La comparaison des vies politiques sous la IIIe, la IVe et la Ve République fait apparaître clairement que le fait majeur et original du régime né en 1958 est la place prééminente que le président de la République occupe non seulement dans les institutions, mais même dans la vie politique quotidienne du pays tout entier.
Alors que la pratique constitutionnelle des lois de 1875 lui avait dénié à peu près toutes ses prérogatives, sauf la fameuse « présidence des solennités nationales », alors que la constitution de 1946 avait transféré la plupart de ses pouvoirs au président du Conseil, le texte de 1958 renoue avec la tradition d'un chef de l'État fort, en suivant un modèle, atténué mêlant bonapartisme et orléanisme.
Bonapartisme dans la puissance d'un seul homme, responsable devant le pays seulement, dirigeant l'action de l'État, orléanisme dans son irresponsabilité, et dans le maintien des mécanismes du régime parlementaire. La référence à deux régimes monarchiques n'est pas surprenante : en 1958, le modèle républicain est un régime parlementaire où les chambres dominent le gouvernement, un régime d'assemblée qui fait et défait les ministères au gré de ses humeurs.
[...] Lors de la cohabitation, le président perd l'essentiel de ses pouvoirs constitutionnels. Il ne lui reste plus, en propre, que la dissolution, les pleins pouvoirs, la saisine du Conseil constitutionnel et la nomination de trois de ses neuf membres. Les autres pouvoirs soit lui échappent totalement car ils appartenaient en réalité au gouvernement soit sont soumis à un contreseing parfois difficile à obtenir. Le président acquiert toutefois, en période de cohabitation, un autre type de pouvoir, celui de s'opposer. Faisant une lecture extensive de l'article 5 (surtout de la première phrase : Le Président de la République veille au respect de la Constitution le président se met à lire certains articles ( notamment) comme l'autorisant à ne pas faire quelque chose, alors que le texte semble plutôt l'obliger à le faire. [...]
[...] Le président est-il alors toujours le monarque à la tête de la République que certains ont vilipendé ? Attendu que ses pouvoirs demeurent larges, que le gouvernement reste sa créature qu'il est toujours fondamentalement irresponsable, le régime mis en place par le général de Gaulle maintient son ambiguïté fondamentale entre parlementarisme et présidentialisme, entre bonapartisme et orléanisme, et cela, au profit du chef de l'État, qui récupère des avantages de chaque formule : irresponsabilité et pouvoirs larges, ce qui lui donne un statut résolument à part dans le monde occidental. [...]
[...] Cette dictature de salut public à la romaine est une nouveauté de la Cinquième République En période de concordance des majorités, il mène le pays À ces prérogatives dispensées du contreseing ministériel, déjà par elles-mêmes très vastes, le président ajoute d'autres prérogatives lorsque la majorité parlementaire est du même bord politique que le président (quarante-quatre ans sur les cinquante-deux qu'a duré la Cinquième jusqu'à maintenant ont vu cette situation se produire) : les prérogatives partagées qui nécessitent un contreseing, mais celui-ci est une formalité et celles qu'il emprunte au premier ministre. En combinant ses prérogatives constitutionnelles et les prérogatives du gouvernement, le président domine sans contestation le jeu politique national. [...]
[...] Ainsi, vis-à-vis des institutions, le président nomme et révoque le gouvernement tout entier, il dispose, via le gouvernement, de l'initiative en matière législative, il dispose de l'initiative du référendum, de la révision constitutionnelle, il nomme les titulaires des plus hauts emplois de l'État. En matière militaire, le président, chef des armées, dispose aussi de la force armée via le gouvernement. Les immenses pouvoirs dont le président dispose, en propre, en partage, ou en empruntant ceux du chef du gouvernement, combinés à son irresponsabilité politique, le peignent effectivement en monarque de la République. [...]
[...] Elle a également introduit toute une série de mesure qui redonne davantage de pouvoirs au parlement (ordre du jour maîtrisé, encadrement de l'article 49 al par exemple), ce qui, à terme, peut conduire à le voir s'émanciper du président, alors qu'il avait, souvent, fonctionné jusqu'ici comme une chambre d'enregistrement en période de concordance des majorités plutôt que comme un véritable organe constitutionnel. CONCLUSION L'on observe, avec la présidence active de Nicolas Sarkozy, que le président apparaît de plus en plus comme le chef véritable du gouvernement français, avec un premier ministre cantonné dans un rôle technique de mise en œuvre de la volonté présidentielle. Si ce rôle primordial et central du président a toujours été la règle lorsque les majorités coïncidaient sous la Cinquième République, il tend à être de plus en plus visible dans ces dernières années. [...]
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