Dans l'affaire Kudla, le requérant a été inculpé d'escroquerie et de faux et a été placé en détention provisoire puis condamné. Face à la cour, le requérant a invoqué plusieurs articles de la convention : l'article 3, l'article 6 et l'article 13. S'agissant de l'article 6 § 1, la cour a admis facilement la violation de cette disposition. Il restait alors la question de la violation de l'article 13 qui va nous intéresser plus particulièrement.
Ainsi, dans l'affaire Kudla jugée par la grande chambre de la cour EDH le 26 octobre 2000, le requérant soutenait qu'il n'y avait aucun recours effectif au travers duquel il aurait pu soulever devant une instance nationale la question de la durée excessive de la procédure. En effet, selon le requérant, il y a eu violation de l'article 13 de la convention aux termes duquel : « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans … la convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ». Le requérant soutient que l'article 13 doit être interprété comme exigeant un recours effectif dans un tel cas. Il affirmait que, contrairement aux exigences de l'article 13, il n'avait disposé d'aucun recours interne qui lui aurait permis de critiquer la longueur de la procédure dirigée contre lui.
Le gouvernement quant à lui défend la thèse inverse. Selon le gouvernement, l'article 13 est inapplicable au cas où le grief du requérant concernant la durée de la procédure a été examiné sur le terrain de l'article 6 § 1. Selon le gouvernement, ni la lettre du texte, ni les travaux préparatoires de la commission ne vont dans ce sens. De plus, le fait d'exiger un recours permettant de dénoncer la durée excessive d'une procédure au titre de l'article 13 créerait des nouvelles obligations sur les états qui ne feraient que rallonger la procédure sur le plan interne.
La question qui s'est posée devant la cour était donc de savoir, si elle pouvait constater une violation de l'article 13, alors qu'elle avait déjà constaté que les dispositions de l'article 6 § 1 n'avaient pas été respectées.
La cour ne suit pas le gouvernement et donne raison au requérant en énonçant « que l'interprétation correcte de l'article 13 est que cette disposition garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d'une méconnaissance de l'obligation, imposée par l'article 6 § 1, d'entendre les causes dans un délai raisonnable ». En l'espèce la cour constate la violation de l'article 13, le droit polonais n'ayant pas offert de recours effectif au requérant.
Par cet arrêt la cour affirme contrairement à sa jurisprudence antérieure, l'autonomie de l'article 13 (I). Elle opère donc un important revirement de jurisprudence qu'elle affirme clairement pour des raisons d'opportunité (IA). Néanmoins elle arrive à conclure à l'autonomie de l'article 13 en s'appuyant sur une argumentation juridique construite et détaillée (IB). En outre, la cour en proclamant l'autonomie de l'article 13, a également valorisé le principe de subsidiarité en mettant à la charge des états l'obligation de mettre à la disposition des citoyens un recours leur permettant de contester devant une instance de droit interne le non respect du délai raisonnable (IIA). Nous verrons que l'application de ce principe n'est pas sans difficultés et quelles ont été les répercutions de l'arrêt Kudla en France (IIB).
[...] La décision rendue par la cour, n'implique pas un recours de second degré. En toute hypothèse, la cour rappelle que les états disposent d'une certaine marge d'appréciation quant à la manière d'offrir le recours exigé par l'article 13. Dans l'ensemble, le recours effectif peut être porté devant une instance non juridictionnelle dès lors que celle-ci répond à certaines garanties d'indépendance, d'impartialité et de procédure. Cependant bien que l'état dispose d'une marge d'appréciation dans la mise en œuvre du droit à un recours effectif, le contrôle exercé par l'instance nationale doit être d'une intensité équivalente à celle du contrôle européen, dans le cas contraire le recours en question perd son caractère effectif (Smith et Grady RU, 27/09/99). [...]
[...] Mais la cour ne s'appuie pas que sur des éléments de fait pour rendre sa décision. Elle va développer une argumentation juridique détaillée afin de conclure à l'autonomie de l'article 13 de la convention. B. Une décision fondée sur une interprétation constructive de l'article 13 L'arrêt Kudla constitue un revirement de jurisprudence spectaculaire puisque que la cour accepta d'examiner le grief de la violation de l'article 13 et condamna la Pologne, à ce titre, pour n'avoir pas prévu de recours qui aurait permis au requérant la sanction de son droit à un procès dans un délai raisonnable. [...]
[...] L'article 13 avant l'arrêt Kudla subissait la concurrence d'autres droits de nature équivalente, notamment par l'article 6 de la convention. Le grief de la violation du droit à un recours effectif a toujours été considéré comme surabondant par rapport à un constat de violation déjà établi, ou bien absorbé par une violation établie au titre d'une autre disposition de la convention (Airey Irlande, 9/10/79). Cette position était enracinée dans la jurisprudence relative à la combinaison du droit à un recours effectif et du droit à une durée raisonnable du procès. [...]
[...] Elle commence par contrecarrer l'argument du gouvernement sur la durée de la procédure interne. En effet, on peut penser que le fait d'exiger un nouveau recours serait de nature à alourdir le déroulement de l'instance devant les juges nationaux. Pour s'opposer à cet argument la cour met en avant le risque d'asphyxie du système européen, si l'article 13 n'était pas interprété comme elle le fait. Sur l'interrogation de la modification des obligations assumées par les états en vertu de l'article 6 la cour répond qu'un recours permettant de dénoncer la durée excessive d'une procédure n'implique pas forcément un appel contre la décision sur l'accusation pénal ou sur la contestation civile. [...]
[...] Devant le juge judiciaire, une telle responsabilité ne peut être engagée que pour faute lourde (article L 781-1 du code de l'organisation judiciaire). Mais la cour de cassation a donné une interprétation très souple de la faute lourde, elle l'a définie dans un arrêt en date du 13/02/01 comme toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi La cour européenne dans un arrêt en date du 12/06/01 (Giummarra et alii France) a estimé que le recours à l'article L 781-1 du COJ, est un recours effectif pour les victimes, qu'il a acquis un degré de certitude juridique suffisant pour constituer un recours utile au sens de l'article 35§1 de la convention. [...]
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