Un ressortissant français quitte la France pour la Belgique alors qu'il détenait des titres donnant droit à plus de 25% des bénéfices sociaux d'une société soumis à l'impôt sur les sociétés ayant son siège social en France. La valeur vénale de ces titres étant alors supérieure à leur prix d'acquisition, le ressortissant était soumis à l'impôt sur les plus-values conformément à l'article 167 bis CGI et aux dispositions d'application de cet article.
Le ressortissant demande alors au conseil d'état d'annuler le décret pour excès de pouvoir en excipant de l'illégalité de l'article 167 bis du CGI au motif qu'il est contraire au droit communautaire.
Le conseil d'état considère que les dispositions n'ont pas pour objet de soumettre à de quelconques restrictions la liberté d'aller ou venir ; elle rappelle que l'article 52 du traité s'oppose à toute règle qui aurait pour effet d'entraver cette liberté.
De plus, le conseil d'état reconnaît que l'article 167 prévoit l'assujettissement des contribuables à une imposition sur des plus-values non encore réalisées, donc qui ne seraient pas taxées si le ressortissant restait en France. Toutefois, elle ajoute que la loi permet aussi d'éviter que les contribuables aient à supporter une charge fiscale à laquelle ils auraient été soumis si ils avaient conservé leur domicile en France, et qui en outre, leur accordent au terme d'une délai de 5 ans, le bénéfice d'un dégrèvement, dans la mesure où les droits sociaux porteurs des plus values continuent de figurer dans leur patrimoine ; les intéressés ayant la faculté de solliciter le sursis au paiement de l'imposition jusqu'à ce terme. Enfin, le conseil souligne que l'obtention de ce sursis est subordonnée à la condition que les contribuables constituent des garanties propres à assurer le recouvrement de l'imposition.
Le principe de la liberté d'établissement s'oppose-t-il à ce qu'un Etat membre institue à des fins de prévention d'évasion fiscale un mécanisme d'imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal ?
La cour de justice examine dans un premier lieu si l'article 167 qui institue une imposition sur les plus-values latentes du seul fait du transfert hors de France du domicile d'un contribuable, est susceptible de restreindre l'exercice de la liberté d'établissement au sens de l'art 52 du traité.
Elle répond qu'il y a restreinte à la liberté d'établissement, car le contribuable devient redevable d'un impôt du seul fait du transfert de son domicile, qui plus est d'un impôt sur un revenu qui n'est pas encore réalisé, ce qu'il n'aurait pas à faire si il restait en France. Et quand bien même le contribuable peut bénéficier d'un sursis de paiement, il ne le peut qu'à certaines conditions strictes qui comportent par elles-mêmes un effet restrictif.
En second lieu, la cour examine si la restreinte à la liberté d'établissement est justifiée par un objectif légitime compatible avec le traité, justifié par des raisons impérieuses d'intérêt général ; elle vérifie donc la proportionnalité.
Elle rappelle à ce sujet que le transfert du domicile d'une personne physique n'implique pas en soi l'évasion fiscale, comme le présumait la loi française. La volonté de prévenir l'évasion fiscale n'est pas une raison impérieuse d'intérêt général suffisante à la restriction de la liberté d'établissement.
Ainsi, l'article 167 du CGI et l'état français sont condamnés par la CJCE le 11 mars 2004 en réponse à la question préjudicielle du conseil d'Etat.
La France est donc condamnée, tout comme son article 167, en ce qu'elle entrave la liberté d'établissement (I), par le juge européen qui juge souverainement l'absence de proportionnalité entre la liberté d'établissement et la volonté de freiner l'évasion fiscale (II).
[...] CJCE mars 2003, dit de Lasteyrie du Saillant Un ressortissant français quitte la France pour la Belgique alors qu'il détenait des titres donnant droit à plus de 25% des bénéfices sociaux d'une société soumis à l'impôt sur les sociétés ayant son siège social en France. La valeur vénale de ces titres étant alors supérieure à leur prix d'acquisition, le ressortissant était soumis à l'impôt sur les plus-values conformément à l'article 167 bis CGI et aux dispositions d'application de cet article. [...]
[...] Ils devraient se défendre et la Cour considère qu'ils n'ont pas à le faire. De ce fait, elle est disproportionnée. Cette présomption est considérée disproportionnée par le juge. Aussi n'était-elle peut-être pas vide de sens, mais la fin dans le cas précis ne justifie pas les moyens. La Cour dit que faire peser une telle présomption est trop important par rapport à la lutte contre l'évasion fiscale. Par là elle donne une moindre mesure à la lutte contre l'évasion fiscale de la France, tout du moins elle lui donne une moindre importance par rapport à la liberté individuelle du ressortissant. [...]
[...] Afin d'atténuer la rigueur de ce système, le contribuable doit consigner des garanties propres à assurer le recouvrement des impôts concernés. Si le ressortissant ne cède ou ne transmet ces titres, un dégrèvement est possible. Ses effets contraignants : Ce mécanisme français prévoit en cas de changement d'état de résidence, l'imposition de plus-values potentielle alors que le système français n'impose normalement que des plus-values effectivement réalisées. L'effet contraignant est que le ressortissant français qui s'en va à l'étranger est moins bien traité que celui qui reste en France. [...]
[...] Mais le juge est souverain, indépendant, et il n'a pas à regarder l'intérêt de l'Etat membre. L'intérêt communautaire étant le seul qui le touche, il tranche en faveur du principe européen. En cela on peut constater une lutte entre les intérêts étatiques et communautaires. L'Etat membre voit sa loi condamnée, et se trouve contrarié en ce qu'il est soumis au juge européen. Encore une fois, on voit la supériorité du juge communautaire, cela est rappelé dans le début de l'arrêt. Dans tous les domaines, dont le domaine fiscal. [...]
[...] En effet, la raison impérieuse d'intérêt général est une raison subjective et le juge aurait pu trancher le litige de façon opportune en la faveur de la lutte contre l'évasion fiscale. Mais on voit dans l'évolution de sa jurisprudence que le but est de préserver la liberté d'établissement sur laquelle il est très strict. La supériorité du juge communautaire Le choix souverain du juge. On peut critiquer ce choix. Finalement une certaine subjectivité dans son choix. Pourquoi ne pas considérer l'évasion fiscale comme grave ? On peut critiquer le choix du juge en ce que ses motivations sont subjectives. [...]
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