Commentaire du propos suivant de Pierre Messmer (extrait d'un entretien avec le journal Le Monde du 9 mars 1974) : « Le Président détermine les grandes orientations de la politique nationale et en contrôle l'exécution. Le Premier Ministre conduit l'application de cette politique et en répond devant le Président et l'Assemblée Nationale. Il ne saurait y avoir de dyarchie au sommet. »
Pierre Messmer était le dernier Premier Ministre du Président de la République Georges Pompidou. Ce dernier a été Président de la République entre 1969 et 1974. Cette citation précède de moins d'un mois avant le décès du Président de la République.
C'est donc une élocution du Chef du Gouvernement, pendant la Vème République, République dotée d'un pouvoir exécutif fort.
L'échec de la IIIème et IVème est très largement imputé à la faiblesse de leurs exécutifs respectifs, d'où l'instauration d'un exécutif plus fort. Un des principaux objectifs du Constituant de 1958, si ce n'est le principal était la restauration de la fonction exécutive et, surtout, de la fonction présidentielle.
Dotée d'un exécutif bicéphale, le Président de la République d'une part et le Gouvernement d'autre part, la Vème République suscite des interrogations : le Président de la République, « clé de voûte » des institutions et le Premier Ministre sont dotés de prérogatives conséquentes, à première vue distinctes, mais potentiellement concurrentes dans certains domaines. D'où une crainte de dyarchie, terme ayant pour origine le grec de duo, deux et arkein, commander, c'est-à-dire de partage du pouvoir de commandement entre deux titulaires. Cette dyarchie peut déclencher une concurrence entre les deux têtes du pouvoir exécutif et donc une paralysie des institutions.
Pierre Messmer était Premier Ministre depuis 1972, il venait d'être, au début du mois de mars 1974, reconduit dans ses fonctions après un vaste remaniement ministériel souhaité par le Président de la République. Dans un entretien avec le journal le Monde, Pierre Messmer évoquait largement la façon dont sa fonction se conciliait avec celle du Président, et, aussi ce qui dans une certaine mesure en découle, la manière dont devait jouer sa responsabilité. Il pensait ainsi démontrer que le bicéphalisme n'est pas facteur de dyarchie. Pierre Messmer se rattache incontestablement à une conception gaullienne du fonctionnement de la Vème République.
La question qui subsiste est de savoir si cette conception est la seule qui vaille. L'ancien Premier Ministre affiche une conception présidentialiste du partage du pouvoir(I) ainsi qu'une conception dualiste de la responsabilité politique(II).
[...] Il est par ailleurs chef de l'Administration, dispose du pouvoir réglementaire de droit commun. Nombreuses sont les prérogatives qui peuvent le mettre ne concurrence avec le Président de la République. Nous pouvons citer comme exemple qu'il est responsable de la Défense Nationale, il dispose de la force armée, il a également une compétence diplomatique et sous réserve du pouvoir du Président de la République, il dispose d'un pouvoir de nomination. Par ailleurs, il dispose d'importantes prérogatives relatives aux pouvoir législatif (accès aux Chambres, initiatives des lois et armes importantes dans la procédure législatives ainsi que des moyens de pression en engageant sa responsabilité). [...]
[...] Enfin une telle responsabilité n'est pas concevable en période de cohabitation. Le terme même de cohabitation est ambigu car il peut s'agit d'une cohabitation où le Président de la République et le Premier Ministre ont des couleurs politiques totalement opposées. Ainsi fut le cas entre Mitterrand, qui était de gauche et Chirac, qui était de droite. Auquel cas, pas de difficultés, il s'agit d'une cohabitation claire et officielle. Mais il peut également s'agit de cohabitation moins franche, moins ouverte. Ainsi Chirac, toujours de droite fut le Premier Ministre de Giscard d'Estaing, qui était pourtant de droite ou de Rocard, de gauche qui était le Premier Ministre de Mitterrand. [...]
[...] Il est normal que le Président de la République détermine la politique nationale de part la forte légitimité dont il dispose, tout du moins depuis 1962 et l'instauration du suffrage universel direct pour les élections présidentielles. Par ailleurs, à l'époque où Messmer parle, il n'a connu que cette configuration politique, le fait est que le Parlement est de la même couleur politique du Président. C'est donc un facteur d'unité et le Président de la République est ainsi chef de la majorité. Messmer rajoute que le Premier Ministre conduit l'application de cette politique. Cette légitimité dérivée place le Premier Ministre dans une position de subordination hiérarchique. [...]
[...] Dans un entretien avec le journal le Monde, Pierre Messmer évoquait largement la façon dont sa fonction se conciliait avec celle du Président, et, aussi ce qui dans une certaine mesure en découle, la manière dont devait jouer sa responsabilité. Il pensait ainsi démontrer que le bicéphalisme n'est pas facteur de dyarchie. Pierre Messmer se rattache incontestablement à une conception gaullienne du fonctionnement de la Vème République. La question qui subsiste est de savoir si cette conception est la seule qui vaille. L'ancien Premier Ministre affiche une conception présidentialiste du partage du pouvoir ainsi qu'une conception dualiste de la responsabilité politique(II). I. [...]
[...] Ainsi, en 1962, l'unique censure a généré la dissolution. Le soutien de l'Assemblée Nationale étant une formalité on comprend mieux pourquoi Messmer mentionne en premier la responsabilité devant le Président de la République, qui concrètement joue plus régulièrement. S'il y a cohabitation, hypothèse non envisagée par Messmer, il y a censure par l'Assemblée Nationale de son Gouvernement et de son Premier Ministre cette censure serait incompréhensible voire suicidaire de la part de l'Assemblée Nationale. En conclusion, la conception gaullienne dont se réclame Messmer n'est pas, la pratique l'a démontré, l'unique lecture possible de notre système constitutionnel. [...]
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