Nicole Coutrelis, dans son article Amendes, procédures, antitrust et CEDH, affirmait que, « dans la droite ligne d'une jurisprudence qui a toujours été respectueuse des droits fondamentaux, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne la plus récente montre clairement la prise en compte de plus en plus affirmée de l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le droit primaire de l'Union européenne ainsi que de l'adhésion prochaine de l'Union à la Convention européenne des droits de l'Homme. Il convient donc de s'attendre à ce que les futurs recours à la Cour européenne de Justice des droits de l'Homme, contre l'Union Européenne, aient pour résultat plutôt l'affirmation d'une harmonie déjà existante que la confrontation que certains voient ou souhaitent ». Il est possible de ressentir les prémices de cette harmonisation dans l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne, le 22 décembre 2010 (affaire C-279/09), dans lequel la Cour, qui est appelée à apprécier pour la première fois la conformité d'un mécanisme d'aide judiciaire, se fonde, pour se faire, aussi bien sur la CEDH que sur la Charte des droits fondamentaux.
Les faits de l'espèce étaient simples. Deutsche Energiehandels und Beratunsgsgesellshaft (DEB), une entreprise allemande, souhaitait engager une action en responsabilité contre la République fédérale d'Allemagne. La requérante estimait en effet que le retard dans la mise en oeuvre des dispositions prévoyant l'accès sans discrimination aux réseaux nationaux de gaz (directives 98/30/CE et 2003/55/CE) a été de nature à l'empêcher de profiter des 3,7 milliards d'euros dont elle aurait bénéficié si elle avait pu satisfaire aux contrats de livraison de gaz conclus avec les fournisseurs. Le non respect par la République fédérale d'Allemagne du délai de transposition de la directive 98/30 avait d'ailleurs déjà été constaté par la Cour à l'occasion d'un arrêt en manquement (CJUE, 1er avril 2004, Commission/ Allemagne, C-64/03). Or, au moment de l'introduction de son action en justice, DEB n'a ni salarié, ni patrimoine. Ainsi, afin de mener son action à bien, et faute de moyens financiers suffisants, DEB, qui ne peut s'acquitter ni de la taxe imposée par l'article 12, paragraphe 1 du GKG, qui s'élevait en l'espèce à 274 368 euros, ni des frais d'avocat, dont le ministère est obligatoire, a demandé à bénéficier de l'aide judiciaire (...)
[...] Deutsche Energiehandels und Beratunsgsgesellshaft une entreprise allemande, souhaitait engager une action en responsabilité contre la République fédérale d'Allemagne. La requérante estimait en effet que le retard dans la mise en œuvre des dispositions prévoyant l'accès sans discrimination aux réseaux nationaux de gaz (directives 98/30/CE et 2003/55/CE) a été de nature à l'empêcher de profiter des 3,7 milliards d'euros dont elle aurait bénéficié si elle avait pu satisfaire aux contrats de livraison de gaz conclus avec les fournisseurs. Le non respect par la République fédérale d'Allemagne du délai de transposition de la directive 98/30 avait d'ailleurs déjà été constaté par la Cour à l'occasion d'un arrêt en manquement (CJUE, 1er avril 2004, Commission/ Allemagne, C-64/03).Or, au moment de l'introduction de son action en justice, DEB n'a ni salarié, ni patrimoine. [...]
[...] SI donc certains pouvaient craindre que le recours à la Charte vise à étendre les compétences de la Cour, il n'en est rien en l'espèce. En effet, la Charte n'apporte, in fine, pas d'élément essentiel au raisonnement de la Cour. Une simple appréciation au regard des principes généraux du droit de l'Union et de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg aurait permis d'aboutir à un résultat identique. Ainsi, faute de solution plus innovante, au moment ou la quasi-totalité des Etats européens annoncent une baisse ou une limitation du budget de l'aide juridictionnelle, les citoyens sauront se prévaloir du principe d'effectivité pour continuer à accéder à la justice et à défendre ce qu'ils estiment être leurs droits. [...]
[...] En matière civile, le droit allemand prévoit que le paiement de la taxe de procédure est un préalable à la notification sur requête. Or, l'article 116 du Code de procédure civile (ZPO) conditionne l'octroi de l'aide judiciaire, pour les personnes morales, à la satisfaction d'un double critère: celles-ci doivent non seulement se trouver dans l'incapacité de faire face aux frais de justice, mais il faut aussi qu'il soit contraire à des intérêts généraux de renoncer à l'action ou à la défense en justice (point 11). [...]
[...] II- Une limitation justifiée: la reconnaissance prématurée du caractère contraignant de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Dans son arrêt du 22 décembre 2010, la Cour reconnait le caractère contraignant de la Charte, bien que celle-ci reste subordonnée à sa conformité à la CEDH Ce fait est particulièrement innovant puisque, à la date des faits, le traité de Lisbonne, accordant à la charte la même valeur juridique que les traités, n'était pas encore entrée en vigueur. Une véritable harmonisation des sources du droit de l'Union européenne? [...]
[...] Comme le souligne M. Paolo Mengozzi, dans ses conclusions d'avocat général, la jurisprudence nationale relative à l'article 116, paragraphe 2 de la ZPO tend, en fait, à lutter contre des actions abusives qui pourraient éventuellement être intentées par des personnes morales poursuivant un but lucratif et dont l'unique but de la constitution serait d'engendrer un certain profit du seul fait de l'action procédurière. Dans ces conditions, devoir assurer à de telles entités juridiques un accès effectif à un tribunal, quitte à en faire supporter le prix à la collectivité, et même au nom de l'effectivité du droit de l'Union, ne me semble pas pourvoir être exigé de nos Etats membres En effet, rappelons tout de même que la demande de la DEB s'élevait à plus de 3,7 milliards d'euros Avec cette limitation octroyée aux personnes morales poursuivant un but lucratif, le gouvernement allemand cherche donc, en réalité, à lutter contre les actions abusives de ces dernières. [...]
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