Le Pacte de stabilité et de croissance constitue un cadre institutionnel spécifique destiné à renforcer et préciser la coordination effective des politiques budgétaires des Etats membres de l'Union européenne. Ceux-ci se sont engagés à éviter les déficits excessifs, préjudiciables au fonctionnement de l'Union économique et monétaire. En cas de violation de cette obligation, l'Etat défaillant peut être sanctionné au terme d'une procédure de discipline budgétaire en plusieurs étapes faisant intervenir la Commission et le Conseil, seul compétent pour constater l'existence d'un déficit excessif et en tirer les conséquences.
La mise en œuvre de ladite procédure a donné l'occasion pour la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) de rendre l'arrêt commenté du 13 juillet 2004, qui a apporté d'importantes précisions sur l'existence et la nature d'un acte susceptible de faire l'objet du recours en annulation.
Les circonstances du litige opposant la Commission au Conseil ayant été très médiatisées à l'époque, il convient d'en rappeler brièvement l'essentiel. En effet, la Commission avait engagée une procédure pour déficits publics excessifs à l'encontre de la France et de l'Allemagne suivie par des recommandations du Conseil enjoignant aux deux Etats de réduire leurs déficits. Cette démarche était sans résultat, de l'avis de la Commission, qui a alors recommandé au Conseil d'adopter des décisions constatant que ni l'Allemagne, ni la France n'avaient pris des mesures adéquates pour réduire leurs déficits. Toutefois, le 25 novembre 2003, le Conseil, incapable de réunir une majorité pour prendre cette décision, s'est borné à adopter des conclusions conduisant à suspendre les procédures de déficit excessif à l'égard de deux Etats en cause. Face à ce qu'elle considère comme une violation de l'article 104 CE, la Commission a saisi la CJCE, le 24 janvier 2004, sur la validité de la procédure suivie et des actes adoptés par le Conseil.
La Cour s'est prononcée par l'arrêt commenté dans sa formation plénière, conformément à l'article 16 al. 4 de son Statut. L'intérêt de l'affaire et son caractère exceptionnel demandaient un traitement d'urgence prévu par l'article 62 bis du règlement de procédure de la Cour. C'est ainsi que ce litige inter-institutionnel a été tranché sans conclusions d'un avocat général, M. Tizzano étant, quand même, autorisé d'en prendre position le 19 mai 2004. Presque deux mois plus tard la Cour a condamné le Conseil, sans pour autant donner entièrement raison à la Commission.
En effet, l'impossibilité pour la Commission, résultant de l'article 104 §10 CE, de former des actions en manquement contre les Etats membres, l'a contrainte à introduire un recours en annulation dont les deux branches visaient à faire annuler à la fois la non-adoption par le Conseil des instruments formels qu'elle avait recommandé, ainsi que les conclusions de suspension de la procédure à l'égard de la France et de l'Allemagne. Pour répondre à la Commission, la Cour devait nécessairement déterminer la nature des actes attaqués avant de se prononcer sur la procédure à suivre. Les juges n'étaient pas particulièrement facilités dans l'accomplissement de leur tâche, d'autant que l'article 104 CE emploie le même terme de « recommandation » pour désigner d'une part, les recommandations de la Commission adressées au Conseil, d'autre part les recommandations que le Conseil adresse aux Etats membres. Néanmoins, la CJCE a décidé, d'une manière assez salomonienne, que la première branche du recours n'était pas recevable, en l'absence d'un acte attaquable au sens de l'article 230 CE et que la deuxième branche l'était, eu égard des effets juridiques des conclusions du Conseil.
Cet arrêt, rendu dans un souci de préserver l'équilibre institutionnel au sein de la Communauté, amène à s'interroger sur la place qu'il occupe dans l'abondante jurisprudence relative aux conditions de recevabilité du recours en annulation.
Si la Cour n'a pas suivi des solutions précédentes et, en conséquence, a rejeté l'annulation de la non-adoption des instruments recommandés comme une décision implicite (I) elle a, en revanche, annulé les conclusions du Conseil en réaffirmant la nature juridique de l'acte attaqué comme critère d'appréciation de la recevabilité du recours en annulation (II).
[...] CJCE juillet 2004, Commission Conseil, aff. C-27/04: Affaire des déficits excessifs de la France et de l'Allemagne Le Pacte de stabilité et de croissance constitue un cadre institutionnel spécifique destiné à renforcer et préciser la coordination effective des politiques budgétaires des Etats membres de l'Union européenne. Ceux-ci se sont engagés à éviter les déficits excessifs, préjudiciables au fonctionnement de l'Union économique et monétaire. En cas de violation de cette obligation, l'Etat défaillant peut être sanctionné au terme d'une procédure de discipline budgétaire en plusieurs étapes faisant intervenir la Commission et le Conseil, seul compétent pour constater l'existence d'un déficit excessif et en tirer les conséquences. [...]
[...] Cette démarche était sans résultat, de l'avis de la Commission, qui a alors recommandé au Conseil d'adopter des décisions constatant que ni l'Allemagne, ni la France n'avaient pris des mesures adéquates pour réduire leurs déficits. Toutefois, le 25 novembre 2003, le Conseil, incapable de réunir une majorité pour prendre cette décision, s'est borné à adopter des conclusions conduisant à suspendre les procédures de déficit excessif à l'égard de deux Etats en cause. Face à ce qu'elle considère comme une violation de l'article 104 CE, la Commission a saisi la CJCE, le 24 janvier 2004, sur la validité de la procédure suivie et des actes adoptés par le Conseil. [...]
[...] Pour répondre à la Commission, la Cour devait nécessairement déterminer la nature des actes attaqués avant de se prononcer sur la procédure à suivre. Les juges n'étaient pas particulièrement facilités dans l'accomplissement de leur tâche, d'autant que l'article 104 CE emploie le même terme de recommandation pour désigner d'une part, les recommandations de la Commission adressées au Conseil, d'autre part les recommandations que le Conseil adresse aux Etats membres. Néanmoins, la CJCE a décidé, d'une manière assez salomonienne, que la première branche du recours n'était pas recevable, en l'absence d'un acte attaquable au sens de l'article 230 CE et que la deuxième branche l'était, eu égard des effets juridiques des conclusions du Conseil. [...]
[...] Cette solution se justifie par l'égalité de traitement des Etats membres dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Conclusion En conclusion, force est de constater que l'arrêt du 13 juillet 2004 est aussi subtil qu'équilibre et qu'il ne peut pas être interprété en termes de vainqueurs et de vaincus. En rejetant le recours en annulation de la Commission contre une décision implicite, la Cour s'aligne à une interprétation stricte des conditions posées par l'article 230 CE, afin d'empêcher toute tentative de contournement des voies de recours, telles qu'elles sont établies par le Traité. [...]
[...] Il faut noter la prudence du juge qui évite l'argument du Conseil, ayant qualifié ses conclusions d'actes atypiques ou sui generis[14]. S'il avait adopté cette qualification, la Cour aurait créé un précédent de mise en cause systématique des conclusions pour motif que le Conseil avait utilisé un instrument non prévu par le traité. En revanche, une appréciation in concreto de la nature juridique du contenu de l'acte attaqué parait mieux adaptée pour trancher des affaires subtiles comme celle des déficits excessifs de la France et de l'Allemagne. [...]
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