En instituant un ordre juridique spécifique, quelque peu en marge du droit international, le droit communautaire a dû se poser la question de son articulation avec les droits internes des États. Après quelques incertitudes, le juge communautaire a consacré le principe de primauté du droit communautaire. Pour autant si celui-ci ne semble pas poser problème dans la hiérarchie qui oppose le droit communautaire et la loi interne, il en va bien autrement de la relation, de la subordination pourrait-on dire, du droit constitutionnel des états au droit communautaire. Outre les problèmes propres à la notion même de constitution, il faut bien se rendre compte que ces normes ont souvent trait à des droits souverains ou à des droits fondamentaux. Ces droits, que l'on pourrait qualifier de nationaux, se trouvent alors en opposition avec « les revendications supranationales » que le principe de primauté tend à faire insérer.
Face au silence des traités, alors même que les pères fondateurs s'engageaient pour une vision supranationale voir fédéraliste de l'Europe, c'est la Cour de justice qui a joué un rôle fondamental pour l'affirmation de ce principe. Pour autant, outre la jurisprudence de la cour dont l'arrêt Costa c/ Enel constitue la décision de principe, il est habituel de mettre ce principe comme le corollaire nécessaire, voir évident, d'un certains nombres d'article au rang duquel figure en première place l'article 10, l'article 234 (ex art. 177) et l'article 249 (ex art. 189).
Dès lors, tout un ensemble de normes communautaires rangé dans un « bloc de constitutionnalité » impose leur primauté sur le droit national des états membres. C'est le cas des traités, mais aussi des normes dérivées comme les règlements (CJCE 14 déc. 1971 Politi) ou des directives (CJCE 19 jan. 1982 Becker). Ces normes s'imposent aussi indifféremment selon la norme nationale en cause, qu'elle soit administrative, réglementaire ou législative.
De surcroît, « la transversalité » d'une norme peut également poser problème. C'est le cas lorsque l'application d'une norme communautaire (la politique sociale) se recoupe ave une compétence des États membres (l'organisation des forces armées).
Il est évident que dans ce cas-là, la norme peut toucher des revendications supranationales. Or l'arrêt de la CJCE du 7 juin 2000 Kreil a ceci d'intéressant que non seulement il a trait à l'application du principe de primauté au sujet d'un domaine éminemment souverain c'est-à-dire l'armée des états, ou plus exactement l'organisation de l'armée allemande, mais en plus par ce qu'il remet en cause, d'une manière indirecte toutefois, une norme constitutionnelle de l'Allemagne, une de ces lois fondamentales.
Mme Tanja Kreil, une jeune femme allemande diplômée en électrotechnique, avec une spécialisation en technique des installations, a introduit une demande d'engagement volontaire dans la Bundeswehr en 1996 dans les services de maintenance électronique des systèmes d'armes. Sa demande fut rejetée d'abord par le centre local de recrutement puis, après une réclamation, par l'administration centrale du personnel de la Bundeswehr. En effet, ceux-ci faisaient remarquer qu'en vertu d'une loi nationale les femmes sont exclues de toutes les fonctions impliquant l'utilisation d'armes. La loi nationale en question étant composée de l'article 1er, paragraphe 2, troisième phrase de la Soldatengesetz (loi portant statut des militaires notée SG), et de l'article 3 du Soldatenlaufbahnverordnung (règlement sur la carrière militaire notée SLV), qui figure chacune dans le code civil allemand, le Bürgerliche Geseztbuch (BGB). En vertu de ces textes, les femmes qui se sont engagées volontairement sous les drapeaux ne peuvent être employées que dans les services de santé et dans les formations de musique militaire et sont en tout cas exclues des emplois qui comportent l'utilisation d'armes.
