Nous entendrons ici par juge constitutionnel uniquement les Cours constitutionnelles. Selon nous, est juge constitutionnel tout juge qui sera amené à interpréter des dispositions de la Constitution. En effet, la justice constitutionnelle englobe tous les contentieux où un juge est amené à appliquer et à interpréter des dispositions constitutionnelles, quel que soit l'objet de son contrôle. Dès lors que le juge a le pouvoir d'invalider l'acte inférieur et/ou le pouvoir d'interprétation de la Constitution, il y a justice constitutionnelle. Ainsi, en France, la Cour de cassation et le Conseil d'état sont amenés à faire du contentieux constitutionnel. Cependant, pour des raisons pratiques liées à ce devoir, nous ne retiendrons que le contentieux relatif au contrôle de constitutionnalité des lois, par la juridiction de plus haut degré. Si l'on parle de pouvoir d'interprétation de ces juges, il faut encore savoir ce que l'on entend par cette notion d'interprétation. Le terme « interprétation » recouvre en réalité deux actions au statut juridique différent. Selon le doyen Favoreu , il désigne d'une part « une opération d'explication et d'analyse scientifique de la signification d'un texte », ce qui est pour lui le propre du travail doctrinal ; mais il désigne également « le fait qu'un organe applique un texte à un cas particulier ». Cette opération ressemble évidemment à la première, du fait que l'organe doit lui aussi analyser le texte, mais ce qui est visé dans ce second sens, c'est le fait que cet organe « concrétise une norme relativement plus générale par une norme relativement plus particulière ».
Dans notre sujet, nous retenons évidemment la seconde définition, puisqu'il s'agit de l'interprétation faite par un organe juridictionnel. Cependant, le terme « pouvoir » nous dirige vers une définition plus large que celle donnée par le doyen Favoreu. En effet, quand on parle de pouvoir d'interprétation du juge constitutionnel, on entend par là le fait qu'il soit créateur de norme, l'interprétation étant alors synonyme de création. Toute interprétation comporte un certain degré d'appréciation, donc de création. Pour Mauro Capelliti , « interpréter veut dire en vérité pénétrer les pensées, les inspirations, le langage d'autres personnes en vue de les comprendre et – pour le juge comme pour l'exécutant d'une œuvre musicale – les reproduire, en "faire application", "les exécuter dans un contexte nouveau et différent de temps et de lieu" ». Les mots ont une signification susceptible de changer et de poser des questions qui doivent être résolues par l'interprète. Ainsi, selon Lord Radcliffe , « il n'y a jamais eu de controverse plus stérile que celle touchant la question de savoir si le juge contribuait à créer le droit. Il est patent qu'il en est ainsi. Comment pourrait-il en être autrement ? »
Mais reconnaître qu'un certain degré de créativité est inhérent à toute interprétation ne signifie pas que l'on reconnaisse un pouvoir totalement discrétionnaire à l'interprète. Aussi, plutôt que de se demander si ce pouvoir d'interprétation existe, il convient de centrer notre étude sur la question de la légitimité. Le pouvoir d'interprétation du juge constitutionnel n'est-il pas une atteinte à l'Etat de droit et à la séparation des pouvoirs ?
Nous reviendrons tout d'abord sur les différentes théories de l'interprétation et si ce dernier est créateur de normes (I), car si l'existence de ce pouvoir d'interprétation n'est aujourd'hui plus contestée, il n'en a pas toujours été ainsi. Différents auteurs se sont opposés sur ce point, et l'étude de la jurisprudence nationale et étrangère des Cours constitutionnelles apporte des éléments de réponse à ce débat doctrinal.
Nous en conclurons alors que le pouvoir d'interprétation du juge constitutionnel existe bel et bien, mais il est plus ou moins important selon les pays. Se posera alors la question de la légitimité de ce pouvoir dans un Etat de droit (II), selon la conception présentée par Montesquieu de la séparation des pouvoirs, conception à la base de notre ordonnancement étatique.
[...] La suprématie de la Constitution était donc pure théorie. En effet, pendant longtemps, le contrôle de constitutionnalité de la loi par un juge a été refusé, par hostilité à une possible censure du législateur-souverain, et pour éviter que ce juge puisse, par son interprétation des textes, créer des normes alors que seul le législateur y est habilité. Il faut dire que les juges ne jouissaient pas d'une très bonne réputation. Aux yeux des philosophes des lumières, la magistrature est considérée comme le bastion de l'Ancien Régime, de l'intolérance religieuse et des privilèges. [...]
[...] Or, cette liberté fait polémique et montre à quel point l'interprétation du juge est influencée par les courants politiques et sociaux du moment. En effet, le droit à l'avortement est extrait du droit à la vie privée issue du XIVe amendement. C'est en 1973 que ce droit fût découvert, sous la jurisprudence Warren[17] : le droit à la vie privée inclut la décision d'avorter, mais ce droit n'est pas sans limites et il doit être envisagé au regard des intérêts importants que l'Etat possède à le réglementer. [...]
[...] La théorie réaliste de l'interprétation de Troper et ses critiques. Michel Troper s'inspire de la théorie pure du droit de Kelsen, et pousse la logique du maître de Vienne à ses extrêmes limites, jusqu'à le subvertir totalement Mais Troper s'inspire également de l'école réaliste américaine. La philosophie juridique de cette dernière veut qu'il faut faire du socio-judiciaire pour connaître les juges, dans la mesure où ce sont eux qui font le droit. Selon Troper, le texte ne dit rien de clair, seul le juge peut en définir le sens. [...]
[...] CAPPELLETTI Le pouvoir des juges, Economica p. CHAGNOLLAUD Droit constitutionnel contemporain, Armand Colin, 4e éd T1 théorie générale, les régimes étrangers p. CHAGNOLLAUD Droit constitutionnel contemporain, Armand Colin, 4e éd T2 Le régime politique français p. Ss la direction de FAVOREU Droit constitutionnel, Précis Dalloz, 8e éd p. FAVOREU Les cours constitutionnelles, PUF FAVOREU et PHILIP Les grandes décisions du conseil constitutionnel, Dalloz, 12e éd p. PACTET Institutions politiques droit constitutionnel, Armand Colin, 21e éd 643p. ZENATI La jurisprudence, Dalloz, Méthodes du droit p. [...]
[...] Cour de Cassation, ass plen octobre 2001, Breisacher. DUTHEILLET DE LAMOTHE membre du Conseil constitutionnel. Cour suprême Marbury v. Madison, doctrine dite des questions politiques Cour suprême 1962 Baker v. Carr. Seuls le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat députés ou 60 sénateurs. Conseil constitutionnel septembre 1961, avis 6 novembre 1962. Conseil constitutionnel janvier 1975, Interruption volontaire de grossesse. Ibid. [...]
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