Si on parcourt cet article, disons « en surface », on voit qu'il traite du synchronisme, au XVIe siècle, entre les grandes découvertes et les attentes millénaristes de nombreuses sociétés (cadre spatial du Portugal à l'Inde). Il part alors des recherches récentes sur le millénarisme politique pour souligner particulièrement le rôle de l'Iran et de l'Inde dans ce phénomène.
Son développement sur le sujet est très intéressant, mais j'ai décidé ici de faire une lecture distanciée en me consacrant plutôt à un point de vue méthodologique (surtout que si avez lu l'article il n'est pas très utile de revenir sur les détails).
Subrahmanyam utilise dans son essai les termes d' « histoire comparative ou globale », aussi c'est sur cette notion et le sens qu'il lui donne que j'ai décidé de centrer cet exposé.
On peut commencer par revenir très rapidement sur l'identité de Sanjay Subrahmanyam, car je trouve que cela préfigure déjà sa vision de l'histoire. Né en Inde, il commence par enseigner l'histoire économique, mais la trajectoire s'incurve rapidement et il devient spécialiste de l'Inde du sud au XVIe et XVIIe siècles, se passionnant particulièrement pour les échanges avec l'extérieur. Or dans un pays marqué par les explorateurs et les conquêtes, il se trouve naturellement confronté à des sources multiples, dans diverses langues (qu'il apprend –il parle 9 langues-) et conservées dans divers pays (qu'il visite), de quoi « multiplier les points de vue » (selon ses propres mots). De cette vie découle alors son idée que ni la vision européenne, ni la vision indienne des grandes expéditions ne peuvent rendre compte de la rencontre de deux civilisations -> non seulement il faut élargir et croiser les regards, mais aussi redonner à chacun d'entre eux sa diversité. Or c'est bien ici en quelque sorte l'idée fondamentale des « connected studies » ; qui sont au cœur de cette histoire globale dont on perçoit l'essence dans cet essai.
[...] Pour conclure, on peut considérer que cet essai est représentatif du fait que les historiens tentent aujourd'hui d'élargir leurs routes, et lancent un défi à nos pratiques. Si c'est essai fait, je pense, partie des grands exemples qui montrent que ce défi peut être relevé, cela n'est quand même pas sans poser diverses difficultés, comme on a déjà pu l'apercevoir. Ainsi, il y a indéniablement un manque de sources (pas forcément beaucoup d'archives sur cette vision, par exemple des peuples dominés), qui pourrait inciter certains auteurs à produire plus des compositions d'études dispersées que des travaux de recherche (et le fait que les plaidoyers les plus fervents en faveur d'une histoire globale n'aient souvent mobilisé que des références à des ouvrages publiés en anglais n'est pas sans inquiéter). [...]
[...] Changement d'échelle ; vers la fin du compartimentage La première caractéristique, comme on pouvait d'ailleurs s'y attendre au regard du nom même d'« histoire globale est un changement d'échelle. Cela suppose en premier lieu la fin du confinement de l'histoire au sein des frontières de l'Etat-nation, qui est on le sait, particulièrement traditionnel en France (cf grands historiens de la République comme Jules Michelet, pour qui l'histoire se veut être un récit national chronologique marqué par les grandes dates de l'histoire de France). [...]
[...] L' histoire connectée qui est au cœur de l'histoire globale, est donc la volonté, à l'inverse, de rechercher des connexions sous toutes leurs formes, ne laissant aucune partie du monde passive dans les processus de transfert et de métissage. Or cela suppose une démarche pratique de recherche, dans laquelle se retrouve des spécialistes d'aires culturelles comme Sanjay Subrahmanyam. Cette méthode doit permettre de voir le monde d'un autre point de vue ; d'apporter de nouveaux regards sur les siècles passés. [...]
[...] II/Les problèmes de définition posés par la globalisation Cette histoire est bien sûr le fruit d'une conscience de globalité des historiens, mais celle-ci est peut-être en partie commandée par la tendance des contemporains à avoir de plus en plus une conscience globale (cf aujourd'hui la globalisation est un thème récurrent). Mais du fait du caractère attrape-tout que peut revêtir ce terme, l'histoire globale est nécessairement confrontée à des difficultés de définition. Il faut donc que les auteurs soient très vigilants, pour sortir complètement des clichés d'ailleurs souvent opposés de la globalisation. Il y a d'abord le problème de la périodisation, car tantôt elle est décrite comme un phénomène caractéristique de l'époque contemporaine ; tantôt on dit au contraire qu'elle a toujours existé. [...]
[...] Ainsi si le millénarisme est certes un problème de dimension globale, ses manifestations locales diffèrent beaucoup, et à chaque échelle on voit des choses que l'on ne voit pas à une autre (donc il n'y a pas de supériorité de l'une sur l'autre et il est impossible de trouver le lieu de surplomb d'où elles pourraient être toutes tenues comme commensurable). Or c'est ici que se pose le problème de la tension entre l'approche morphologique (qui dresse l'inventaire des parentés entre différentes formes en dehors de toute attestation de contacts culturels) et l'approche historique (qui repère les circulations les emprunts, les hybridations). [...]
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