Arrêts CJCE Keck Mithouard 24 novembre 1993
Dans l'objectif d'intégration économique affirmé par le Traité de Rome, un espace économique européen a été créé. L'accord de Porto prévoit sur le territoire concerné la réalisation de quatre libertés fondamentales établies par le Traité de l' Union Européenne. Il s'agit de la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. L'article 3 du Traité de Rome énonce l'interdiction entre les États membres des droits de douane et des restrictions quantitatives à l'entrée et à la sortie des marchandises, ainsi que tout autre mesure d'effet équivalant, et contre un marché intérieur caractérisé par des abolition entre États membres des obstacles à la libre circulation. Le terme marchandise a été défini dans un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes Commission v. Italie du 10 décembre 1968, les marchandises rassemblent tous les biens appréciables en argent et susceptibles comme tel d'être l'objet d'une transaction commerciale. Afin de protéger la liberté de circulation des marchandises, deux mesures ont été adoptées. La première consiste à interdire les mesures qui instaureraient des droits de douane et des taxes d'effet équivalant, la deuxième celles qui créeraient des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation ou à l'exportation. Pour ce faire, les articles 28 (ex-art.30 depuis l'entrée en vigueur le 1er mai 1999 du traité d'Amsterdam) et 29 du Traité sont directement applicables devant les juges nationaux.
La notion de mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives a été défini pour la première fois dans un arrêt de principe du 11 juillet 1974 Dassonville en tant que « toute réglementation commerciale des États membres susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intra-communautaire ». Puis, a été redéfinie dans le célèbre arrêt « Cassis de Dijon » du 20 février 1979. Et c'est dans l'arrêt Keck et Mithouard que la Cour effectue un revirement de jurisprudence qui plus est des plus spectaculaires.
En l'espèce, il s'agissait d'une la loi de finance Française de 1963, modifiée par l'ordonnance de 1986, qui interdisait la revente à perte.
Deux commerçants étrangers exerçant leur activité en France sont poursuivis pénalement par le Procureur de la République pour violation de la loi puisqu'ils revendaient des produits à des prix inférieurs à leur prix d'achat effectif. Les défendeurs soutiennent que la réglementation Française d'interdiction générale de revente à perte est incompatible avec l'article 30 (nouvel article 28) du Traité de Rome constituant une entrave à la libre à la vente de leur produits et celle d'autres commerçants, ainsi qu'avec les principes de la libre circulation des personnes, des services, des capitaux, et celle de la libre concurrence dans la Communauté. Le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, par deux jugements du 27 juin 1991, renvoie par question préjudicielle en vertu de l'article 177 du Traité. De ce fait, il convient de rechercher si une mesure d'interdiction générale de revente à perte prise par un État membre sur son territoire constitue une mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives au regard de l'article 30 du Traité.
En effet cela revient à se demander si cette mesure a pour effet de réduire le volume des ventes et par conséquent de l'importation.
Dans son arrêt du 24 novembre 1993, la Cour de Justice des Communautés Européennes écarte tout d'abord les arguments relatifs à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux ainsi que ceux relatifs au principe de libre concurrence et au raisonnement soutenu sur l'article 7 du Traité. La Cour affirme que « l'article 30 du Traité doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à une législation d'un État membre interdisant de façon générale la revente à perte ». En l'espèce, la mesure Française ne constitue pas une mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives. En effet, afin de justifier sa solution, et en raison de l'utilisation trop importante de l'article 30 par les opérateurs économiques, la Cour déclare qu'il est temps de réexaminer sa jurisprudence. De plus, elle affirme que « contrairement à ce qui a été jugé jusqu'ici, n'est pas de nature à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce entre États membres au sens de la jurisprudence Dassonville, l'application à des produits en provenance d'autres États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente ».
[...] Suite à l'application de Keck et Mithouard à la jurisprudence postérieure, la solution a montré peu à peu ses milites Les limites de la jurisprudence Keck et Mithouard. Pour certains auteurs, tel que Fabrice Picod dans La nouvelle approche de la Cour de Justice en matière d'entraves aux échanges cette solution est une approche excessivement rigide. En effet, la distinction opérée par la Cour est estimée trop radicale et l'appréciation du caractère discriminatoire de la mesure trop stricte. Concernant la distinction entre les deux catégories de réglementations, en dépit des précisions apportées par le juge communautaire au fur et à mesure des arrêts, il n'est pas toujours possible de déterminer avec certitude l'étendue de la catégorie de réglementations relatives à certaines modalités de vente (CJCE Heinrich Bauer Verlag du 26 juin 1997; CJCE Mars du 6 juillet 1995). [...]
[...] Il faut que la mesure s'applique à tous les opérateurs économiques exerçant leur activité sur le territoire national, et ce, quelle que soit leur nationalité et que la mesure les affecte de la même manière en droit comme en fait la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres États membres faisant ainsi référence aux mesures indistinctement applicables des modalités de vente. Il ne doit pas y avoir d'inégalité de traitement entre les produits nationaux et les produits importés. Cette inégalité doit s'apprécie de facto. Cet arrêt, en raison de sa nouveauté, a permis à la réglementation Française de ne pas tomber sous l'article 30 du Traité puisque l'article 36 n'avait pas vocation à s'appliquer. En effet, l'article 36 (nouvel article 30) protège les intérêts non économiques. [...]
[...] Il faut tout de même préciser que bien que le juge communautaire ait fait un effort de précision quant à sa jurisprudence, ces deux types de réglementations restent parfois délicates à distinguer l'une de l'autre. Après avoir considéré qu'il s'agissait d'une modalité de vente, il convient maintenant définir si cette dernière est discriminatoire ou non afin de déterminer si l'article 30 du Traité a vocation à s'appliquer. II. L'affirmation explicite un revirement opéré du fait de l'intégration du principe de non-discrimination d'une réglementation sur les modalités de vente dans l'appréciation d'une mesure d'effet équivalent. [...]
[...] Notion posée initialement par l'arrêt fondamental Dassonville qui estimait que dès lors qu'une mesure était simplement susceptible d'être une entrave alors l'article 30 avait vocation à s'appliquer. L'évolution postérieure à l'arrêt Cassis de Dijon montre que la CJCE a fait une application très extensive de la notion de mesure d'effet équivalent. Par la suite, la jurisprudence a appréhendé sous cette qualification des mesures qui en réalité étaient très éloignées de leur contenu à l'entrave du commerce intra-communautaire. La Cour a statué sur des réglementations telle que portant sur le travail le dimanche (CJCE 23 novembre 1989 Torfaen Borough Council). [...]
[...] En effet, elle distingue les marchandises et les modalités de vente. Concernant les règles relatives aux conditions auxquelles doivent répondre les marchandises la Cour délimite le champ d'application en énonçant qu'il s'agit de leur forme, leur dénomination, leurs dimensions, leur poids, leur composition (tel qu'il a été jugé par la suite dans l'arrêt CJCE Van der Veldt du 14 juillet 1994), leur présentation, leur étiquetage, leur conditionnement, les règles qui interdisent purement et simplement, la fabrication ou la commercialisation. La Cour ne remet pas en cause sa jurisprudence antérieure, établie par les arrêts Dassonville et Cassis de Dijon. [...]
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