« En France (...), l'exécutif a deux têtes et chaque tête a des pouvoirs étendus. L'art d'exécuter, qui devrait être unique, est divisé. Cette distinction a des conséquences : gouverner et présider deviennent deux choses hiérarchiquement différentes. Dans la logique de ces institutions, gouverner n'est pas une tâche noble, mais seconde.
Le premier ministre est un « tâcheron». Il est entendu a priori qu'il n'ira pas au terme de la législature. Il doit partir, défait s'il a déplu ou pris trop d'importance, usé s'il a accompli son devoir avec dévouement. Il est le paratonnerre, il doit protéger le Président. D'ailleurs, il est nommé par lui, dépend de lui, est « démissionné » par lui. C'est un personnage qui doit, tout à la fois, être efficace - car il gouverne - et humble. » Lionel Jospin.
Le premier ministre désigne un des piliers du régime parlementaire dualiste français, plus précisément un organe majeur du pouvoir exécutif. Dans la Constitution du 4 septembre 1958, le premier ministre ne peut se détacher de la figure en demi-teinte du Président du Conseil. Il faut voir avant tout qu'il est à la tête du Cabinet et administre par son biais la politique étatique sous le regard de son Président d'une part et des Chambres d'autre part.
S'interroger sur l'éventualité d'une suppression de la fonction de premier ministre conduit à faire un calcul rationnel « coûts-avantages ». En effet, il apparaît presque instinctivement, et à bon sens, qu'il faille mettre en opposition les conséquences négatives sur l'ordre institutionnel, ce qui comprend la redistribution nécessaire des fonctions et attributions du premier ministre, et les avantages, c'est-à-dire les conséquences positives de cette suppression fonctionnelle.
[...] [Par extension même il devrait démissionner. D'une part parce qu'il est extrêmement difficile de gouverner en régime parlementaire sans la confiance même tacite des Chambres et d'autre part parce que le renversement par les élections législatives de la tendance politique majoritaire ne constitue rien de moins qu'un désaveu explicite de la Nation.] Il n'en demeure pas moins que les tensions sont réelles et palpables puisque la cohabitation rend d'autant plus difficile voire impossible une collaboration fonctionnelle entre les organes exécutifs et que le Président de la République ne peut rétablir l'équilibre par le renvoi de son premier ministre ni même par le renversement de l'Assemblée. [...]
[...] Ceci peut être interprété comme une forme d'empiètement du chef de l'Etat sur le premier ministre puisqu'il est par là même maltraité. Le premier ministre apparait donc bien ici comme un organe potentiellement générateur de tensions en plus de constituer une interférence à l'unité du pouvoir exécutif. En outre, au vu de sa subordination intrinsèque à l'égard du Président, il ne jouit que d'une autonomie limitée, exception faite de la cohabitation, et il n'est pas rare que le Président de la République marque son déni d'autorité par quelque biais que ce soit. [...]
[...] Il n'en demeure pas moins qu'une telle question ne se poserait pas en l'absence de premier ministre : soit le Président de la République soit le ministre concerné interviendrait au besoin. Mais alors comment comprendre les empiètements d'un chef de l'Etat qui à l'instar de Nicolas Sarkozy aura tendance à intervenir de manière intempestive en matière de communication gouvernementale par exemple en prenant la parole au nom des ministres lors même que leur représentant n'est autre que le premier ministre ? Peut-on y voir autre chose qu'une négation même du rôle de ce dernier ? [...]
[...] De cette manière, le premier ministre se meut en un bouclier protégeant la fonction présidentielle ; il devient un fusible qui saute au besoin, à la place du Président, s'il s'avère que telle ou telle décision contresignée était une erreur politique. Le Président de la République, pilier de l'ordre exécutif peut ainsi manœuvrer l'esprit libre grâce à la présence premier ministre puisqu'il est fonctionnellement protégé. Le premier ministre pourtant n'est pas qu'une main responsable pour le Président, il est encore un allié de ce dernier, présent pour le seconder et le soulager. [...]
[...] En fait, c'est lui qui assure la liaison des deux : il est une clé de voûte. En ce sens il évite que les antagonismes entre la majorité parlementaire et le Président de la République ne dégénèrent en crise politique. Par ailleurs, le premier ministre est le plus souvent car il est possible de choisir un non-parlementaire choisi dans le parti majoritaire à l'Assemblée nationale. Le Président de la République dans l'exercice de son pouvoir propre est contraint de sélectionner une personnalité clé de la majorité parlementaire quand bien même ladite majorité serait une majorité d'oppositions. [...]
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