La commercialisation du foie gras est souvent à l'origine de polémiques au sein du territoire français, et cette fois, c'est la Commission européenne qui est venue semer le trouble, faisant de ce produit français un problème communautaire. C'est en tout cas l'impression dégagée par l'analyse de l'arrêt du 22 octobre 1998 « Commission c/ République française ». En l'espèce, les autorités françaises ont adopté le 9 août 1993 un décret réservant l'utilisation d'une série de dénominations aux préparations à base de foie gras aux exigences fixées par le décret en question. Ce dernier vient préciser, pour chacun des produits visés, le contenu minimal de foie gras ainsi que les ingrédients autorisés. Estimant que ce décret allait à l'encontre de l'article 30 TCE, la Commission, à plusieurs reprises, a adressé à la France divers avis motivés pour que cette dernière prenne les mesures nécessaires afin de rendre compatible ce décret avec le TCE. Plus précisément, la Commission est venue reprocher aux autorités françaises d'avoir omis d'insérer dans le texte une clause de reconnaissance mutuelle. En Droit communautaire, cette clause consacre « l'obligation de reconnaissance mutuelle des règles relatives à la production, à l'homologation, au contrôle et à la certification des marchandises ». A la suite d'une longue procédure de contestation réciproque entre la France et la Commission, cette dernière a introduit un recours devant la justice communautaire. Elle reproche à la République française de ne pas avoir inséré dans son décret la fameuse clause de reconnaissance mutuelle tandis que, les autorités françaises, elles, estiment que la libre circulation des marchandises n'est pas entravée, en raison notamment du niveau quasi-inexistant de la production de foie gras dans les autres Etats membres.
[...] A ces arguments il faut ajouter que la production étrangère (bien que grandissante d'après la Commission) est très faible. C'est en ce sens que la France fait valoir que le manquement qui lui est reproché est injustifié en raison de son caractère théorique et hypothétique Cependant, et comme très souvent lors d'un litige mettant en cause une entrave à la libre circulation, la CJCE confirmera sa jurisprudence de principe Dassonville[1] pour balayer les arguments des autorités françaises. En l'espèce il s'agit bien d'une entrave potentielle, c'est-à- dire susceptible de se produire dans un avenir plus ou moins proche :il y a une distinction entre le fait et le droit. [...]
[...] Dans ce litige nettement hypothétique, voire virtuel, il n'est pas démesuré d'affirmer que la Cour de Luxembourg a manqué d'opportunisme, laissant ainsi un certain flottement juridique dans sa jurisprudence sur la libre circulation des marchandises. CJCE juillet 1974, Dassonville CJCE mai 1997, Pistre CJCE mars 1987, Commission c/Allemagne CJCE septembre 1988, Deserbais C.Blumann et Louis Dubouis, dans le manuel Droit matériel de l'Union Européenne A. Rigaux et D. Simon, dans la revue Europe de décembre 1998 CJCE février 1979, Rewe Zentral AG CJCE novembre 1982, Rau CJCE juillet 1988, Glocken et autres A. Rigaux et D. [...]
[...] Une condamnation des mesures litigieuses conforme à la jurisprudence antérieure Le décret du 9 août 1993 va se voir condamner par la CJCE au motif que l'entrave, bien que non-avérée dans la pratique, est cependant potentielle L'absence d'une exigence impérieuse va venir légitimer la décision du juge communautaire Une condamnation motivée par le caractère potentielle de l'entrave Il n'existe au moment du verdict aucune réglementation générale d'harmonisation en ce qui concerne la production et la commercialisation du foie gras, et ce sont donc les Etats membres qui réglementent cette matière. Aucun d'entre eux ne dispose d'une telle réglementation à l'exception de la France. De surcroît, une clause expresse d'équivalence, consacrant une reconnaissance mutuelle devrait être insérée dans les réglementations nationales de nature technique. À l'initiative de la Commission, il est admis qu'une telle clause n'aurait aucunement produit un effet immédiat en raison de la non-existence de réglementation équivalente dans les autres Etats membres. [...]
[...] D'après la République française l'utilisation de certaines dénominations doit être réglementée pour permettre aux consommateurs de connaître la nature réelle des produits et leur assurer ainsi une protection efficace (attendu 20). La Cour de justice a déjà admis que soit soulevée la protection du consommateur, mais d'autres moyens auraient été préférables ici, moyens qui auraient restreint dans une moindre mesure la commercialisation des produits en question (conformément à la célèbre affaire de la bière allemande[3]). L'idée d'une apposition d'un étiquetage adéquat est notamment avancée par la Cour, ce qui aurait permis une dénomination correcte des produits, afin d'éviter d'induire le consommateur en erreur et de garantir la loyauté des prestations commerciales . [...]
[...] Malheureusement pour elle, la CJCE va réfuter cet argument (mais admet que ça aurait été possible). Une condamnation légitimée par l'absence d'exigence impérative Dans le but de justifier son manquement, le gouvernement français s'appuie sur le fait que le décret ne fait que répondre à des exigences impératives tenant à la protection des consommateurs ainsi qu'à la répression des fraudes et qu'il est proportionné à ces exigences (attendu 19). Le juge communautaire ayant dégagé trois conditions jurisprudentielles (substitution, nécessité et proportionnalité) pour autoriser certaines restrictions à la libre circulation des marchandises, il se devait de les analyser dans le cas présent. [...]
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