La Déclaration Schuman du 9 mai 1950 affirmait déjà : la Communauté « ne se construira que par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait, et par l'établissement de bases communes de développement économique ». Cette dernière inspira clairement le 4ème alinéa du Préambule du Traité CECA signé à Paris le 18 avril 1951. L'article 13 du Traité instituant la Communauté Européenne (ci-après TCE) a été inséré dans le traité le 2 octobre 1997 par le Traité d'Amsterdam.
Il offre la possibilité au Conseil de l'Union d'adopter des mesures destinées à lutter contre certaines formes préétablies de discriminations. Il dispose « Sans préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des compétences que celui-ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ». Cependant, son apparition en droit primaire ne laissait pas penser à un développement rapide et incisif. Certains auteurs de doctrine voyaient en lui un « géant endormi » pour imager son excellente ambiguïté. Il s'est révélé en pratique comme étant une norme véritablement redoutable. Elle a donné naissance à une prérogative d'action communautaire dans la lutte contre les discriminations.
M. Edouard Dubout considère que l'article 13 du traité CE donne « naissance à ce qui est certainement conduit à devenir un des piliers de l'Europe sociale ». Il est vrai que par cet article, la construction européenne touche des domaines plus sociaux. De plus, son contenu reflète directement ou indirectement le droit à l'égalité. Cela appelle ainsi un renforcement du standard européen de protection contre les discriminations.
L'intérêt du sujet est relativement compréhensible. Il s'agit de concilier en droit deux facteurs : celui de la construction européenne et celui de la protection du principe d'égalité, largement renforcé depuis l'étendue du concept de citoyenneté.
L'article 13 du traité CE paraît neutre dans sa rédaction. Cependant, il convient de souligner sa singularité à la suite de son classement au sein du droit primaire. En effet, inséré dans les premières dispositions, sa place démontre son caractère fondamental. Ce seront les directives, donc le droit dérivé, qui en préciseront sa mise en œuvre.
Les fondateurs du traité de Rome avaient pour objectif la création de solidarité économique. Le traité d'Amsterdam innove et insère l'article 13 du traité CE. Il est opportun de se demander si ce dernier ne constituerait pas le fondement au niveau européen d'une nouvelle forme de solidarité. Il amorce ainsi le dépassement d'une Europe uniquement économique et annonce l'étape d'une Europe plus sociale.
Par son ambiguïté, certains commentateurs se sont demandés quelle était la portée effective de l'article 13 du traité CE. Il est donc question de savoir quelles sont les perspectives de l'article 13 du traité CE ?
Pour cela, nous verrons que l'article 13 du traité CE peut paraître spécifique et limité (I). Cependant une lecture audacieuse et dynamique peut pallier à cela (II).
[...] A l'origine, les États membres ont entendu encadrer strictement le recours par le législateur communautaire à la base juridique de l'article 13 du traité CE. À l'inverse, il en découla une utilisation extensive du recours à la clause. La clause de lutte contre les discriminations énonce clairement que ses dispositions ne sont susceptibles d'être utilisées " sans préjudice des autres dispositions du traité". Le conflit de base juridique est incontournable dans la mesure où l'article 13 du traité CE a pour vocation d'être mis en oeuvre dans des domaines où il existe déjà un autre titre à agir. [...]
[...] À ce stade du raisonnement, il ne semble pas inopportun de rappeler que la priorité première du droit communautaire n'est pas la défense des droits de l'homme, mais la protection des libertés économiques fondamentales et l'attribution de droits sociaux. La protection des droits de l'homme semble donc être une prérogative relevant de la compétence de la cour européenne des droits de l'homme (CEDH). En effet, cette dernière dispose d'un arsenal juridique nécessaire pour agir et lutter contre les discriminations. Il est à noter que l'article 14 de la CEDH a largement inspiré la rédaction de l'article 13 du traité CE. L'article 14 de la CEDH prévoit une prohibition de portée générale. [...]
[...] Une approche audacieuse surmontant la lecture stricte de l'article 13 du TCE La clause de lutte contre les discriminations manque de clarté comme cela a été expliqué auparavant. Cependant, ce manque de transparence autorise par la même des analyses audacieuses qui dépassent la stricte lettre du traité. L'action des institutions communautaires va donc agir pour pallier au texte sclérosé et pour ainsi parvenir à une égalité A. L'action des institutions communautaires : l'adoption des directives En fixant un objectif ambitieux, l'article 13 du traité CE incite les institutions communautaires à puiser dans le traité les ressources nécessaires pour l'atteindre, y compris par l'adoption de directives qui appliquent le principe de non-discrimination Ces directives ont à maintes reprises fait l'objet de critique relevant surtout de leur nature. [...]
[...] Selon l'article 2 paragraphe 2 des deux directives une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l'un des motifs visés à l'article 1 La discrimination indirecte est définie comme se produisant lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnée, par rapport à d'autres personnes Contrairement à la première discrimination, cette pratique peut être objectivement justifiée par un objectif légitime. Les moyens de le réaliser doivent être appropriés et nécessaires (en l'occurrence, la directive 97/80 relative à la charge de la preuve permet un allègement de la charge de la preuve du demandeur). Ainsi, les directives semblent préciser et compléter les dispositions de l'article 13 du traité CE. Il paraît nécessaire de s'interroger sur la faculté des particuliers à s'en prévaloir directement devant un juge national. [...]
[...] Le juge national devra donc interpréter le droit national de façon à ce que la directive puisse indirectement s'appliquer et conférer des droits aux particuliers dans un rapport horizontal, même si elle n'a pas été transposée. Ainsi par cette méthode, les directives sont invocables par les particuliers indirectement à travers la loi nationale et semble rendre toute l'efficacité au droit communutaire. Cependant, l'interprétation conforme ne peut pas toujours avoir lieu. Elle dépasse le rôle habituel du juge et s'apparente plus à celle du législateur. [...]
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