Le régime, réputé très strict, que connaissent les administrations vis à vis du droit des propriétés publiques, a parfois poussé certaines collectivités locales à contourner la loi, voire à la détourner. L'arrêt du 25 février 1994 « SA SOFAP Marignan » rendu par le Conseil d'Etat réuni en section, en est, à priori, une parfaite illustration. En l'espèce, la ville de Lille a voulu étendre les locaux de l'hôtel de ville. Pour cela, le conseil municipal, grâce à une délibération du 16 décembre 1991, a autorisé le maire à signer avec la SCI Desrousseaux un bail emphytéotique. Ce bail va avoir pour but de mettre à la disposition de la SCI des terrains appartenant à la ville, afin que cette société y édifie l'extension de l'hôtel de ville, plus les bureaux privés permettant de rentabiliser l'opération. Au terme d'un bail de 65 ans, l'ensemble du bâtiment doit revenir à la ville. Le 26 mai 1992, par arrêté, le maire va délivrer le permis de construire à la société SOFAP Marignan, mandataire de la SCI.
Le tribunal administratif de Lille est saisi d'une double demande formée par des riverains hostiles au projet : d'une part ils demandent l'annulation de la délibération autorisant le maire à signer le contrat de bail, et d'autre part, ils demandent l'annulation du permis de construire. Le 17 décembre 1992, le tribunal de première instance fait droit à leur demande, en annulant la délibération, et par voie de conséquence, le permis de construire, au motif que le bail en question n'avait pas le caractère d'un bail emphytéotique susceptible de trouver sa base légale dans la loi de 1988. Ainsi la ville de Lille aurait cherché à déguiser ce projet, qualifié alors de marché de travaux publics. Le permis de construire n'ayant plus aucune raison valable de survivre, il se voit alors annulé. La ville décide de porter ce jugement devant le Conseil d'Etat. La SOFAP va elle-aussi former un appel, mais devant la Cour administrative d'appel de Nancy, qui, estimant que le dossier était connexe à la demande formulée par la ville de Lille, va l'adresser au Conseil d'Etat.
Le tribunal administratif a t'il eu raison de considérer que ladite opération ne trouvait pas sa base légale dans la loi de 1988 et qu'ainsi le projet constituait un marché de travaux publics ? Seule l'interprétation de cette loi de 1988, par son article 13, peut permettre de comprendre la volonté du législateur, et les conditions qu'il a voulu instaurer pour la formation de ce fameux « bail emphytéotique administratif ». Dans quelles conditions une collectivité locale peut-elle alors conclure un bail emphytéotique sur son domaine public?
La difficulté de la réponse réside dans la complexité relative à la notion de bail emphytéotique. La Haute Cour, en date du 25 février 1994, vient annuler le jugement de première instance aux motifs que le projet formé par la ville de Lille avec ses entrepreneurs rentrait parfaitement dans les conditions posées par la loi du 5 janvier 1988, et qu'ainsi il n'y avait aucune raison de dénaturer le bail conclu. Le Conseil d'Etat dégage alors une double portée de sa décision. D'une part il montre que les conditions de constitution d'un bail emphytéotique sont relativement facilitées (I) envers les collectivités et grâce à la loi de 1988. D'autre part, il dégage le fait que ces conditions de constitution sont cependant contrôlées (II) afin de respecter le régime du domaine public.
[...] Les promoteurs ne semblent pas tellement attirés par ce type de bail emphytéotique, et les collectivités n'ont pas l'air de s'en plaindre véritablement. Les baux emphytéotiques conclus par les collectivités sont peu nombreux de nos jours. Donc si on peut admettre que la loi de 1988 inaugure la constitution de droits réels sur le domaine public immobilier, il faut avouer que cette autorisation est quand même restreinte, ce qui peut se comprendre à la vue du régime étroit relatif au domaine public. [...]
[...] Les conditions posées par la loi de 1988 ne sont donc pas susceptibles de se rattacher à la notion de marché public. Il faut alors constater en observant la pratique, que l'impact législatif est néanmoins limité. Un impact législatif néanmoins limité : L'impact législatif est en effet limité pour de multiples raisons. Il faut noter à ce propos qu'il y a une véritable restriction à l'institution de droits réels sur le domaine public Cette limitation se voit de la même manière par l'apparition de la loi, successive à cet arrêt, de 1994. [...]
[...] Le 17 décembre 1992, le tribunal de première instance fait droit à leur demande, en annulant la délibération, et par voie de conséquence, le permis de construire, au motif que le bail en question n'avait pas le caractère d'un bail emphytéotique susceptible de trouver sa base légale dans la loi de 1988. Ainsi la ville de Lille aurait cherché à déguiser ce projet, qualifié alors de marché de travaux publics. Le permis de construire n'ayant plus aucune raison valable de survivre, il se voit alors annulé. La ville décide de porter ce jugement devant le Conseil d'Etat. [...]
[...] II- Des conditions de constitution d'un bail emphytéotique cependant contrôlées Les conditions de constitution du bail en question, bien que facilitées, se voient corrélativement contrôlées. Ainsi il n'était pas possible en l'espèce de substituer le bail emphytéotique en marché de travaux publics Mais même si la loi se veut rigoureuse, tout comme le contrôle effectué par le juge, l'impact de cette dernière se trouve néanmoins limité L'impossible substitution du bail emphytéotique à un marché de travaux public Le tribunal de première instance n'a pas fais une bonne application de la loi de 1988, mais il était tout à fait légitime de craindre un détournement législatif par les collectivités locales Pourtant, les juges démontrent bien dans leur raisonnement que les conditions légales sont insusceptibles de se rattacher à la notion de marché public La crainte légitime d'un détournement législatif par les collectivités locales : Le tribunal de première instance a vu dans le contrat de bail en cause un véritable déguisement. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt du CE, Section février 1994, SA SOFAP-Marignan Immobilier Le régime, réputé très strict, que connaissent les administrations vis à vis du droit des propriétés publiques, a parfois poussé certaines collectivités locales à contourner la loi, voire à la détourner. L'arrêt du 25 février 1994 SA SOFAP Marignan rendu par le Conseil d'Etat réuni en section, en est, à priori, une parfaite illustration. En l'espèce, la ville de Lille a voulu étendre les locaux de l'hôtel de ville. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture