La suppression des entraves tarifaires ne peut suffire à protéger la libre circulation des marchandises si d'autres obstacles, tels que des règlements techniques ou des faveurs accordées par l'Etat aux entrepreneurs nationaux, freinent cette liberté.
Pour y faire face, les articles 28 et 29 du Traité sur la Communauté européenne interdisent les restrictions quantitatives et les mesures d'effet équivalent, respectivement aux importations et aux exportations.
Tout comme les « taxes d'effet équivalent à des droits de douane », les mesures d'effet équivalent sont une notion que la Cour de Justice a eu à définir, faute de précision dans le Traité. La Commission, dans une Directive de 1969, expose son souhait de les voir interprétées de manière extensive.
La Cour de Justice a retenu cette conception. Dans l'audacieux arrêt Dassonville de 1974, elle présente l'article 28 comme une mesure générale de prohibition de toute réglementation commerciale susceptible d'entraver la libre circulation des marchandises, qui ne seraient pas visées par d'autres dispositions. En effet, elle définit la mesure d'effet équivalent comme « toute réglementation commerciale (…) susceptible d'entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire ».
L'arrêt Cassis de Dijon de 1979, encore plus retentissent, vient interdire les mesures d'effet équivalent qui ne seraient pas ouvertement discriminatoires. Ce n'est qu'exceptionnellement que des prescriptions nationales peuvent être admises, à condition qu'elles soient nécessaires pour satisfaire à des « exigences impératives d'intérêt général ».
Les mesures sur les modalités de vente d'un produit peuvent également apparaître comme des mesures d'effet équivalent prohibées par le Traité.
Faut-il donc qualifier ces dernières de mesures d'effet équivalent, par principe, sans tenir compte de leur éventuel caractère, ouvertement ou non, discriminatoire ?
La Cour a eu l'occasion de développer un autre mode de raisonnement pour répondre à cette question, dans un arrêt de principe, l'arrêt Keck et Mithouard rendu le 24 novembre 1993. Des limites au champ d'application de l'article 28 y apparaissent.
En l'espèce, il était question de la loi de finance de 1963, modifiée par l'ordonnance de 1986, qui interdisait la revente à perte. Cette interdiction aurait gêné deux dirigeants d'hypermarchés, M. Keck et M. Mithouard, qui ont continué à revendre des produits à des prix inférieurs à leur prix d'achat effectifs et, en conséquence, furent poursuivis par le Procureur de la République française et condamnés pénalement.
Devant le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, ils ont invoqué une violation du droit communautaire par la législation française, car elle serait incompatible avec l'actuel article 28 du Traité et avec les principes de libre circulation des personnes, des services et des capitaux, car elle aurait pour effet de baisser le niveau de leur vente de produits, donc aussi celui de la vente de produits importés d'autres Etats membres de la Communauté.
Le TGI surseoit alors à statuer et dans une question préjudicielle, qui regroupe en fait deux questions, demande à la CJCE si cette législation française s'oppose à l'article 28 prohibant les mesures d'effet équivalant, à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux ainsi qu'au principe de non-discrimination.
La Cour de Justice affirme alors que les mesures nationales qui établissent des modalités de vente sont exclues du champ d'application des mesures d'effet équivalent, sauf si elles n'affectent pas de la même manière, en droit et en fait, la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d'autres Etats membres. L'évocation de la libre circulation des personnes, des services et des capitaux n'était pas pertinente en l'espèce, puisque seule la libre circulation des marchandise était en cause.
Il est tout d'abord nécessaire de présenter la manière dont la Cour restreint le champ d'application de l'article 28 qui cesse d'être une mesure générale de prohibition (II). Il faudra ensuite insister sur la prise en compte du caractère discriminatoire d'une mesure de modalité de vente, nécessaire à sa qualification en mesure d'effet équivalent (II).
[...] Il s'agit, en effet, de mesures nationales présentant des effets restrictifs trop indirects et aléatoires pour rentrer dans le champ de l'article 28 La Cour a ainsi tari un peu le contentieux sans même passer par le contrôle de proportionnalité. Mais c'est un troisième mode de raisonnement qui apparaît dans l'arrêt étudié. Celui-ci s'oppose réellement à celui des arrêts Dassonville et Cassis de Dijon. Les mesures nationales qui établissent des modalités de vente sont ouvertement exclues par principe du champ d'application de l'article 28. [...]
[...] De plus, la Cour précise que l'article 28 a été invoqué trop souvent pour contester toute espèce de réglementation qui ont pour effet de limiter leur activité commerciale Or, les Etats restent libres d'édicter de telles normes, le droit communautaire ne visant qu'à prohiber celles qui entravent les échanges entre les Etats membres, sans que leur caractère protectionniste ne soit justifié Selon les requérants, la loi française constituait une entrave à la libre circulation des marchandises, car elle avait pour effet de baisser le niveau de vente des produits, donc des produits importés également. La Cour ne trouve pas qu'il y ait, de ce fait, une discrimination, puisque la mesure ne gêne pas plus l'accès au marché des produits importés que des produits nationaux Elle ne donne donc pas raison aux revendications de Messieurs Keck et Mithouard. [...]
[...] Mais en ce qui concerne les modalités de vente, la charge de la preuve incombe à ceux qui les contestent. B. Une décision justifiée par le caractère non discriminatoire de la législation française L'absence de différenciation quant au traitement des produits En l'espèce, la Cour a exclu du champ d'application de l'article 28 la législation nationale interdisant la revente à perte, car elle s'appliquait à tous les opérateurs exerçant leur activité sur le territoire national et parce qu'elle a considéré que la mesure affectait de la même manière la commercialisation des produits nationaux et ceux en provenance d'autres Etats membres. [...]
[...] La remise en cause de l'arrêt Cassis de Dijon ; une marge de manœuvre offerte aux Etats Dans l'arrêt Cassis de Dijon, la Cour indique que peu importe que la mesure nationale touche tant les produits nationaux que les produits importés ; les disparités entre les législations ne sont acceptables qu'au nom d'exigences impératives d'intérêt général qui tiennent notamment à : la protection du consommateur, la garantie des transactions commerciales ou encore la protection de la santé publique. Si cet arrêt prohibait même celles des mesures qui étaient dépourvues d'un caractère ouvertement discriminatoire, c'est parce que la Cour voyait dans de telles mesures une restriction à la libre circulation des marchandises malgré tout. [...]
[...] D'une part, parce que les échanges sont rendus plus compliqués du fait de certaines exigences commerciales. D'autre part, parce que ces dernières peuvent se révéler, dans les faits, avoir des effets qui avantagent les produits nationaux, ayant plus de chances d'être en accord avec ces mesures. Il ressortait donc de l'arrêt que le caractère ouvertement discriminatoire ou non d'une mesure n'était pas à prendre en compte. Mais, d'un certain côté, l'arrêt étudié n'est pas en totale opposition avec l'arrêt Cassis de Dijon, puisqu'il en ressort que ce sont les mesures concernant les modalités de vente qui ne sont plus, par principe, des mesures d'effet équivalent. [...]
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