Alexis de Tocqueville, dès 1835, témoigne de la fascination qu'exerce la Cour Suprême américaine, tant par son organisation et ses attributions, que par sa puissance. S'il est admis que la Cour Suprême est l'une des plus puissantes juridictions nationales parmi les régimes démocratiques — au point que l'expression de « gouvernement des juges » apparaît après l'un de ses arrêts fondateurs, Marbury v. Madison — il reste difficile de comprendre les ressorts de cette institution, de sa force. Élisabeth Zoller souligne deux caractéristiques des États‐Unis expliquant son caractère exceptionnel : l'« échelle continentale » et « le caractère fédéral » du pays. En effet, si la Cour Suprême des États‐Unis est puissante, c'est que son dessein est grand : donner un pouvoir effectif aux lois fédérales et faire respecter la Constitution dans un pays immense et auprès d'États certes fédérés mais attachés à leur autonomie.
Par son rôle, celui de protéger l'Union et de faire respecter la Constitution, par son histoire, celle d'une longue montée en puissance, par ses attributions, mais aussi par son unicité et le nombre limité de ses juges, la Cour Suprême a gagné une légitimité considérable. Elle est une instance respectée non seulement au sein de l'État, mais aussi par l'opinion publique — phénomène assez rare pour être mentionné. Des études ont montré que l'attachement de l'opinion publique à la Cour dépasse largement les clivages politiques présents chez les citoyens, pour ne dépendre que des valeurs démocratiques défendues par la Cour Suprême.
Nous verrons dans un premier temps les raisons qui ont rendu le filtrage des recours nécessaires, c'est‐à‐dire comment les prérogatives considérables et le développement de la démocratie américaine ont entrainé une multiplication des recours auprès de la Cour, qui lui a permis d'obtenir légitimement et progressivement un pouvoir discrétionnaire complet dans le filtrage des recours (I), puis nous étudierons la nature des mécanismes de filtrage directs et indirects de la Cour, qui effectue son filtrage par sa nature même, grâce sa structure et sa composition (II) et, grâce à tous les facteurs que nous aurons mis en évidence, nous révélerons enfin la dimension politique de la Cour Suprême : le filtrage des recours par les Justices est un choix politique aux multiples facteurs permettant de mieux comprendre la nature duale de cette institution et de ses raisonnements (III).
[...] S'il ne peut pas gagner sur le fond, il ne votera l'octroi du writ of certiorari uniquement si des éléments du dossier le pousse à considérer l'affaire comme particulièrement importante (on l'a vu, avec par exemple des pièces émises amicus curiae ou s'il y a intervention du Solicitor Gene‐ ral) ; dans le cas contraire, il rejettera naturellement le writ . S'il pense pouvoir gagner, alors on en revient au schéma vu précédemment : le juge se mandera si l'occasion qui se présente à lui est le meilleur moyen de traiter la thématique impliquée, et si elle l'est, et qu'aucune meilleure occasion ne risque de se présenter, il cordera le writ. Il estimera la qualité de cette occasion en fonction de nombreux critères. [...]
[...] L'avocat général dirige la représentation en justice de l'État américain, et plaide donc devant la Cour Suprême chaque fois que l'État est partie au procès. Son importance et son indépendance font que l'on appelle parfois le Solici‐ tor General le Tenth Justice. L'un des juges écrit ainsi que les plus compétents aux États‐ Unis sont les avocats du Bureau de l'avocat général ; de plus, il soumet des affaires ayant généralement une importance nationale. Statistiquement, l'avocat général se voit octroyer un writ avec une probabilité bien plus forte que toutes les autres parties (voir annexe) . [...]
[...] Les prérogatives et compétences de droit de la Cour Suprême vont trouver leur accomplis‐ sement et leur extension dans le développement de la démocratie américaine : la Cour prême va pouvoir affirmer peu à peu son pouvoir dans le même temps que, les besoins juridiques du pays grandissant, elle vient à être de plus en plus demandée L'affirmation progressive du pouvoir de la Cour . Comme de nombreuses autres Cours constitutionnelles, peu importe la famille de droit, la Cour va elle‐même gagner et affirmer son pouvoir, au fil des arrêts22. [...]
[...] Le filtrage passe tout d'abord par les law clerks, assistants des juges . La charge de travail venant du nécessaire filtrage des recours est colossale et constante. si, tout est fait pour que ce filtrage soit effectué le plus rapidement possible, de la façon la plus productive, d'où un travail de fond des assistants des juges ; toutefois, le pouvoir donné de facto à ces assistants est largement critiqué Le rôle des assistants des juges : un filtrage plus efficace des recours . [...]
[...] La clé de ce système de filtrage est l'introduction en droit américain du système de la pétition pour un writ of certiorari qui va permettre à la Cour Suprême d'obtenir un pouvoir quasiment discrétionnaire sur le filtrage des recours 1. Le writ of certiorari, libérateur et émancipateur de la Cour Suprême . Pendant un siècle durant, alors que la juridiction d'appel de la Cour était obligatoire, la Cour pouvait être saisie directement, par la procédure de l'appel (appeal) ou par la procédure du recours en erreur de droit (writ of error). [...]
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