Lors du débat sur la ratification du traité de Maastricht, il a été soutenu, notamment par Léon Hamon, que les accords de Maastricht auraient pour conséquence de remettre en cause le principe de souveraineté nationale. Or en 1958 comme en 1946 le constituant a proclamé son attachement aux principes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à la souveraineté nationale qui constituent ce que l'on peut appeler la supraconstitutionnalité. Il en résulte que même le constituant ne peut y porter atteinte, notamment pour permettre la ratification d'un traité.
Le doyen Georges Vedel a contesté la validité d'un raisonnement de cette nature au nom de la souveraineté du pouvoir constituant (même dérivé) : "L'idée simple et seule vrai (à moins que l'on ne recoure au droit naturel) est que … le pouvoir constituant dérivé est l'expression de la souveraineté dans toute sa plénitude…" Cette analyse semble avoir été confirmée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 septembre 1992 : "Considérant que… le pouvoir constituant est souverain, qu'il lui est loisible d'abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle."
On pourrait alors penser que la question a été tranchée et que la conception traditionnelle l'a emporté. Ce n'est pas si sûr car la décision précitée du Conseil constitutionnel comporte d'autres aspects qui peuvent conduire à une autre interprétation d'autant plus que la question n'a été posée que d'une manière ou sous un angle du droit international (II). Par ailleurs le contexte dans lequel se situe le débat n'est pas le même aujourd'hui qu'il y a vingt ou trente ans ce qui conduit nécessaire à nuancer l'analyse(I).
[...] En fait, celui-ci est à envisager sous un double angle, selon que l'on considère la supraconstitutionnalité interne ou la supraconstitutionnalité externe A. Souveraineté et supraconstitutionnalité interne La question est de savoir si les lois constitutionnelles adoptées par le pouvoir constituant dérivé peuvent se voir imposer le respect de normes supraconstitutionnelles nationales, c'est à dire issues de la Constitution elle-même ou déduites de celle-ci, et protégeant notamment la souveraineté nationale. Pour le doyen Vedel, ceci est exclu pour trois raisons : le pouvoir constituant dérivé est l'expression de la souveraineté dans toute sa plénitude et la souveraineté n'a pas de limite ; la supraconstitutionnalité "emprunte au droit naturel sa commode plasticité" ; le contrôle des lois constitutionnelles par le Conseil constitutionnel "mettrait en cause, à plus ou moins long terme, l'équilibre démocratique et le contrôle de constitutionnalité" parce que celui-ci n'a de légitimité que dans la mesure où il n'a pas le dernier mot en ce sens que le pouvoir constituant peut toujours venir démentir ou corriger les décisions et la jurisprudence du juge constitutionnel. [...]
[...] En conséquence, les mêmes affirmations - mettant l'accent sur la souveraineté sans limites du pouvoir constituant - sont reprises traditionnellement, depuis le XIX siècle, par les auteurs français ; et là s'arrête la problématique. En fait, les choses vont changer certainement à partir du moment où la révision constitutionnelle perd sont caractère quelque peu mythique pour entrer dans un univers beaucoup plus concret, qui est celui de la procédure de vote des lois constitutionnelles, de leur contenu et de leur éventuel contrôle. [...]
[...] On remarquera tout d'abord qu'une telle démarche, s'apparentant à un détournement de procédure, ne serait pas acceptée par les juges constitutionnels allemand, autrichien, italien ou espagnol. Même en France, il paraît difficile, politiquement, de procéder ainsi, dès lors que le recours aux lois constitutionnelles tend à se banaliser : ce qui a été fait en 1958, dans une situation exceptionnelle et à l'occasion d'un changement complet de Constitution, est difficilement envisageable en période normale et pour une révision partielle alors surtout que le contexte juridique et l'environnement international ont été profondément modifiés. [...]
[...] Par ailleurs le contexte dans lequel se situe le débat n'est pas le même aujourd'hui qu'il y a vingt ou trente ans ce qui conduit nécessaire à nuancer l'analyse(I). I. Le contexte dans lequel se pose le problème Lorsque Léon Duguit et Maurice Hauriou affirmaient la supraconstitutionnalité de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen - se comportant d'ailleurs beaucoup plus en jusnaturalistes qu'en juspositivistes - il n'existait pas de justice constitutionnelle, les révisions constitutionnelles étaient extrêmement rare et les normes supranationales, de type communautaire, n'avaient pas encore été inventées. [...]
[...] D'ores et déjà d'ailleurs, dès lors que, comme en Espagne les dispositions constitutionnelles doivent être appliquées à la lumière des prescriptions de la Convention européenne, la supraconstitutionnalité externe est en voie d'installation. On peut estimer de manière générale que toute loi constitutionnelle qui, par exemple, établirait des discriminations à raison de la race ou de la religion provoquerait de la part de la Cour de Strasbourg, mais aussi sans doute de celle de Luxembourg, une déclaration de non conformité à la Convention européenne des droits de l'homme ou aux principes proclamés par le traité de Maastricht, notamment en matière de protection des droits fondamentaux. [...]
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