L'arrêt Al-Adsani contre Royaume-Uni rendu par la Cour Européenne des Droits de l'Homme le 21 novembre 2001, oppose M. Sulaiman Al-Adsani au Royaume-Uni, et fait suite aux jugements rendus préalablement par la juridiction britannique. En août 1992, M. Al-Adsani, possédant la double nationalité britannique et koweitienne, assigna en Angleterre un cheikh koweitien et l'État du Koweït en dommages-intérêts pour atteinte à son intégrité physique et mentale causée par des actes de torture. Cependant, après plusieurs jugements, le requérant se vit refuser le jugement de l'État du Koweït, celui-ci étant protégé par son immunité de juridiction. M. Al-Adsani saisit alors la Cour Européenne des Droits de l'Homme en 1997, alléguant que le Royaume-Uni, en accordant l'immunité de juridiction au Koweït, avait violé les articles 3 et 13 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (relatifs à l'interdiction de la torture et au droit à un recours effectif dans le cas où, d'après la Cour, les actes de torture auraient été perpétrés dans la juridiction nationale, voire par les autorités nationales), et l'article 6 §1 qui nous intéresse ici. Le Royaume-Uni en revanche, niait l'applicabilité de ces articles, et quand bien même ils seraient applicables, soutenait, concernant l'article 6 §1, que celui-ci ne pouvait empêcher un État d'accorder l'immunité à un autre. Un des problèmes soulevés est en effet celui de la compatibilité ou non de l'article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme avec le principe d'immunité de juridiction des États en cas de violation d'une norme impérative du droit international. D'une part, l'article 6 §1 consacre le "droit à ce que [la cause de toute personne] soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial…" (et ici ce que le requérant met en cause c'est le droit en lui-même d'avoir accès à un tribunal, non les diverses conditions précisées dans l'article); tandis que l'immunité de juridiction, établie par la coutume internationale et par une loi au Royaume-Uni, la loi de 1978 sur l'immunité des États, permet à un État de ne pas être jugé par la juridiction nationale d'un autre État. Ce principe d'immunité de juridiction est fondé sur le respect de la souveraineté des États, aspect essentiel en droit international et pour les relations internationales: les États étant tous égaux et souverains, ils ne peuvent se juger entre eux et soumettre un autre État à leur règle, ou pour reprendre l'expression latine, par in parem non habet imperium. L'article 6 §1 et l'immunité de juridiction des États entrent donc en conflit lorsqu'une personne, comme c'est le cas dans l'affaire Al-Adsani c. Royaume-Uni, assigne dans un pays un autre État en justice. La Cour Européenne des Droits de l'Homme confirme dans l'arrêt que l'immunité accordée à un État, en tant que "barrière procédurale", constitue un "obstacle" à l'application de l'article 6 §1, mais conclut cependant que le Royaume-Uni n'avait pas violé l'article 6 §1 en accordant l'immunité de juridiction au Koweït, confortant ainsi le principe d'immunité de juridiction des États.
Le raisonnement et la solution de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, exposés dans une première partie, sont à la fois confortés et critiqués par les arguments présentés dans la deuxième partie.
[...] Le droit international a besoin de règles fondatrices, telles que le respect de la souveraineté à laquelle l'immunité des États participe, et encore une fois, des progrès prudents et graduels sont sans doute préférables à des avancées audacieuses qui nuiraient à la stabilité internationale. Critiques de la solution de la Cour La décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme selon laquelle il n'y a pas eu violation de l'article 6 et donc qui préserve l'immunité de juridiction des États, a été adoptée de justesse. Les voix dissidentes, ainsi que d'autres commentateurs, ont relevé les défauts de la solution adoptée. [...]
[...] Royaume-Uni, assigne dans un pays un autre État en justice. La Cour Européenne des Droits de l'Homme confirme dans l'arrêt que l'immunité accordée à un État, en tant que "barrière procédurale", constitue un "obstacle" à l'application de l'article 6 mais conclut cependant que le Royaume-Uni n'avait pas violé l'article 6 en accordant l'immunité de juridiction au Koweït, confortant ainsi le principe d'immunité de juridiction des États. Le raisonnement et la solution de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, exposés dans une première partie, sont à la fois confortés et critiqués par les arguments présentés dans la deuxième partie. [...]
[...] La Cour Européenne des Droits de l'Homme s'en tient donc à l'état actuel de la situation et conclut qu'un État peut se prévaloir de son immunité de juridiction dans le cadre d'une procédure civile pour dommages- intérêts même dans le cas d'une violation de norme de jus cogens. Ainsi, le Royaume-Uni n'a pas violé l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Lecture a contrario Comme on le voit dans le raisonnement suivi par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, il existe une distinction entre procédure civile à l'encontre d'un État, et procédure pénale à l'encontre d'un individu. Une lecture a contrario de l'arrêt Al-Adsani c. [...]
[...] La Cour Européenne des Droits de l'Homme, se basant sur de nombreux textes de droit international et de nombreux précédents, reconnaît dans son arrêt Al-Adsani c. Royaume-Uni que l'interdiction de la torture est désormais une norme impérative du droit international. Malgré cela, comme l'indique son jugement, les États restent protégés par leur immunité ratione personae. Il existe en effet deux sortes d'immunité de juridiction en droit international: l'immunité ratione personae, et l'immunité ratione materiae. L'immunité ratione materiae, littéralement "à raison de la nature", s'applique à des individus agents d'un État et protège leurs actes accomplis au nom de celui-ci. [...]
[...] Royaume-Uni, Cour Européenne des Droits de l'Homme L'arrêt Al-Adsani contre Royaume-Uni rendu par la Cour Européenne des Droits de l'Homme le 21 novembre 2001, oppose M. Sulaiman Al-Adsani au Royaume-Uni, et fait suite aux jugements rendus préalablement par la juridiction britannique. En août 1992, M. Al-Adsani, possédant la double nationalité britannique et koweitienne, assigna en Angleterre un cheikh koweitien et l'État du Koweït en dommages-intérêts pour atteinte à son intégrité physique et mentale causée par des actes de torture. Cependant, après plusieurs jugements, le requérant se vit refuser le jugement de l'État du Koweït, celui-ci étant protégé par son immunité de juridiction. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture