Dans cette affaire, Monsieur Berlusconi et deux autres personnes étaient poursuivis devant les tribunaux italiens pour présentation de faux comptes. D'après la loi italienne, leurs délits étaient soumis à une prescription de dix ans et ils encouraient 2 à 5 ans de prison et 2 à 20 millions de lires d'amende (1000 à 10 000 euros). Par une heureuse coïncidence, un décret législatif du Président de la République Italienne , adopté quelques temps après que M. Berlusconi était devenu Président du Conseil italien, apportait des modifications à la loi concernant ce genre de délits (notamment en réduisant les délais de prescription) et avait pour conséquence d'éviter à M. Berlusconi et aux autres toutes sanctions pénales. Le droit de l'Union intervient dans cette affaire via les directives « Sociétés ». En effet, celles-ci visent à harmoniser le droit des sociétés et plusieurs d'entre elles prévoient des règles sur la présentation des comptes annuels et leur publicité. Elles imposent aussi aux Etats de prévoir des sanctions appropriées en cas de violation de ces règles une fois transposées. Au vu de ces faits, les juges italiens en charge du litige ont demandé à la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) si le nouveau décret législatif du Président était compatible avec le droit communautaire, notamment au regard des directives « sociétés » et l'article 10 TCE, c'est à dire le principe de coopération loyale des Etats membres. L'objectif de ce renvoi préjudiciel était de pouvoir écarter l'application du nouveau décret législatif pour pouvoir poursuivre Silvio Berlusconi. Cette affaire, très médiatisée, a donc une teneur hautement politique mais la Cour essaie de ne pas trop s'avancer sur ce plan.
Il y a en fait trois affaires jointes dans cet arrêt et les différentes questions préjudicielles intéressantes peuvent être résumées ainsi :
- Eu égard à l'obligation s'imposant à tous les États membres d'adopter des « sanctions appropriées » pour les violations prévues par les directives « sociétés », lesdites directives doivent-elles être interprétées en ce sens que leurs dispositions s'opposent à une loi d'un État membre qui, modifiant le régime de sanctions précédemment en vigueur en matière d'infractions au droit des sociétés, sous l'angle de la violation des obligations imposées aux fins de la protection du principe de la publicité et de la fidélité des informations concernant les sociétés, prévoit un système de sanctions ne répondant pas concrètement aux critères tirés du caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions qui président à cette protection?
Le Cour traite en premier lieu du caractère approprié des sanctions pour violation des dispositions transposant une directive. La Cour ne s'étend pas sur ce point bien qu'elle est été attendue sur ce sujet et que l'Avocat Général Mme Kokott le développe largement dans ses conclusions en donnant des lignes directrices pour aider les juges nationaux à déterminer si une sanction est appropriée ou pas. La Cour rappelle sa jurisprudence Maïs Grecs selon laquelle les Etats Membres ont le choix des sanctions pour violation du droit communautaire mais ils doivent veiller à ce que ces sanctions soient appropriées, c'est-à-dire qu'elles soient équivalentes à celles retenues pour la violation du droit national et qu'elles aient un caractère « effectif, proportionné et dissuasif » . En l'espèce, l'avocat général détaille ce dernier point et émet de sérieux doutes quant à l'effectivité du nouveau régime de sanctions. Mais la Cour ne se prononce pas et semble laisser l'appréciation aux tribunaux nationaux.
Au delà de cette déception sur l'absence d'explications sur les sanctions « appropriées », l'arrêt met en évidence les rapports entre le droit communautaire et le droit pénal des Etats Membres, une question délicate mais qu'il faut indispensablement régler au vu des avancées de l'UE dans ce domaine. Néanmoins, la Cour comme nous l'expliquerons plus tard n'a pas semblé prête à régler ce problème, et à éviter de traiter ces rapports de front en établissant une hiérarchie (alors que l'avocat général n'a pas hésité à la faire, au profit du droit communautaire).
La Cour décide finalement que le nouveau décret législatif doit être maintenu et doit s'appliquer à l'espèce pour deux raisons : l'effet limité des directives en matière pénale (I) et l'application du principe de rétroactivité de la loi pénale la plus douce (II).
[...] Par une heureuse coïncidence, un décret législatif du Président de la République italienne[1], adopté quelque temps après que M. Berlusconi était devenu Président du Conseil italien, apportait des modifications à la loi concernant ce genre de délits (notamment en réduisant les délais de prescription) et avait pour conséquence d'éviter à M. Berlusconi et aux autres toutes sanctions pénales. Le droit de l'Union intervient dans cette affaire via les directives Sociétés En effet, celles-ci visent à harmoniser le droit des sociétés et plusieurs d'entre elles prévoient des règles sur la présentation des comptes annuels et leur publicité. [...]
[...] Dubos, Affaire Berlusconi une directive ne saurait aggraver la responsabilité pénale des particuliers, Sem. Jur. Ed. Gen. février 2006, II 10020 Arrêt Berlusconi, point 71 CJCE mai 2006, aff. jtes C-23/03, C-52/03, C-133/03, C-337/03 et 473/03, Mulliez et a., Momblano, Nizza et Pizzi, Barra, Agio et a. [...]
[...] On voit clairement ici la violation du principe de légalité, un principe d'ailleurs reconnu par la Cour de Justice comme principe général du droit communautaire sur le fondement des traditions constitutionnelles communes aux Etats Membres et de l'article 7 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). La Cour utilise ce principe en l'espèce pour écarter l'invocation des directives sociétés à l'encontre de M. Berlusconi et ses confrères. En effet, si la Cour décidait de juger le nouveau décret législatif contraire à ces directives, il faudrait alors que les juridictions italiennes l'écartent au profit de l'ancienne loi et donc le régime plus sévère. M. [...]
[...] L'objectif de ce renvoi préjudiciel était de pouvoir écarter l'application du nouveau décret législatif pour pouvoir poursuivre Silvio Berlusconi. Cette affaire, très médiatisée, a donc une teneur hautement politique, mais la Cour essaie de ne pas trop s'avancer sur ce plan. Il y a en fait trois affaires jointes dans cet arrêt et les différentes questions préjudicielles intéressantes peuvent être résumées ainsi : - Eu égard à l'obligation s'imposant à tous les États membres d'adopter des sanctions appropriées pour les violations prévues par les directives sociétés lesdites directives doivent-elles être interprétées en ce sens que leurs dispositions s'opposent à une loi d'un État membre qui, modifiant le régime de sanctions précédemment en vigueur en matière d'infractions au droit des sociétés, sous l'angle de la violation des obligations imposées aux fins de la protection du principe de la publicité et de la fidélité des informations concernant les sociétés, prévoit un système de sanctions ne répondant pas concrètement aux critères tirés du caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions qui président à cette protection? [...]
[...] Mais la Cour ne se prononce pas et semble laisser l'appréciation aux tribunaux nationaux. Au-delà de cette déception sur l'absence d'explications sur les sanctions appropriées l'arrêt met en évidence les rapports entre le droit communautaire et le droit pénal des Etats Membres, une question délicate, mais qu'il faut indispensablement régler au vu des avancées de l'UE dans ce domaine. Néanmoins, la Cour comme nous l'expliquerons plus tard n'a pas semblé prête à régler ce problème, et à éviter de traiter ces rapports de front en établissant une hiérarchie (alors que l'avocat général n'a pas hésité à la faire, au profit du droit communautaire). [...]
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