Estimant qu'elle était victime, en application du droit communautaire, d'une discrimination illégale fondée sur le sexe, Mme Kreil a attaqué la décision devant le tribunal administratif de Hanovre. La solution du litige nécessitant vraisemblablement l'interprétation de la directive 76/207/ CE du 9 février 1976, le tribunal administratif décida de surseoir à statuer et de poser à la cour une question préjudicielle. La directive en question étant relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, la question était de savoir si la loi nationale allemande s'opposait à l'application de la directive en question.
La cour devra alors de se demander si une norme communautaire, la directive de 1976, était applicable en l'espèce à une loi nationale, conforme à une norme constitutionnelle, qui portait sur le domaine de la politique et de la défense ?
Le raisonnement de la Cour paraît dès lors simple puisqu'elle s'attache dans un premier temps à regarder l'effectivité de la primauté d'une norme dans le cas d'un domaine qui touche la politique de sécurité et de défense (I), pour dans un deuxième temps regarder la portée de la directive elle-même, notamment au sein de l'ordre national allemand (II).
[...] Pour autant, outre la jurisprudence de la cour dont l'arrêt Costa Enel constitue la décision de principe, il est habituel de mettre ce principe comme le corollaire nécessaire, voir évident, d'un certain nombre d'articles au rang duquel figure en première place l'article 10, l'article 234 (ex art. 177) et l'article 249 (ex art. 189) 1. Dès lors, tout un ensemble de normes communautaires rangé dans un bloc de constitutionnalité impose leur primauté sur le droit national des états membres. C'est le cas des traités, mais aussi des normes dérivées comme les règlements (CJCE 14 déc Politi) ou des directives (CJCE 19 jan Becker). Ces normes s'imposent aussi indifféremment selon la norme nationale en cause, qu'elle soit administrative, réglementaire ou législative. [...]
[...] Sur ces dispositions, la CJCE a donc tranché, la Cour dit que les dispositions s'opposent à la directive 76/207/CEE du Conseil du 9 février 1976. L'exclusion d'une manière générale des femmes des services militaires, les limitant au cas des dispositions de loi précitée est donc contraire au principe de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes. La Cour après avoir tranché la question de l'applicabilité de la directive a donc accueilli l'argumentation de la requérante au principal. Par là, elle a rejeté les justifications avançées par les gouvernements notamment les dérogations prévues à l'article et 3 de la directive. [...]
[...] L'application du principe de primauté reste dans la lignée de la jurisprudence de la cour car si l'on se réfère à l'arrêt Simmenthal, celui- ci dit que dans l'hypothèse d'une contrariété entre une disposition de droit communautaire et une loi nationale postérieure il convient de tout mettre en œuvre pour l'écarter, or si la position de principe est posée dans le cadre d'une loi reste que pour une norme constitutionnelle cela n'est pas moins sur. Évidemment, dans le cas d'espèce, la question préjudicielle du tribunal administratif de Hanovre ne visait que les dispositions réglementaires et législatives. [...]
[...] C'est pourquoi à l'appui de sa thèse du rejet de l'applicabilité de la directive, l'état allemand arguait du fait que la loi avait pour fondement une loi fondamentale (et donc constitutionnelle). Dans un autre sens, le Royaume-Uni retient plutôt un système de governance qui n'est qu'une forme comme une autre d'auto- organisation de la société. Le rejet de l'applicabilité de la directive et d'un droit communautaire, voire de la Communauté européenne en règle générale, sera plus simple, car elle se fondera sur une simple manifestation conventionnelle du Royaume-Uni. [...]
[...] L'arrêt So Lange de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe du 29 mai 1974 est également un exemple, de l'utilisation de ces droits fondamentaux par l'Allemagne. Ainsi, comme nous le verrons dans la deuxième partie, la CJCE répond finalement à la question posée par la requérante de la primauté de la directive sur la disposition nationale allemande, tout en gardant à l'esprit que celle-ci est fondée sur une norme constitutionnelle. la cour sur ce point reprend exactement l'argumentation relevée au Point 12 des conclusions de l'avocat général M. Antonio La Pergola. [...]
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