Bien que principe fondamental du droit communautaire, le principe de subsidiarité n'en est pas moins complexe. Emprunté à la doctrine sociale de l'Eglise catholique, le principe de subsidiarité est une maxime politique et sociale selon laquelle les décisions de l'Union Européenne doivent être au niveau le plus pertinent et le plus proche possible des citoyens. Autrement dit, l'UE est compétente lorsqu'il est incontestable que l'action de la Communauté apparaisse comme plus efficace qu'une action menée par une instance plus locale. L'arrêt de la CJCE, en date du 10 décembre 2002 (considérant 173 à 185), «British American Tobacco », est une parfaite illustration de l'étendue de cette notion. En l'espèce, à la suite d'une directive prise par le législateur communautaire en date du 5 juin 2001 qui cherche à harmoniser les législations relatives au marché intérieur en vue d'éliminer les entraves aux échanges des produits du tabac, les sociétés British American Tobacco et Imperial Tobacco Ltd, notamment, invoquent le principe de subsidiarité en disant que ce dernier n'a pas été respecté dans l'adoption de cette directive. Les requérantes déclarent que « le législateur communautaire a totalement omis de prendre en compte ce principe ou, en tout état de cause, a omis de le prendre en considération de manière correcte ».
La question posée à la CJCE. était donc de savoir si la directive litigieuse était en tout ou en partie invalide en raison d'une violation du principe de subsidiarité. Quelle est l'étendue du contrôle, effectué par la CJCE, dans l'application du principe de subsidiarité?
Comme le démontre la jurisprudence habituelle de la Cour, cette dernière a effectivement su faire preuve de prudence en refusant le plus souvent de glisser vers un contrôle d'opportunité, en restant dans son « contrôle minimum ». Mais cette décision du 10 décembre 2002 montre que la Cour semble interpréter pour son propre compte l'article 5 du TCE relatif à ce fameux principe de subsidiarité, en réalisant un « contrôle normal ». Dans son considérant 185, la CJCE déclare que la directive n'est pas invalide en raison de la violation du principe de subsidiarité, et déboute ainsi les requérantes sur ce point. Dans le but de comprendre au mieux cette décision il est important de voir en quoi cette dernière est une confirmation logique de la place éminente du principe de subsidiarité au sein du système juridique communautaire (I) à la suite de quoi il faudra se pencher sur le fait que, de façon nouvelle, la Cour vient consacrer un « contrôle circonstancié» du principe de subsidiarité (II).
[...] Dans cette perspective, la décision de 2002 réalise donc un certain apport puisqu'elle vient préciser le domaine d'application du principe. À travers la première partie de cette étude relative à l'arrêt de la CJCE, on peut noter que la Cour fait donc, sans rentrer dans un véritable contrôle de l'application du principe, une clarification du domaine d'applicabilité de la subsidiarité, s'inscrivant ainsi dans la logique de sa jurisprudence et des textes. A la suite de cet examen réalisé par le juge communautaire, il ne lui restait plus qu'à savoir si la directive a été adoptée en conformité avec le principe de subsidiarité. [...]
[...] La Cour ne va donc pas à l'encontre du principe de proportionnalité et va même l'intégrer dans son appréciation. De plus, comme le souligne la doctrine, ce contrôle d'intensité que réalise la Cour n'a pas dissuadé les auteurs du projet de Traité Constitutionnel d'instaurer un contrôle politique de la subsidiarité. En effet, ce projet reprend à son compte la mise en place d'un contrôle politique a priori de la subsidiarité. A titre d'exemple, le protocole qui lui est annexé vient créer un système d'alerte précoce en faveur des parlements nationaux à l'égard de tout projet d'acte législatif européen. [...]
[...] Cependant, bien que ce principe semble clair, il n'en demeure pas moins ambigu puisque, comme le décrivent J. Rossetto et A. Berramdane dans leur manuel de Droit Communautaire, l'article 5 TCE ajouté au protocole laisse imaginer une subsidiarité ascendante aussi bien qu'une subsidiarité descendante Autrement dit l'extension de l'action communautaire est plus ou moins limitée suivant l'appréciation que l'on fait de ce principe, et la jurisprudence de la CJCE se devait d'être sensible à ce problème d'ambiguïté. Elle a donc été prudente en se réservant d'une appréciation trop large de ce principe, d'autant plus que ce dernier a une dimension relativement politique. [...]
[...] Néanmoins, il est difficile de se prononcer sur l'impact de ces multiples dispositions, puisque l'avenir de ce projet semble actuellement compromis. Tout ce que l'on peut affirmer, c'est que l'évolution jurisprudentielle consacrée par l'arrêt du 10 décembre 2002 démontre l'accroissement du rôle du juge communautaire. En abandonnant son contrôle minimal au profit d'un contrôle normal, la CJCE vient s'immiscer dans l'exercice du pouvoir législatif communautaire. [...]
[...] I - La confirmation logique de la place éminente du principe de subsidiarité au sein du système juridique communautaire Cette décision de 2002 va tout d'abord montrer, dans la continuité de la jurisprudence communautaire, la nécessité de la subsidiarité dans la CE tout en venant clarifier le domaine d'application du principe A - L'affirmation par la Cour de la nécessité du principe de subsidiarité dans la Communauté Européenne Le principe de subsidiarité connaît une place prépondérante dans le système juridique communautaire comme l'atteste bon nombre de décisions. Mais dès l'origine de la Communauté, l'article 308 TCE laisse entendre que l'action de la CE se justifie dès lors qu'elle sera plus adaptée, plus efficace que celle des Etats membres. L'article 5 vient donner la définition du principe de subsidiarité, et la décision de 2002 n'hésite pas à la rappeler (notamment dans son considérant 177). [...]
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