cour de cassation, chambre mixte, 24 mai 1975, primauté du droit communautaire, droit communautaire, principe de primauté au sein de l'UE, principe de primauté, primauté de la loi, arrêt Jacques Vabre
Aujourd'hui, en France, la primauté du traité instituant la Communauté européenne sur la loi nationale ne fait plus aucun doute. Si le problème a été résolument beaucoup plus facilement que celui du rapport toujours compliqué à établir entre le droit européen - dans ses deux composantes, à la fois le droit communautaire et le droit conventionnel — et les Constitutions nationales des États membres, et si la question ne fait désormais plus débat, en réalité cette jurisprudence n'a pas été si simple à établir.
[...] En France, ce n'était qu'une question de compétence du juge qui empêchait la Cour de cassation (jusqu'à cet arrêt de 1975) et le CE (jusqu'à son arrêt Nicolo du 20 octobre 1989) de vérifier la compatibilité des lois avec les normes internationales et particulièrement le droit communautaire. En effet, la primauté des traités sur les lois nationales est clairement affirmée par l'article 55 de la Constitution, lequel dispose que « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur signature, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l'autre partie ». [...]
[...] Se pose également la question du fondement sur lequel le juge peut s'appuyer pour justifier de cette primauté du droit communautaire ? À l'appui de l'article 55 de la Constitution de 1958, les juges de première instance ont contrôlé la conventionnalité de l'article 265, reconnaissant alors une supériorité du droit des communautés européennes sur les dispositions législatives qui lui sont postérieures. La Cour de cassation a suivi cette décision, en acceptant de contrôler des lois même quand elles sont postérieures. [...]
[...] Questiaux, sur cette affaire, a véritablement révélé le fond du problème dans ses conclusions : « la loi postérieure à un traité ne pourrait être écartée que du chef d'inconstitutionnalité, ce qui implique, de la part des juridictions, l'exercice d'un pouvoir qui ne leur avait pas été reconnu ». La distinction entre loi antérieure et postérieur se mêle alors à celle entre contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité. C'est pourquoi, le CC est intervenu, et a rendu une décision majeure le 15 janvier 1975, appelée décision IVG. Dans cette décision, il refuse, en tant que juge constitutionnel, de contrôler la conformité d'une loi à une convention internationale. [...]
[...] Ainsi, la Cour de cassation en conclut que « l'exception tirée du défaut de réciprocité ne peut être invoquée devant les juridictions nationales ». Si l'on analyse le raisonnement global de la Cour de cassation, celle-ci fait d'abord appel à l'article 55 pour commander la place du Traité dans l'ordre juridique français. Puis, elle ajoute à cela « la spécificité de l'ordre juridique » (Cour de cassation, 1975) découlant de ce traité pour justifier l'applicabilité directe et la primauté sur la loi nationale et écarter toute exception de réciprocité. [...]
[...] Pour le CC, il existe donc une différence de nature entre la constitutionnalité d'une loi et la primauté du Traité. En conséquence de cela, il se peut très bien qu'une loi soit à la fois contraire au Traité et conforme à la Constitution. Ainsi, si cet arrêt ne reconnaît pas explicitement la compétence du juge ordinaire en matière de contrôle de conventionnalité, il n'en demeure pas moins qu'il fait tomber les arguments doctrinaux qui s'y opposaient jusqu'alors. La CCass en tire, donc les conséquences dans cet arrêt Société des Cafés Jacques Vabre. [...]
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