Alors que les Français manifestent leur attachement au bicaméralisme à l'occasion des référendums de 1946 et de 1969, l'existence du Sénat est réhabilitée. Le concours d'une seconde chambre permet alors une réflexion qui, à la faveur d'une meilleure qualité de la production législative, tronque les écueils des décisions hâtives prises sous l'empire d'une émotion quelconque. Toutefois, en dépit d'une apparente collaboration au sein du Parlement, ce sont bien deux entités qui doivent être distinguées l'une de l'autre. En effet, si les sénateurs demeurent, en vertu de l'article 24 de la Constitution, les représentants du territoire, les députés seuls, membres de la chambre basse du Parlement, assurent la représentation du peuple, puisqu'ils sont élus, directement, par celui-ci.
Ainsi loin d'être frappés de la moindre illégitimité, les 577 députés qui composent l'Assemblée Nationale sont élus en ayant réuni sur leur nom la majorité absolue des suffrages exprimés. Depuis 1958, à l'exception de la courte parenthèse de 1986, ils sont en effet désignés au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, en vertu de quoi ils sont investis d'un mandat national pour une durée de cinq ans. L'accession à la tribune parlementaire revêt de la sorte un caractère contraignant, inhérent au système qui néanmoins garantit l'efficacité des choix effectifs des électeurs. Tel est le prix à consacrer pour bénéficier du statut de député, un statut apparemment privilégié, toutefois conçu comme un moyen destiné à lui assurer l'indépendance et la liberté d'expression nécessaires à l'exercice du mandat parlementaire. En effet, celui-ci s'accompagne de plusieurs avantages qui se traduisent non seulement par une indépendance juridique, mais aussi par une autonomie financière garantie par le versement d'indemnités, le libre exercice du mandat de parlementaire ne pouvant être cautionné par la seule préséance de l'impunité. En revanche, sa spécificité ne tient pas uniquement qu'à ces prérogatives, il procède de contreparties nécessaires à sa reconnaissance.
Ainsi, en quoi consiste le statut de député sous la Ve République ?
Alloué par une protection indispensable qui répond aux exigences de la mission des parlementaires, le statut de député engage une autonomie financière mais impose également une loyauté consacrée par le principe des incompatibilités et ce, en vertu de l'article 25 de la Constitution (I). Le député dispose également d'immunités parlementaires qui lui assurent un régime juridique dérogatoire au droit commun afin de préserver leur indépendance (II).
[...] Celui-ci constate, le cas échéant, l'inéligibilité et, par la même décision, déclare le député démissionnaire d'office. En outre, si la commission chargée du contrôle estime insuffisantes les explications fournies par le parlementaire, elle peut saisir le parquet. Les incompatibilités, prévues par la même ordonnance, répondent au souci de protection du mandat parlementaire. À la différence de l'inéligibilité, elle n'empêche pas a priori l'élection, mais elle impose a posteriori un choix à l'élu. Il s'agit d'une protection indirecte qui obéit à un certain nombre de principe. [...]
[...] L'irresponsabilité couvre ainsi tous les actes de la fonction parlementaire, mais uniquement ces actes : des opinions exprimées par un parlementaire dans le rapport rédigé à l'occasion d'une mission confiée par le Gouvernement ; initiatives telles que propositions de loi ou amendements ; rapports déposés au nom d'une commission ; actes accomplis dans le cadre d'une mission confiée par les instances parlementaires. Ainsi l'irresponsabilité couvre un certain nombre d'actes. Mais elle fait aussi obstacle à certaines poursuites. La rédaction de l'article 26, alinéa premier, de la Constitution - par la seule accumulation des verbes poursuivre, rechercher, arrêter, détenir et juger - traduit clairement la volonté du constituant de garantir le plus largement possible le libre exercice du mandat parlementaire. [...]
[...] Quant aux mandats électifs, est interdit le cumul des mandats de député et de sénateur et de député et de membre du Parlement européen, ainsi que, bien qu'aucun texte ne le prévoie, le cumul avec les fonctions de Président de la République. En outre, la loi organique du 5 avril 2000 a rendu le mandat parlementaire incompatible avec l'exercice de plus d'un des mandats ou fonctions suivants : conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller municipal d'une commune d'au moins habitants. [...]
[...] Afin de permettre le contrôle des activités professionnelles incompatibles avec le mandat parlementaire par le Bureau de l'Assemblée, les députés doivent, dans les deux mois de leur entrée en fonction, se démettre de leurs activités incompatibles et remettre au Bureau une déclaration des activités professionnelles ou d'intérêt général qu'ils se proposent de poursuivre. L'absence du dépôt est assortie d'une sanction sévère, la démission d'office. En cas de doute ou de contestation, le Bureau saisit le Conseil constitutionnel. Le Garde des Sceaux et le parlementaire concerné peuvent également le saisir. [...]
[...] Si le Conseil constate l'incompatibilité d'une fonction, le parlementaire dispose alors d'un délai de 15 jours pour régulariser sa situation. En l'absence de régularisation dans ce délai, il est déclaré démissionnaire d'office de son mandat par le Conseil constitutionnel. La reconnaissance d'un statut spécifique ne saurait être traduit que par les seules attributions prévues par l'article 25. Dès le début de la Révolution, la nécessité est apparue de protéger le mandat parlementaire de sorte qu'il s'exerce de manière libre, sans que ni l'exécutif ni le judiciaire puissent restreindre son indépendance. [...]
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