Quelle place pour les secondes chambres dans les démocraties contemporaines ? - publié le 10/10/2000

Extraits

[...] Au travers des " navettes " entre l'Assemblée Nationale et le Sénat, éventuellement lors du passage en Commission Mixte Paritaire, la loi, outre qu'elle est progressivement débarrassée de ses scories s'enrichit : à la dialectique majorité / opposition s'ajoute une seconde tension, complémentaire, entre les sensibilités des deux chambres. En sus de cet apport technique et politique, les secondes chambres sont couramment qualifiées par leurs partisans de " chambres de sages Selon eux, elles permettraient à la démocratie de gagner en continuité et en raison. Cette opinion, évidemment impossible à traiter avec objectivité, mérite d'être examinée plus avant. Non pour la confirmer ou l'infirmer mais pour en dégager, aussi clairement que possible, les implications sous- jacentes en termes de démocratie. Des " chambres de sages " ? [...]

[...] Il s'agirait de ne plus exiger l'accord que d'une des deux chambres avant de pouvoir soumettre le projet de révision au peuple par référendum. De façon à peine voilée, ce serait rendre possible, en sus du recours à l'article 11 (dont la légalité très douteuse), une révision constitutionnelle qui n'aurait pas reçu l'aval du Sénat. Sans présumer de la probabilité politique de réussite d'un tel projet de révision, il semble qu'une réforme du Sénat dans le sens d'un affaiblissement de ses prérogatives ne soit pas demandée par les Français et que, si elle devait effectivement avoir lieu, elle serait davantage issue d'une opportunité ponctuelle permettant de se débarrasser de cet "empêcheur de légiférer en rond" que d'une réelle vision de ce que pourrait devenir la seconde chambre française. [...]

[...] Pour toutes ces raisons, il est manifeste que les secondes chambres n'ont pas totalement effacé leur parenté historique. Ce qui peut aujourd'hui, en tout état de cause, apparaître comme illégitime. Une légitimité démocratique de second rang qui peut choquer Dans ce contexte, des critiques ont naturellement vu le jour. Elles reprennent les observations exposées ci-dessus en montrant, point par point, que la démocratie est la victime de ces " privilèges " résiduels. L'exercice n'est pas très difficile sachant le contraste manifeste avec les premières chambres, réputées être le symbole de la nation dont elles sont directement issues. [...]

[...] Un accord sur le Sénat était en effet le préalable incontournable à tout compromis institutionnel ultérieur. Par la suite, l'évolution vers un Etat plus démocratique est passée, au moins de façon transitoire, par l'affaiblissement des secondes chambres. La constitution rejetée par les Français en juin 1946 prévoyait un régime monocaméral et le Conseil de la République, issu du deuxième projet, est très diminué par rapport au Sénat de la Troisième République. Au total, on pourrait conclure que la seconde chambre est un enjeu fondamental dès lors que s'opère un changement de souverain, ce dernier terme devant être entendu dans son sens le plus large. [...]

[...] Cette situation "non démocratique" se retrouve - certes à un degré bien moindre mais de façon récurrente - dans la majorité des autres pays. Ainsi, l'impression d'une démocratisation inachevée prédomine si l'on se penche sur les secondes chambres, surtout par contraste avec les des premières chambres, par définition plus démocratique. Certes, les secondes chambres se sont démocratisées mais sans atteindre un niveau optimal au regard des critères apparemment constitutifs de la démocratie parlementaire : le suffrage universel direct, des mandats suffisamment courts et le renouvellement intégral. Or c'est notamment sur ces points-là que les secondes chambres se distinguent. [...]