Après l'Appel du 18 juin 1940, le discours du 16 juin 1946 est l'un des plus importants discours du général de Gaulle. Le lieu et le moment sont également symboliques. Bayeux est la première ville libérée par les alliés, celle que visita aussitôt le Général, et dont l'accueil enthousiaste confirma la légitimité de son combat et de son Gouvernement. De Gaulle a gardé le silence depuis sa démission de la présidence du Gouvernement, le 20 janvier précédent. Le projet élaboré par la première Constituante a été rejeté par le peuple français le 5 mai. La France se trouve sans Gouvernement : Félix Gouin a démissionné à son tour. Une seconde Constituante va se réunir. C'est le moment que choisit de Gaulle pour exposer ses idées constitutionnelles - jusque-là assez imprécises - dans un discours de référence.
« Dans notre Normandie, glorieuse et mutilée, Bayeux et ses environs furent témoins d'un des plus grands événements de l'Histoire. Nous attestons qu'ils en furent dignes. C'est ici que, quatre années après le désastre initial de la France et des Alliés, débuta la victoire finale des Alliés et de la France. C'est ici que l'effort de ceux qui n'avaient jamais cédé et autour desquels s'étaient, à partir du 18 juin 1940, rassemblé l'instinct national et reformée la puissance française tira des événements sa décisive justification.
En même temps, c'est ici que sur le sol des ancêtres réapparut l'État ; l'État légitime, parce qu'il reposait sur l'intérêt et le sentiment de la nation ; l'État dont la souveraineté réelle avait été transportée du côté de la guerre, de la liberté et de la victoire, tandis que la servitude n'en conservait que l'apparence ; l'État sauvegardé dans ses droits, sa dignité, son autorité, au milieu des vicissitudes du dénuement et de l'intrigue ; l'État préservé des ingérences de l'étranger ; l'État capable de rétablir autour de lui l'unité nationale et l'unité impériale, d'assembler toutes les forces de la patrie et de l'Union française, de porter la victoire à son terme, en commun avec les Alliés, de traiter d'égal à égal avec les autres grandes nations du monde, de préserver l'ordre public, de faire rendre la justice et de commencer notre reconstruction. (...)"
[...] Or, si les grands courants de politique générale sont naturellement reproduits dans le sein de la Chambre des Députés, la vie locale, elle aussi, a ses tendances et ses droits. Elle les a dans la Métropole. Elle les au premier chef, dans les territoires d'outre-mer, qui se rattachent à l'Union française par des liens très divers. Elle les a dans cette Sarre à qui la nature des choses, découverte par notre victoire, désigne une fois de plus sa place auprès de nous, les fils des Francs. [...]
[...] Les règles fondamentales de la démocratie française sont donc maintenues. "Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés." : de bons esprits ont fait remarquer que la séparation des pouvoirs était un dogme caduc. S'il s'agit de nous apprendre qu'il n'y a pas séparation absolue des pouvoirs, mais qu'en fait comme en droit le pouvoir est " un je n'ai pas attendu ces bons esprits pour le savoir et l'ai même écrit avant eux. Mais ce que ces bons esprits ne disent pas, c'est que faute de séparation dans la nomination et l'organisation des différentes fonctions, suivies d'un partage dans les tâches, le régime vire à la dictature ; tout caduc qu'est le dogme de la séparation des pouvoirs, il faut cependant que les fonctions essentielles du pouvoir soient divisées, si l'on veut éviter l'arbitraire et tenter d'associer à la fois autorité et liberté. [...]
[...] En vérité, l'unité, la cohésion, la discipline intérieure du Gouvernement de la France doivent être des choses sacrées, sous peine de voir rapidement la direction même du pays impuissante et disqualifiée. Or, comment cette unité, cette cohésion, cette discipline, seraient-elles maintenues à la longue si le pouvoir exécutif émanait de l'autre pouvoir auquel il doit faire équilibre, et si chacun des membres du Gouvernement, lequel est collectivement responsable devant la représentation nationale tout entière, n'était, à son poste, que le mandataire d'un parti ? [...]
[...] L'article 3 de la Constitution désigne le titulaire de la souveraineté, organise son exercice et implique son caractère inaliénable. La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. Le titulaire de la souveraineté La formule complexe de l'article 3 ne peut être comprise qu'à la lumière de certaines dispositions de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. L'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme, qui dispose que le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation, Il établit ainsi une distinction fondamentale entre le principe ou l'essence de la souveraineté et son exercice. [...]
[...] Comment et pourquoi donc ont fini chez nous la Ière, la IIe, la IIIe République ? Comment et pourquoi donc la démocratie italienne, la République allemande de Weimar, la République espagnole, firent-elles place aux régimes que l'on sait ? Et pourtant, qu'est la dictature, sinon une grande aventure ? Sans doute, ses débuts semblent avantageux. Au milieu de l'enthousiasme des uns et de la résignation des autres, dans la rigueur de l'ordre qu'elle impose, à la faveur d'un décor éclatant et d'une propagande à sens unique, elle prend d'abord un tour de dynamisme qui fait contraste avec l'anarchie qui l'avait précédée. [...]
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