La Cour Européenne des Droits de l'Homme est la juridiction créée en 1959 dans le cadre de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales en vue de la faire respecter. Ses décisions ne sont en théorie pas contraignantes pour les Etats mais leur force morale et la lourdeur des amendes qu'elle inflige les amènent en fait à les respecter.
La Cour Européenne des Droits de l'Homme a prononcé un arrêt de grande Chambre dans l'affaire Martinie contre France le 12 avril 2006.
En l'espèce, le requérant Michel Martinie était agent comptable du Lycée René Cassin à l'époque des faits. En juin 1987, suite à son travail de secrétaire général du centre national d'entraînement à la pelote basque, le proviseur du lycée lui institua une indemnité forfaitaire. Néanmoins 10 ans plus tard, la chambre régionale des Comptes d'Aquitaine estimant que le Conseil d'administration du lycée n'avait pas autorisé le versement de telles indemnités, condamna son bénéficiaire à les rembourser. Débouté de sa demande, le requérant fit alors appel devant la Cour des comptes, qui elle, réclama un remboursement partiel des indemnités qu'il avait touchées, et forma finalement un pourvoi devant le Conseil d'Etat. Sa demande une fois encore rejetée, il s'adressa alors à la Cour Européenne des Droits de l'Homme le 15 février 1999.
Dans cette affaire, le requérant, Michel Martinie, invoque la violation de l'article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) en ce que le commissaire du gouvernement a participé au délibéré du Conseil d'Etat.
La participation d'un membre extérieur à la formation de jugement d'une juridiction administrative est-elle condamnable sur le fondement de l'article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ?
La Cour Européenne des Droits de l'Homme, conformément à sa jurisprudence antérieure, répond à cette question par l'affirmative et condamne donc la France.
Il sera intéressant de voir dans une première partie que la Cour Européenne des Droits de l'Homme considère, contrairement à la France, que la théorie des apparences est incompatible avec le rôle qu'exerce le commissaire de gouvernement devant les juridictions administratives avant de voir que cette décision met fin, de fait, à un certain particularisme français.
[...] Une décision difficilement acceptée A la suite de l'arrêt Kress rendu par la Cour Européenne des Droits de l'Homme le 7 juin 2001, et condamnant la France pour la violation de l'article 6 1 de la Convention Européenne en raison de la présence du commissaire du gouvernement au délibéré, la France avait alors modifié le Code de la justice administrative par un décret du 19 décembre 2005 et y avait inséré un nouvel article R731-7 qui disposait que le commissaire du gouvernement assiste au délibéré. Il n'y prend pas part Elle n'avait alors pas suivi de manière tout à fait conforme la décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme et c'est la raison pour laquelle elle s'est retrouvée condamnée pour le même motif en 2006 lors de l'affaire Martinie contre France. [...]
[...] CEDH avril 2006, Martinie France La Cour Européenne des Droits de l'Homme est la juridiction créée en 1959 dans le cadre de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales en vue de la faire respecter. Ses décisions ne sont en théorie pas contraignantes pour les Etats mais leur force morale et la lourdeur des amendes qu'elle inflige les amènent en fait à les respecter. La Cour Européenne des Droits de l'Homme a prononcé un arrêt de grande Chambre dans l'affaire Martinie contre France le 12 avril 2006. [...]
[...] Le rôle du commissaire de gouvernement en France incompatible avec la théorie des apparences Bien que la France argue que le rôle du commissaire du gouvernement au cours du délibéré de la formation de jugement des juridictions administratives soit un rôle essentiel et tout à fait particulier au fonctionnement de justice administrative en France, la Cour Européenne des Droits de l'Homme préfère elle faire primer le principe de la théorie des apparences. Le rôle du commissaire du gouvernement dans les juridictions administratives Le commissaire du gouvernement est, devant les juridictions administratives, un membre du Conseil d'Etat qui expose publiquement son opinion sur l'affaire en cours de jugement et indique les solutions à apporter. Il est défini par le Conseil d'Etat (dans l'arrêt Esclatine du 28 juillet 1998) comme indépendant et impartial. [...]
[...] Au vu de tous ces arguments, la Cour Européenne des Droits de l'Homme critique néanmoins cette présence. La prééminence du principe de la théorie des apparences La Cour considère que la participation du commissaire du gouvernement au délibéré de la formation de jugement méconnaît l'article 6 1 de la Convention. Elle fait en effet prévaloir la théorie des apparences (théorie britannique selon laquelle la justice ne doit pas simplement être rendue mais il doit être visible qu'elle est rendue) : en s'exprimant publiquement sur le rejet ou l'acceptation des moyens présentés par l'une des parties, le commissaire du gouvernement pourrait être légitimement considéré par l'une des parties comme prenant fait et cause pour l'une d'elles. [...]
[...] Le Conseil d'Etat considère néanmoins (depuis l'arrêt Courty du 25 mai 2007) que la vision subjective du procès équitable adoptée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme est sauvegardée puisqu'il est précisé que les parties peuvent, si elles le souhaitent, interdire au commissaire du gouvernement de prendre part au délibéré (on peut cependant se demander qui osera formuler une telle requête). La conformité de cette nouvelle formulation du Code de justice administrative aux décisions de la Cour Européenne des Droits de l'Homme reste néanmoins incertaine et il faudra en attendre un nouvel arrêt pour savoir si oui, ou non, la France peut conserver le droit qu'à le commissaire du gouvernement d'assister au délibéré de la formation de jugement du Conseil d'Etat. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture