On a souvent reproché à la Constitution de la Ve République française d'avoir été exclusivement conçue et pensée pour le général de Gaulle. Pourtant, comme le précisait d'ailleurs Michel Debré lors de son allocution pour le 20e anniversaire de la constitution de 1958, l'ambition des constituants était alors de pallier les imperfections des régimes précédents et de donner enfin à la France « figure de gouvernement ». Il est en général commun de faire du général de Gaulle le père de la constitution de 1958, qu'il s'agisse du texte lui-même ou de sa mise en pratique. Mais, rares ont été les juristes et historiens à avoir établi une connexion entre le mouvement en faveur d'une révision des lois constitutionnelles qui s'est élevé dans les années 1930 et la Ve République. C'est cette étude que Stéphane Pinon mène dans Les réformistes constitutionnels des années 30. Aux origines de la Ve République.
Le but de l'ouvrage est de montrer que la constitution de 1958 puise une partie de ses origines dans le réformisme des années 30. Il constitue la première étude d'ensemble rapprochant la période de l'avant-guerre et les origines de la Constitution, prenant acte des insuffisances des études d'histoire constitutionnelle, et se donnant comme objectif d'appréhender un sujet souvent débattu avec une approche à la fois inédite, originale et riche d'enseignements. Mais il s'agit également de réhabiliter une période que l'auteur considère comme « victime du syndrome de l'histoire délaissée ». L'objet du livre n'est pas de «dissoudre à tout prix la singularité institutionnelle de la Ve République » au point de sombrer dans le déterminisme historique. Il s'agit simplement de rendre hommage aux travaux des réformistes et de rappeler « qu'en droit constitutionnel, les phénomènes de générations spontanées sont rares ».
[...] La dissolution devait quant à elle être réhabilitée puisqu'elle offrait l'avantage de mettre fin au risque de discordance entre l'opinion du parlement et celle du pays tout en assurant aux gouvernés la garantie d'une certaine participation à la politique suivie La participation à la politique suivie devait notamment être assurée par la pratique de la ‘dissolution référendum'. Les dissolutions de ce type, rendues possibles par la constitution de 1958, ont vu le jour sous la Ve République, notamment en 1968. Sur ce point encore, les réformistes ont influencé notablement la Ve République. [...]
[...] L'ouvrage présenté est certainement l'exemple le plus abouti de ce vif intérêt porté à cette période particulière de l'histoire constitutionnelle. Il fut sensibilisé à ces questions lors de ses études à l'IEP de Toulouse, et plus particulièrement grâce à un cours tenu par M. Jean Rives sur la IIIe République et le mouvement réformiste des années 30. Ses publications sur cette thématique sont nombreuses on peut, à titre illustratif, citer le pouvoir chez Maurice Hauriou ou la pensée constitutionnelle de Boris Mirkine-Guetzévitch Il a également tenu de nombreuses conférences sur ces mêmes juristes dans diverses universités. [...]
[...] Bien plus, l'augmentation des pouvoirs de l'exécutif bicéphale a été accompagnée d'une baisse de sa responsabilité. Compte tenu de l'instabilité ministérielle qui a décimé les IIIe et IVe Républiques, l'ambition des réformistes était de rationaliser les procédures de contrôle parlementaire sur le gouvernement. Mais, puisque les décisions étaient pour la plupart prises à l'Élysée, la mise en place d'une responsabilité présidentielle aurait dû venir compenser cette mutation. Mais il n'en fut rien. En conséquence, le principe du régime parlementaire selon lequel l'irresponsabilité du président est la conséquence et la cause de son irresponsabilité n'est absolument plus vérifié Ainsi, l'étendue des pouvoirs du Président de la République n'est plus en adéquation avec son irresponsabilité [38]. [...]
[...] L'idée sous-jacente aux propositions des réformistes était le rééquilibrage des pouvoirs, qui avaient tendance à irrémédiablement basculer des mains de l'exécutif vers celles du Parlement. À tous points de vue, stopper cette évolution semblait nécessaire. Nous devons aujourd'hui nous livrer à l'exercice inverse : procéder à un rééquilibrage des pouvoirs au profit du Parlement. La juriste Marie de Cazals explique qu'une mutation en chaîne de la fonction présidentielle s'est produite. D'arbitre à capitaine [ ] [le Président] est maître de ses décisions sans avoir le moindre compte à rendre tant au gouvernement qu'au Parlement Nous n'avons pas retenu des réformistes leur objectif d'équilibre des pouvoirs– qui était pourtant celui qui avait motivé leurs réflexions mais uniquement leurs propositions pour renforcer le pouvoir de l'exécutif. [...]
[...] Ils ont également été les premiers à concevoir les juges non pas comme des menaces, mais comme des garanties pour la démocratie. Et une fois encore, ils ont été à l'avant-garde de ce que beaucoup considèrent comme l'une des innovations majeures de la Ve République : l'introduction du conseil constitutionnel d'abord, l'extension de son droit de saisine et la reconnaissance de la valeur constitutionnelle des déclarations de droits ensuite et, finalement, l'instauration d'un véritable contrôle de constitutionnalité. Le premier axe autour duquel s'organisent les propositions des réformistes est la réponse à l'impératif démocratique, le but principal étant de mettre en place des réformes concrètes pour libérer le souverain captif de la tutelle parlementaire Le second axe de leur politique consiste à se pencher sur le chevet de l'exécutif, cette autre victime du parlementarisme absolu Certains réformistes considèrent qu' un exécutif fort est la condition technique d'une démocratie libre : supprimez l'exécutif et les libertés sont en péril Réfléchir sur la façon de sauver l'exécutif est donc une priorité absolue. [...]
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