Le 23 novembre 1995, le roi du Maroc adresse au ministre des affaires étrangères français, une lettre dans laquelle il demande des poursuites pénales contre le journal Le Monde. Cette demande est ensuite transmise au ministre de la justice qui saisit alors le parquet de Paris. M. Colombani (directeur de la publication du quotidien Le Monde, et l'auteur de l'article mis en cause, M Incyan, furent cités à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris, pour offense proférée à l'encontre d'un chef d'Etat étranger. Le 5 juillet 1996, le tribunal correctionnel de Paris relève que le journaliste « s'est borné à citer sans attaque gratuite ni déformation ou interprétation abusive les extraits d'un rapport dont le sérieux n'était pas contesté », et estime que le journaliste a donc poursuivi un but légitime et a agit de bonne foi. Le tribunal relaxe ainsi M. Incyan et M. Colombani.
Les requérants se sont alors adressés à la Cour Européenne des Droits de l'Homme, qui a statué le 25 juin 2002. Les requérants soutiennent alors que l'ingérence dans le droit à la liberté d'expression que constitue l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881 n'empêcherai pas toutes critiques envers un chef d'état étranger, quant à la politique qu'il mène. Ainsi, utilisé autrement, cet article ferait primer le prestige de la fonction ou du titre par rapport à la liberté de communication sur des sujets d'intérêt général. Ils ajoutent qu'ils n'étaient pas tenus d'effectuer des investigations complémentaires avant de publier un résumé d'un rapport établi par ou à la requête des autorités publiques.
Ainsi, il se pose ici deux problèmes principaux : quelle est la garantie du droit à la liberté d'expression face au délit d'offense à un chef d'Etat étranger ? Et quelle est la place des jugements de la CEDH face aux jugements des juridictions nationales ?
[...] Le 5 juillet 1996, le tribunal correctionnel de Paris relève que le journaliste s'est borné à citer sans attaque gratuite ni déformation ou interprétation abusive les extraits d'un rapport dont le sérieux n'était pas contesté et estime que le journaliste a donc poursuivi un but légitime et a agit de bonne foi. Le tribunal relaxe ainsi M. Incyan et M. Colombani. Le roi du Maroc et le ministère public interjetèrent appel, et le 6 mars 1997, la cour d'appel de Paris déclare M. Colombani et M. [...]
[...] Une des trois conditions à l'ingérence n'est pas démontrée, l'ingérence n'est donc pas justifiée, ce qui montre que les trois conditions sont cumulatives. Ici, la CEDH rend donc une décision opposée aux juridictions nationales, en affirmant l'importance du droit à la liberté d'expression et en posant des limites à la possibilité de l'ingérence des états dans ce droit. L'état condamné est obligé de se conformer à cette décision de la CEDH. De plus, comme nous l'avons vu en les juridictions nationales vont désormais statuer dans le sens de la CEDH, concernant des affaires similaires, allant jusqu'à citer la CESDH pour rendre leur décision. [...]
[...] Suite à l'arrêt CEDH 25 juin 2002, le législateur français a réagit : article 36 de la loi du 29 juillet 1881 est abrogé par loi du 9 mars 2004. De plus, la cour de cassation en chambre mixte novembre 2004, sur le fondement de l'article 10 CESDH a énoncée que : la protection de la réputation d'autrui est assurée par l'incrimination de la diffamation ne devait pas empêcher la nécessaire libre discussion de l'aptitude d'un homme politique à exercer les fonctions pour lesquelles il se présente au suffrage des électeurs Enfin, en doctrine on s'interroge sur la valeur actuelle du délit d'offense à chef d'état étranger, et il se pose par exemple la question suivante : Le délit d'offense à chef d'état étranger est-il devenu archaïque ? [...]
[...] Il a certes droit à voir protéger sa réputation, même en dehors du cadre de sa vie privée, mais les impératifs de cette protection doivent être mis en balance avec les intérêts de la libre discussion des questions politiques, les exceptions à la liberté d'expression appelant une interprétation étroite (voir, notamment, Oberschlick c. Autriche (no arrêt du 23 mai 1991, série A no 204, pp. 25-26, 57-59, et Vereinigung demokratischer Soldaten Österreichs et Gubi c. Autriche, arrêt du 19 décembre 1994, série A no 302, p 37) Par ailleurs, la nécessité d'une quelconque restriction à l'exercice de la liberté d'expression doit se trouver établie de manière convaincante. [...]
[...] Ainsi, la Cour estime que Le Monde pouvait raisonnablement s'appuyer sur le rapport de l'OGD, sans avoir à vérifier lui-même l'exactitude des faits qui y étaient consignés. Elle n'aperçoit aucune raison de douter que les requérants ont agi de bonne foi à cet égard et estime donc que les motifs invoqués par les juridictions nationales ne sont pas convaincants De plus, la Cour souligne qu'en l'espèce les requérants ont été sanctionnés car l'article portait atteinte à la réputation et aux droits du roi du Maroc. [...]
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