Les recours en manquement commençant par « Commission contre » tel ou tel Etat sont tellement d'usage qu'il en serait presque innocent d'oublier que la Cour de Justice, gardienne des intérêts communautaires, ne détient pas le monopole dans l'initiative de cette procédure. D'après l'article 259 du TFUE, tout Etat membre peut saisir la Cour de Justice de l'Union européenne s'il estime qu'un autre Etat membre a manqué à une de ses obligations. La Commission européenne, conciliateur incontournable de la procédure précontentieuse, doit tout d'abord rendre un avis. En règle générale, les Etats préfèrent laisser la Commission agir seule et, le cas échéant, intervenir à l'instance. Cela explique la rareté extrême de ce type de recours :
depuis 1952, ont été recensés seulement quatre cas de recours entre États, dont l'arrêt commenté. Mais c'est en revanche la première fois que cette voie de droit est exercée par un Etat membre d'Europe centrale, la Hongrie, contre un Etat membre voisin, la République slovaque. Le postulat de départ est que "tout le monde passe et peut passer". Ce ne fut pas le cas du président hongrois Laszlo Solyom qui, lui, a été prié de faire demi tour. Le litige d'espèce découle en effet d'un refus de la Slovaquie, le 21 août 2009, à l'accès sur son territoire au président hongrois, qui était censé se rendre à l'inauguration d'une statue de Saint Etienne, fondateur et premier roi de Hongrie. La Slovaquie a considéré ce déplacement comme trop sensible en raison de la date choisie : le 21 est en effet la date anniversaire de l'invasion, en 1968, de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie, parmi lesquelles figuraient des soldats hongrois ("Comme si les soldats hongrois avaient envahi de leur propre chef la Tchécoslovaquie", a commenté Zoltan Bara).
[...] Cela dit, en aucun cas la décision ne peut se fonder sur des raisons économiques. Toute mesure limitant la liberté de circulation doit respecter le principe de proportionnalité et être fondée exclusivement sur le comportement personnel du sujet. Le comportement devra ainsi représenter une menace suffisamment grave et actuelle touchant un intérêt fondamental de l'État L'existence de condamnations pénales antérieures ne saurait justifier automatiquement l'éloignement. L'État membre d'accueil qui souhaite prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un citoyen de l'Union devra avant toute chose envisager certains éléments tels que la durée de la résidence de l'intéressé, son âge, sa santé, son intégration sociale, sa situation familiale dans le pays d'accueil ainsi que les liens avec le pays d'origine. [...]
[...] Il ajoute la qualité de plus haut représentant de l'État qui est celle d'un chef d'État ainsi que le principe de l'égalité souveraine des États militent, selon nous, en faveur de la thèse inverse de celle défendue par la Hongrie, à savoir que les visites de chefs d'État au sein des États membres de l'Union dépendent du consentement de l'État d'accueil et des modalités définies par celui-ci, dans le cadre de sa compétence, et ne peuvent pas être appréhendées en termes de liberté de circulation Que faut-il en déduire ? La notion de citoyenneté européenne est-elle enfermée dans un cadre spatio-temporel précis ? Si dans le cadre d'une visite officielle, un Président ne peut être appréhendé et traité comme un citoyen européen, y a-t-il d'autres situations qui aboutiraient à un résultat similaire ? Cette notion de citoyenneté est elle alors temporaire, ou conditionnée par certaines situations de fait ? [...]
[...] II) Une décision perçue à la fois comme un refus de prendre parti et comme une dynamique de volonté d'apaisement des conflits La neutralité suspecte de la Cour au cœur d'un conflit politique La montée en puissance des tensions entre la Slovaquie et la Hongrie depuis 2006 a atteint un point culminant avec le refus litigieux d'accès au territoire slovaque au Président hongrois dont il est question dans l'arrêt. Au-delà de la forte charge symbolique de la date supposée de la visite, il convient de rappeler brièvement le contexte politique qui oppose les deux États, cela depuis des siècles. En effet, du XIème siècle jusqu'en 1919, la Slovaquie était intégrée à l'empire Autro-hongrois, et c'est ce qui explique la présence actuelle d'une forte diaspora hongroise sur le territoire slovaque. [...]
[...] Communément, est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. Instituée par le traité de Maastricht en 1992 et complétée par le traité d'Amsterdam en 1997, la citoyenneté européenne constitue un lien entre les citoyens et l'UE destiné à faciliter l'identification desdits citoyens à la communauté européenne et le développement d'une identité européenne. Elle est réservée aux nationaux des États membres. Ils disposent de droits liés à leur citoyenneté et garantis par les traités (articles 20 à 25 du TFUE), à savoir le droit de circuler et de séjourner, de travailler et d'étudier sur le territoire des autres pays membres, reconnus aux actifs et aux inactifs ; ainsi que des droits civiques et politiques (le droit de vote et d'éligibilité). [...]
[...] Enfin, il semble essentiel de s'interroger sur les faits mêmes qui ont donné à lieu à l'arrêt étudié, jamais auparavant le Président d'un État membre de l'UE ne s'était fait refouler à la frontière d'un État membre voisin Une telle mesure est empreinte d'une extrême gravité et devrait naturellement se justifier par des besoins impérieux de protéger la sécurité du pays, mais tel est loin d'être le cas, et il a été démontré que le Président hongrois ne représentait aucune sorte de menace pour la République slovaque. N'était-ce pas le rôle de la Cour que de s'en étonner ? Il est en effet pour le moins surprenant que cette dernière n'ait pas profité de l'occasion de cet arrêt pour rappeler aux deux États leurs obligations, la portée de leurs engagements découlant de leur adhésion à l'UE. [...]
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