2). Les deux différences entre la directive de 1991 et l'arrêté de 1992 résident aux points 11 et 14 : en effet, la directive de 1991 refuse que l'exemption de l'autorisation pour les établissements assurant l'élimination de leurs propres déchets [ ] s'applique aux déchets dangereux tandis que le décret du Conseil régional wallon permet l'exemption d'autorisation pour l '«implantation et l'exploitation d'une installation spécifique [ ] d'élimination ou de valorisation de déchets toxiques ou dangereux L'arrêt utilise en réalité la forme négative : «Sont soumises à autorisation l'implantation et l'exploitation d'une installation spécifique [ ] non intégrés dans un processus de production industrielle L'IEWA intervient alors avec le moyen que le décret de la région wallonne violerait la directive de 1991 en ce qu'il permet aux entreprises de créer elles-mêmes, sans l'autorisation d'autorités compétentes, des installations de recyclage de déchets toxiques ou dangereux en les insérant simplement dans un processus de production industrielle, ce qui peut bien entendu mener à de nombreux abus de la part de ces entreprises qui recycleront à leur manière des produits dangereux qui sont certainement nocifs pour l'homme et l'environnement et, par cela même, sont contraires à l'article 4 de la directive de 1975, modifiée (point 8). [...]
[...] Dans cet arrêt de 1997, la CJCE va plus loin dans l'interprétation de l'article 189 TCEE en décidant au point 45 que les États membres ne doivent pas prendre, durant le délai de transposition, des mesures allant à l'encontre des objectifs de la directive. En effet, elle considère que, en application de l'article 191 du TCEE, les directives produisent des obligations à l'égard des États lorsqu'elles leur sont notifiées (point 41). Les États sont donc obligés de respecter la directive dès qu'ils sont mis au courant qu'une telle directive existe et qu'ils disposent d'un certain délai, généralement fixé par la directive elle-même, pour la transposer. [...]
[...] En effet, les directives, faisant partie du droit dérivé, ne sont pas d'application directe et nécessitent l'intervention des États membres. Elles sont donc adoptées au niveau de la Communauté Européenne qui fixe des règles que les états membres doivent inclure dans leur législation, ce que l'on nomme transposer Le point 9 de l'arrêt rappelle que la directive communautaire de 1991 concernant les déchets fixait sa date de transposition au 1er avril 1993. En l'espèce, la région wallonne a pris un arrêté qui relevait de sa compétence. [...]
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