CEDH Mennesson et Labassée contre France, 26 juin 2014, Etats parties, intérêt supérieur de l'enfant, GPA Gestation Pour Autrui, article 8 de la CEDH, droit à la vie privée, litige, ordre public, commentaire d'arrêt
En l'espèce, un couple de Français (les requérants) est parti en Californie (États-Unis) afin de recourir à une GPA (§8). De cette dernière sont nées le 25 octobre 2000 des jumelles (§10). Au regard de la convention encadrant la GPA et la loi en vigueur en Californie, le 14 juillet 2000, le juge étasunien a reconnu au couple la qualité de père et de mère des jumelles (§9). Au début du mois de novembre 2000, les parents ont souhaité retranscrire les actes de naissance sur les registres de l'état civil français. Même si suspectant un cas de GPA, cette demande leur a été refusée par les autorités françaises (consulat français de Los Angeles, §11) puis transmise au parquet de Nantes aux vues d'une enquête (§12), ces dernières ont été contraintes d'inscrire les jumelles sur les registres de l'état civil français le 25 novembre 2002 (§17), à la suite de l'ordonnance de non-lieu rendu par le juge d'instruction (§16).
[...] En effet, c'est à l'occasion de cette affaire que le protocole n°16 à la Convention a été utilisé pour la première fois, permettant de mettre en place un dialogue entre les juges internes et le juge européen. Dans ce cadre, la procédure d'avis consultatif a permis à la Cour de cassation de questionner la Cour EDH quant à la validité du droit français vis-à-vis de l'article 8 CEDH en refusant de reconnaitre le lien de filiation entre la mère d'intention et les enfants. [...]
[...] En ce sens, même si la Cour a pour habitude d'interpréter le respect de la vie familiale sous le prisme de l'intérêt supérieur de l'enfant (CEDH, Nazarenko c/. Russie juillet 2015, §§ 65-66), ici elle fait une interprétation extensive de la notion de vie privée. En effet, elle admet que la filiation est un aspect essentiel de l'identité des personnes, et que l'identité est justement l'objet de la notion de vie privée. Cette approche n'est pas nouvelle, elle est consacrée dans différentes affaires telles que Gaskin c/. [...]
[...] Il n'en demeure pas loin que la Cour fait un parallèle entre les GPA réalisées sur le territoire français et les GPA réalisées à l'étranger pour préciser de manière furtive le caractère explicite (clair) de la jurisprudence de la Cour de cassation (§58). Mais également pour affirmer que la jurisprudence constante de la Cour de cassation permettait de prévoir la décision. Elle en tire donc les conséquences, c'est-à-dire que la mesure est prévue par la loi aux termes de l'article 8 de la CEDH. [...]
[...] La condition posée par la Cour est celle de la rapidité de la procédure pour réduire le laps de temps d'incertitude quant à la filiation maternelle de l'enfant. Or, il n'est pas anodin de constater les lenteurs que supposent les mécanismes d'adoption. Ce qui explique que la Cour de cassation a exceptionnellement reconnu le lien de filiation entre la mère et les jumelles via la possession d'état (l'écoulement du temps entre le début de l'affaire et l'avis consultatif de la Cour EDH étant relative long, de sorte que la reconnaissance d'un tel lien via l'adoption serait manifestement disproportionnée quant à l'intérêt supérieur des enfants et de leur vie privée). [...]
[...] Ce qu'il souligne par ailleurs au paragraphe 60 de l'arrêt lorsqu'il évoque les principes d'éthique et de morale . Alors que la Cour EDH semble justifier la restriction faite à l'article 8 CEDH par l'État français à l'égard des époux Mennesson et de leurs filles - en reconnaissant qu'une telle restriction est prévue par la loi et qu'elle poursuit un but légitime - la Cour continue son contrôle et vérifie si une telle ingérence est nécessaire dans une société démocratique . [...]
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