Du fait de l'effet direct du droit communautaire, corollaire de sa primauté, les Etats sont tenus de faire respecter les normes issues de ses sources primaires et dérivées sur leurs territoires. C'est ce qui ressort des arrêts dits « fondateurs » de la Communauté, en particulier les arrêts Van Gend en Loos de 1963 et Costa contre Enel de 1964 de la Cour de Justice. Ce sont en particulier les libertés fondamentales de la Communauté qui créent un certain nombre d'avantages au bénéfice des individus ; avantages que leurs Etats doivent donc leur garantir.
La question s'est posée de savoir quelles allaient être, pour l'Etat, les conséquences de son manque de respect du droit communautaire. Donc, de quelle manière est-ce que les individus allaient pouvoir mettre en cause l'Etat qui n'avait pas garanti leurs droits découlant des libertés issues du droit communautaire.
La Commission ou les autres Etats membres, ces derniers s'y risquant toutefois rarement, n'étant pas eux-mêmes irréprochables, peuvent exercer le recours en manquement contre l'Etat qui ne respecterait pas, selon eux, le droit communautaire. Mais les particuliers peuvent également mettre en jeu la responsabilité de leur Etat. Cependant, un tel recours n'est possible que devant leurs juridictions nationales.
C'est un tel recours qui fût à l'origine d'une longue procédure dont l'arrêt étudié, l'arrêt Köbler du 30 septembre 2003 de la CJCE, est quasiment l'aboutissement. Dans les faits, un professeur d'université autrichien, M. Köbler, souhaitait bénéficier d'une prime d'ancienneté qui était reconnue en Autriche au bout de quinze ans. Elle lui fût refusée au motif qu'il avait effectué une partie de ces quinze ans de service dans d'autres Etats membres de la Communauté. C'est devant le juge administratif autrichien que M. Köbler a contesté ce refus comme contraire à la libre - circulation des travailleurs, principe fondamental de la Communauté. L'affaire finit par arriver devant la plus haute juridiction administrative autrichienne. Celle-ci pose alors une question préjudicielle à la CJCE dans le but de savoir si la réglementation autrichienne s'opposait à la libre – circulation des travailleurs.
La question s'est compliquée, parce que la CJCE s'était entre-temps prononcée sur les modalités d'attribution d'une prime semblable en Allemagne, indiquant qu'il était nécessaire de la reconnaître y compris aux travailleurs qui avaient effectué une partie de leurs service dans un autre Etat de la Communauté. Par conséquent, la CJCE demande à la Cour autrichienne si celle-ci souhaite retirer sa question préjudicielle. Cette dernière répond par l'affirmative. Mais alors qu'elle se prononce sur le fond, elle distingue de manière inattendue la prime autrichienne de la prime allemande, la première étant sensée récompenser le travail dans établissement en particulier. Donc, le requérant n'aurait pas à en bénéficier.
C'est devant la juridiction civile autrichienne que M. Köbler invoque la responsabilité de son Etat pour violation du droit communautaire. Et c'est le juge judiciaire autrichien qui pose la question préjudicielle qui est à l'origine de l'arrêt étudié.
Tout d'abord, la Cour de Justice reconnaît qu'il est encore possible de faire jouer la responsabilité de l'Etat autrichien, alors même qu'une juridiction administrative avait statué en dernier ressort. Ensuite, elle reconnaît que la responsabilité de l'Etat peut, soit, être engagée, mais seulement si la violation est « suffisamment sérieuse » du droit communautaire et, s'agissant d'une violation par une décision de justice au niveau national, la violation doit revêtir un caractère manifeste. Or, en l'espèce, la violation, même si elle fût reconnue, n'était pas de cette nature selon la Cour de Justice.
Ainsi, il faudra exposer le principe selon lequel un Etat peut être reconnu responsable pour violation du droit communautaire à cause d'une décision de justice (I). Mais il sera nécessaire de décrire la timidité de la Cour à reconnaître cette responsabilité, en particulier en raison des nombreuses conditions, d'appréciation subjective, qu'elle pose à cette reconnaissance (II).
[...] Le refus de lui accorder la prime était, en effet, une violation de son droit à la libre circulation en tant que travailleur. Conditionner le bénéfice de cette prime au fait que les travailleurs doivent rester dans leur Etat d'origine pour effectuer leur service, c'était les dissuader de partir dans un autre Etat de la communauté. Ainsi, la Cour allemande a violé le droit communautaire parce qu'elle a retiré sa question préjudicielle, tout en différenciant la prime autrichienne de la prime allemande, sur laquelle la Cour de Justice s'était prononcée, et en statuant de manière contraire à la position de cette dernière. [...]
[...] Arrêt Köbler du 30 septembre 2003, rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes Du fait de l'effet direct du droit communautaire, corollaire de sa primauté, les Etats sont tenus de faire respecter les normes issues de ses sources primaires et dérivées sur leurs territoires. C'est ce qui ressort des arrêts dits fondateurs de la Communauté, en particulier les arrêts Van Gend en Loos de 1963 et Costa contre Enel de 1964 de la Cour de Justice. Ce sont en particulier les libertés fondamentales de la Communauté qui créent un certain nombre d'avantages au bénéfice des individus ; avantages que leurs Etats doivent donc leur garantir. [...]
[...] Mais elle a utilisé ici une tactique, visant à ne pas trop brusquer les Etats lorsqu'elle faisait avancer le droit communautaire. C'est un comportement dont il est possible de noter le caractère quelque peu politique. En effet, il est difficile d'appliquer d'emblée au cas d'espèce une nouvelle appréciation du droit, qui de plus est défavorable aux Etats. Par ailleurs, l'arrêt Köbler fût récemment confirmé par une décision du 13 juin 2006 sur la question de la limitation de la responsabilité des magistrats en Italie. [...]
[...] L'affaire finit par arriver devant la plus haute juridiction administrative autrichienne. Celle-ci pose alors une question préjudicielle à la CJCE dans le but de savoir si la réglementation autrichienne s'opposait à la libre circulation des travailleurs. La question s'est compliquée, parce que la CJCE s'était entre-temps prononcée sur les modalités d'attribution d'une prime semblable en Allemagne, indiquant qu'il était nécessaire de la reconnaître y compris aux travailleurs qui avaient effectué une partie de leurs service dans un autre Etat de la Communauté. [...]
[...] Mais cette décision est en même temps révélatrice de la manière dont procède souvent la CJCE. B. Une technique connue ; la reconnaissance d'un principe avant son application dans un cas d'espèce La CJCE s'est permis de se prononcer sur le fond de l'affaire, considérant qu'elle [disposait] de tous les éléments pour établir si les conditions nécessaires à l'engagement de la responsabilité de l'Etat [étaient] réunies Elle n'a pas donné raison à M. Köbler, dont le cas n'a donc pas progressé malgré cette longue procédure. [...]
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