Le mécanisme du renvoi préjudiciel permet une réelle collaboration entre la CJCE, et les juridictions nationales dans l'interprétation et l'appréciation de la validité du droit communautaire. Il n'en reste pas moins que ce mécanisme est encadré par les dispositions des traités et par la jurisprudence de la Cour. L'arrêt de la Cour du 7 avril 1995 fournit une bonne illustration de ces contraintes.
Un juge d'instruction espagnol, saisi de poursuites pénales pour des faits de contrebande, s'était interrogé sur la compatibilité de la législation espagnole, la loi organique 7/82 relative aux délits de contrebande, avec certaines dispositions du droit communautaire. De même, il demandait à la Cour de fournir une interprétation de l'article B (article 2 nouveau) du traité sur l'Union européenne, article qui recense les principaux objectifs de l'Union européenne. De façon claire et sans aucune ambigüité, la Cour répond, en premier lieu, qu'elle n'est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d'une mesure nationale avec le droit communautaire (I) ; puis elle s'estime, en second lieu, incompétente pour interpréter l'article B du TUE (II).
I- L'incompétence de la Cour pour statuer sur une mesure nationale
Cette incompétence s'explique largement du fait du partage retenu entre la compétence du juge national et la compétence du juge communautaire (A) ; elle ne s'étend pas, toutefois, à toutes les voies de droit offertes devant la CJCE (B).
A- Le partage de compétence entre le juge national et le juge communautaire
Ayant à statuer sur la compatibilité de la loi espagnole avec le droit communautaire, la Cour se déclare incompétente pour répondre à cette question préjudicielle : la Cour rappelle que cette incompétence résulta d'une jurisprudence constante (...)
[...] De même, l'article L du traité de Maastricht (46 nouveau) exclut de la compétence de la Cour certaines dispositions: il en va ainsi des objectifs de l'Union européenne mentionnés à l'article B (article 2 nouveau). Face à la demande espagnole, la Cour ne pouvait donc que très logiquement tirer les conséquences de ces dispositions textuelles. Depuis le traité d'Amsterdam, la procédure de l'article 234 TCE (ex-article 177) ne peut s'appliquer que pour: les traités constitutifs, à l'exception du titre IV CE qui relève d'une procédure dérogatoire; le titre VII du TUE relatif à la coopération renforcée; l'article 6 1 du TUE (ex-article F les dispositions finales du TUE (adhésion, révision). [...]
[...] La Cour a ainsi pu juger que sa compétence s'étend aux différents tableaux ou documents annexés aux traités (CJCE avril 1956, Groupement des industries sidérurgiques luxembourgeoises, aff. elle s'est de même estimée compétente pour interpréter le Protocole sur les privilèges et immunités (CJCE février 1969, Klomp, aff. 23/68). En revanche, les traités communautaires, en tant que norme fondamentale, ne sauraient faire l'objet d'un renvoi en appréciation de validité. Une compétence d'attribution strictement délimitée: On ne peut se limiter à la simple lecture de l'article 234 TCE pour déterminer la compétence interprétative de la Cour en matière préjudicielle. [...]
[...] Une incompétence liée au caractère spécifique du renvoi préjudiciel: La Cour mentionne dans son arrêt qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur la validité du droit national dans le cadre d'une procédure introduite en vertu de l'article 177 du traité En effet, l'article 177 TCE (article 234 nouveau) ne vise expressément que l'interprétation et la validité du droit communautaire. En revanche, la Cour est forcément conduite, dans le cadre d'autres procédures, à se prononcer sur la validité de règles nationales au regard du droit communautaire. [...]
[...] Dans le cadre de cette action, et toujours à la différence des systèmes judiciaires fédéraux, la Cour ne procède qu'à un simple constat de la violation du droit communautaire: elle ne dispose pas du pouvoir d'annuler les dispositions nationales contraires au droit communautaire (CJCE décembre 1960, Humblet, aff. 6/60). II- L'incompétence de la Cour pour statuer sur certaines dispositions des traités: Si l'article 234 TCE (ex-article 177) donne une vision large de la compétence interprétative de la Cour cette disposition n'affranchit pas cette dernière de sa compétence d'attribution délimitée par d'autres dispositions textuelles. [...]
[...] Commentaire d'arrêt: CJCE avril 1995, Procédure pénale contre Juan Carlos Grau Gomis, aff. 167/ 94: Le mécanisme du renvoi préjudiciel permet une réelle collaboration entre la CJCE, et les juridictions nationales dans l'interprétation et l'appréciation de la validité du droit communautaire. Il n'en reste pas moins que ce mécanisme est encadré par les dispositions des traités et par la jurisprudence de la Cour. L'arrêt de la Cour du 7 avril 1995 fournit une bonne illustration de ces contraintes. Un juge d'instruction espagnol, saisi de poursuites pénales pour des faits de contrebande, s'était interrogé sur la compatibilité de la législation espagnole, la loi organique 7/82 relative aux délits de contrebande, avec certaines dispositions du droit communautaire. [...]
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