La Cour de Justice des communautés européennes (CJCE) devait se prononcer sur l'influence du droit économique sur le droit social européen, et notamment sur la portée de l'article 43 CE qui dispose principalement que: « les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. »
Dans le cadre d'un appel interjeté d'un jugement rendu par la High Court of Justice (Commercial Court), la Court of Appeal (Civil Division, England and Wales) avait posé un certain nombre de questions qui devait conduire la CJCE a se prononcer sur l'impact du principe de libre circulation sur le droit social des pays européens.
En l'espèce, un exploitant finlandais de services de ferry entre la Finlande et l'Estonie souhaitait transférer son lieu d'établissement vers l'Estonie pour profiter de niveaux de salaires inférieurs. Un syndicat finlandais, soutenu par une association internationale de syndicats, a tenté d'empêcher cette délocalisation et menacé la société de grève et de boycotts si celle-ci devait déménager sans maintenir les niveaux de salaires qu'elle pratiquait alors.
La Court of Appeal posa alors une dizaine de questions à la CJCE. La juridiction britannique demanda tout d'abord si l'article 43 CE doit être interprété dans un sens restrictif qui soustrait à son champs d'application une action collective engagée par un syndicat ou un groupement de syndicats à l'encontre d'une entreprise aux fins d'amener cette dernière à conclure une convention collective dont le contenu est de nature à la dissuader de faire usage de la liberté d'établissement. A cela, la CJCE répond que l'article 43 CE doit être interprété en ce sens que, en principe, n'est pas soustraite au champ d'application de cet article une action collective engagée par n syndicats à l'encontre d'une entreprise aux fin d'amener cette dernière à conclure une convention collective dont le contenu est de nature à la dissuader de faire usage de la liberté d'établissement.
Les juges anglais demandèrent ensuite si l'article 43 CE est de nature à conférer des droits à une entreprise privée susceptibles d'être opposés à un syndicat ou à une association de syndicats. A cette question la Cour répond positivement de sorte que cet article est de nature à créer des droits opposables aux partenaires sociaux.
Enfin, sur les troisième à dixième questions, la Court of Appeal demanda si les actions collectives telles que celles en cause constituent des restrictions au sens de l'article 43 CE et, si tel est le cas, dans quelle mesure de telles restrictions sont susceptibles d'être justifiées.
Les juges communautaires répondent que l'article 43 CE doit être interprété en ce sens que des actions collectives telles que celles en cause au principal, qui visent à amener une entreprise dont le siège est situé dans un Etat membre et à appliquer les clauses prévues par cette convention aux salariés d'une filiale de ladite entreprise établie dans un autre Etat membre, constituent des restrictions au sens dudit articl. Ces restrictons peuvnt en principe être justifiées au titre de la protection d'une raison impérieuse d'intérêt général, telle que la protection des travailleurs, à condition qu'il soit établi qu'elles sont aptes à garantir la réalisation de l'objectif légitime poursuivi et ne vont pas au delà de ce qui est nécéssaire pour atteindre cet objectif.
[...] La Cour a en effet affirmé que cet article devait être interprété en ce sens que, en principe, n'est pas soustraite au champ d'application de cet article une action collective engagée par un syndicat à l'encontre d'une entreprise privée aux fins d'amener cette dernière à conclure une convention collective dont le contenu est de nature à la dissuader de faire usage de la liberté d'établissement. Les juges européens avaient alors à la fois reconnu la valeur de principe général au droit de grève, et soumis ce dernier au respect de l'article 43 CE protégeant la liberté d'établissement. Elle devait dès lors concilier ces deux libertés. Mais avant d'opérer une telle conciliation, la Cour devait répondre à la question suivante: la liberté d'établissement fait- elle naître des droits invocables par des personnes privées, en l'espèce une société de droit finlandais? [...]
[...] À cette question la Cour répond positivement de sorte que cet article est de nature à créer des droits opposables aux partenaires sociaux. Enfin, de la troisième à la dixième question, la Court of Appeal demanda si les actions collectives telles que celles en cause constituent des restrictions au sens de l'article 43 CE et, si tel est le cas, dans quelle mesure de telles restrictions sont susceptibles d'être justifiées. Les juges communautaires répondent que l'article 43 CE doit être interprété en ce sens que des actions collectives telles que celles en cause au principal, qui visent à amener une entreprise dont le siège est situé dans un État membre et à appliquer les clauses prévues par cette convention aux salariés d'une filiale de ladite entreprise établie dans un autre État membre, constituent des restrictions au sens dudit article. [...]
[...] II) Une interprétation néanmoins encadrée des effets de cet article L'action collective entreprise par le FSU est certes une restriction apportée à la liberté d'établissement, mais elle peut être justifiée, selon la CJCE, pour la sauvegarde d'un motif impérieux d'intérêt général Néanmoins, cette action devra également être contrôlée par le juge qui constatera ou non que cette dernière était proportionnée par rapport au but recherché ce qui entraîne le juge dans un contrôle des motifs de la grève . Contrôle qui, comme la Cour de cassation française le laissait entendre, n'est pas sans risques . La possible justification des restrictions apportées à la liberté d'établissement La grève restreint la liberté d'établissement L'article 43 CE dispose que sont interdites toutes restrictions à la liberté d'établissement. La grève a été soumise par les juges à l'application de l'article 43 du Traité CE. [...]
[...] La Cour considère donc que l'article 43 CE doit primer, dans une certaine mesure, le droit de grève, ce qui va à contre- courant de la pensée traditionnelle française socialisante. En résumé, l'action mise en place mis à part qu'elle doive répondre à un objectif légitime pour un motif impérieux d'intérêt général doit être une action appropriée à la réalisation de l'objectif poursuivi et ne porter qu'une atteinte proportionnée à la liberté d'établissement au sens de l'article 43 CE. Le juge devra donc vérifier que l'action collective engagée est apte à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi sachant que la conduite d'une telle action peut constituer, dans les circonstances particulières d'une affaire, l'un ds moyens principaux pour les syndicats de protéger les intérêts de leurs membres. [...]
[...] La non-limitation du champ d'application L'action collective entre dans le champ de l'article 43 CE Preuve de l'importance de l'affaire, dix-sept États étaient intervenus dans la procédure et ont déposé des observations devant la Cour. L'enjeu était de taille, si l'exercice du droit de grève entrait dans le champ communautaire, il pouvait alors se voir opposer la liberté d'établissement. Ainsi, deux arguments principaux étaient avancés à l'appui de l'exclusion de ce droit de grève du champ communautaire. Le premier se fondait sur l'article 137, du Traité CE qui exclut expressément des compétences communautaires le droit de grève et le lock- out. [...]
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