Cour européenne des droits de l'homme Bergmann c Allemagne 7 janvier 2016, prolongation rétroactive, détention de sûreté allemande, droit européen, CEDH Convention Européenne des Droits de l'Homme, arrêt Bergmann, tentative de meurtre, juges du fond, récidive, détention thérapeutique, Cour constitutionnelle fédérale, exception d'inconventionnalité, détention arbitraire, Loi fondamentale allemande, Code pénal allemand, privation de liberté, responsabilité pénale, CPP Code de Procédure Pénale
Par sa loi sur les criminels d'habitude du 23 novembre 1993, le législateur allemand a introduit dans son arsenal répressif les mesures de défense sociale. Ces dernières traduisent la volonté de lutter contre la dangerosité présumée d'un individu et de protéger la société à l'aide d'une double voie, d'un système dualiste, alliant peines et mesures de sûreté. Parmi ces mesures préventives, ajoutées aux condamnés en plus de leur peine, la Sicherungsverwahrung, soit l'internement de sûreté en français, est l'une des plus attentatoires aux libertés fondamentales. Pour autant, cette dernière n'est pas considérée comme une peine au sens de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) par le droit allemand. Or, dès lors que l'on considère que l'internement de sûreté n'est pas une peine, les garanties afférentes à ce statut ne lui sont pas reconnues. C'est ainsi que la Cour européenne a plusieurs fois été amenée à statuer à son sujet, et ce, notamment dans un arrêt Bergmann contre Allemagne du 7 janvier 2016.
[...] Arrivée à l'analyse de la nature et du but de la mesure prononcée, elle a mis l'accent sur le fait que la détention avait été prolongée à cause et en vue de traiter les troubles psychiques du requérant ce qui a « modifié la nature et le but de la détention ( . ) et l'a transformée en une mesure ciblant le traitement médical et thérapeutique ». De facto, la Cour européenne en conclu que la détention de sûreté de l'espèce n'est pas une peine au sens de l'article 7 § 1. Ainsi, son application rétroactive n'est pas inconventionnelle et cette décision s'inscrit dans la parfaite filiation de l'affaire Bergmann. [...]
[...] Or en l'espèce, à l'époque de la commission des faits reprochés à M. Bergmann, la prolongation de la détention de sûreté ne pouvait excéder une période maximale de 10 ans. Au-delà, l'individu devait être libéré. Dès lors, l'abrogation de cette durée plafond ouvre incontestablement la voie à des solutions plus sévères que celles qui pouvaient être prononcées antérieurement à la réforme. Ainsi, sa rétroactivité semble compromise au regard du principe de légalité des peines. En effet, dans l'affaire M. c. [...]
[...] La première fois que la Cour européenne eut à se prononcer sur sa conventionnalité fut dans l'arrêt, M. contre Allemagne, du 17 septembre 2009. Dans des faits similaires à ceux de l'arrêt commenté, la Cour a alors estimé que la prolongation de l'internement au-delà de la durée maximale de 10 ans autorisée par le droit interne au moment de la décision de placement constituait une décision provoquant une détention arbitraire, la mesure n'entrant dans aucune des hypothèses prévues par l'article 5 § 1 de la Convention. [...]
[...] Pour certains auteurs, l'internement de sûreté semble ainsi davantage relever de l'alinéa de l'article 5 § 1 permettant une détention après condamnation. Ce faisant, l'absence d'un lien de causalité suffisant entre la déclaration de culpabilité et la détention de M. Bergmann faisant défaut, cette dernière aurait dû être jugée arbitraire. Toutefois, afin de relativiser la décision, il convient de la mettre en perspective et de constater qu'il ne s'agit là que de la détention personnelle de M. Bergmann. La Cour procède à un véritable examen in concreto de l'affaire et il n'est pas dit que la détention de sûreté d'autres requérants ne remplisse aisément les différentes conditions requises au titre de l'article 5 §1 e). [...]
[...] La Cour en conclut donc que la détention de sûreté de M. Bergmann peut se justifier comme la détention d'un « aliéné » et que dès lors, il n'y a pas eu violation de l'article 5 § 1. Ainsi, la loi relative à la détention de sûreté entrée en vigueur le 1[er] juin 2013 a su apporter les modifications nécessaires pour permettre à la détention de sûreté de se conformer à l'article 5 §1 e). Suite à cette affirmation, la Cour doit désormais s'intéresser au pan de l'affaire relatif à la rétroactivité de cette mesure, et donc inexorablement à sa nature. [...]
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