Commentaire d’arrêt, Allenet de Ribemont, France, Cour européenne des droits de l’Homme, 10 février 1995, CEDH, la présomption d’innocence, article 6-2
En l'espèce, M. Allenet de Ribemont a été interpellé et placé en garde à vue en 1976 dans le cadre d'une affaire relative à l'assassinat d'un député. Mais lors d'une conférence de presse diffusée à la télévision, le ministre de l'Intérieur accompagné de deux fonctionnaires de police chargés de conduire les investigations ont été sollicités sur cette affaire. Ils ont alors déclaré la culpabilité du mis en cause. Ce dernier a, par la suite, été inculpé de complicité d'assassinat, mais a bénéficié d'un non-lieu le 21 mars 1980. Il a alors intenté une action en réparation pour le préjudice découlant des déclarations faites par les autorités publiques.
[...] Ces jurisprudences traduisent bien de la dimension extraprocédurale de la présomption d'innocence. Dès lors la conception française de cette dernière, se cantonnant à sa dimension procédurale, apparaît comme insuffisante. La présomption d'innocence était donc initialement considérée comme une simple garantie procédurale. Mais la CEDH a peu à peu élargi son champ d'application, pour finalement la doter d'une nouvelle facette : celle de droit subjectif. II La consécration du droit au respect de sa présomption d'innocence Pour consacrer le droit au respect de la présomption d'innocence, la CEDH élargit l'application de l'article 6-2 de la Convention et condamne le conditionnement de ce droit opéré par le gouvernement français A L'interprétation extensive de l'article 6-2 par la CEDH La France considère donc qu'une atteinte à la présomption d'innocence ne peut apparaître que dans le cadre d'un procès pénal. [...]
[...] Afin de retracer le raisonnement de la Cour européenne, il conviendra d'abord d'observer que la présomption d'innocence a plusieurs visages pour ensuite étudier la consécration du droit au respect de cette présomption (II). I L'émergence d'un second aspect de la présomption d'innocence Outre la dimension procédurale de la présomption d'innocence émerge un nouvel aspect de celle-ci hors du cadre du procès pénal A La présomption d'innocence en tant que garantie procédurale La Commission a considéré que la présomption d'innocence constituait avant tout une garantie de caractère procédurale en matière pénale En effet, à l'origine de la présomption d'innocence se trouve la volonté de favoriser celui qui fait l'objet de poursuites. [...]
[...] Le respect de sa présomption d'innocence apparaît alors comme un droit subjectif. Ainsi, chaque individu doit être présumé innocent tant que sa culpabilité n'a pas été établie, non seulement par les juges, mais aussi par toute la société. En effet en l'espèce, la déclaration publique de culpabilité faite par le ministre de l'Intérieur a influencé l'opinion publique, et incité les officiers chargés de l'affaire à considérer le mis en cause comme coupable. Dès lors sa présomption d'innocence a été neutralisée par les propos de l'autorité publique. [...]
[...] À ce propos la Cour précise que la présomption est méconnue lorsque la motivation de la décision donne penser que le juge considère l'intéressé comme coupable B La présomption d'innocence hors du cadre strict du procès pénal La France ne considère la présomption d'innocence que dans le cadre du procès pénal. En effet elle estime qu'une atteinte à la présomption d'innocence ne peut [ ] se révéler qu'à l'issue de la procédure qu'en cas de condamnation si la motivation du juge permet de supposer que celui-ci considérait a priori l'intéressé comme coupable Mais la Commission pour retenir la requête, après avoir réaffirmé le caractère procédural de la présomption d'innocence, a précisé que sa portée [était] plus étendue Dans ce sens, la CEDH signifie que le champ d'application de l'art 6-2 ne se limite pas à l'hypothèse avancée par le Gouvernement Elle a ainsi pu appliquer ledit article alors que les juridictions nationales avaient clôturé les poursuites pour cause de prescription (Minelli c/Suisse 1983). [...]
[...] - Article 9 de la DDHC de 1789. Cet article démontre l'ancienneté du principe de présomption d'innocence en France. Bien que considérée comme un principe fondamental, l'application qu'en fait la France a été vivement critiquée par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), notamment dans sa décision Allenet de Ribemont c/France de 1995. En l'espèce, M. Allenet de Ribemont a été interpellé et placé en garde à vue en 1976 dans le cadre d'une affaire relative à l'assassinat d'un député. [...]
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