La souveraineté, c'est le pouvoir de « donner des lois à tous en général et à chacun en particulier » (Bodin, in la République, 1576.) L'exercice de cette puissance absolue, qui est à la fois pouvoir légitime et soumission du peuple à ce pouvoir, qui n'admet théoriquement aucune puissance concurrente ni inférieure ni supérieure, réside bien essentiellement dans le pouvoir d'édicter des normes qui s'imposent à tous. Bien que le titulaire de la souveraineté ait été transféré depuis Jean Bodin, bien que la souveraineté n'appartienne plus à un seul, elle demeure une et indivisible, et réside soit dans la totalité des citoyens, depuis la révolution de 1789, soit dans la nation, entité abstraite et préexistante aux individus qui la compose. Ainsi, la nature de la souveraineté est unique, mais son titulaire change au fil de l'histoire. De l'empereur romain et de sa rex legia en passant par la supériorité empirique du chef barbare et jusqu'à la monarchie absolue, la souveraineté, définie clairement seulement depuis Bodin, appartenait toujours à un seul ou à quelques individus, considérés comme les plus honorables (timocratie) ou comme les meilleurs (aristocratie.) La monarchie absolue a été la période qui a, paradoxalement, servi la définition de la souveraineté qui plus tard appartiendra à la nation, en ce qu'elle l'a rendu unique. Cette souveraineté a été unifiée avec le « concours de Dieu », puisque c'est de lui que le roi absolu tire sa légitimité jusqu'au XVIIIe siècle.
[...] Mais surtout, d'une part, l'abstention nous contraint à redéfinir la souveraineté populaire, de tous les citoyens, en une souveraineté des votants. Ainsi, si à la révolution étaient distingués citoyens actifs et citoyens passifs, actuellement, certains sont actifs et d'autres pas, mais parce qu'ils le veulent. Nous sommes donc fasse à une exclusion volontaire du corps électoral souverain, et le droit de ne pas voter est mis en avant pour contester le système actuel, alors qu'en agissant ainsi, celui qui ne vote pas met en péril son droit politique le plus élémentaire et renonce, par là même, à la part de souveraineté qui lui était dévolue. [...]
[...] Ainsi, rousseau ne conçoit pas, au XVIIIe siècle, la représentation, qu'il considère comme un obstacle à l'expression effective de la souveraineté populaire, car les représentants ne représenteront jamais fidèlement la volonté des représentés, non seulement à court terme, mais aussi à long terme, en ce sens que la volonté générale ne saurait être exprimée correctement par un petit nombre qui décide pour tous ; Rousseau ne croit donc pas à la représentation mimétique. Démocratie directe, référendum d'initiative populaire, électorat-droit sont autant de manifestations de cette souveraineté populaire, qui obligent les représentants, s'il y en a malgré tout, à rendre des comptes aux représentés par le mandat impératif, mandat interdit en souveraineté nationale. Ces principes théoriques seront repris par Sieyès dans le cadre de la souveraineté nationale, et par Robespierre dans le cadre de la souveraineté populaire, mais seront quelque peu détournés. B. [...]
[...] Ainsi, outre la légitimité nécessaire et la détermination du titulaire qui change à la révolution de 1789, l'État, que le roi absolu a pu servir par l'unité qu'il a pu établir au sein d'un territoire et d'un peuple déterminé, s'émancipe de la monarchie absolu et sa construction avancée permet de s'intéresser au titulaire et donc à l'exercice de la souveraineté dont la nature reste fondamentalement identique à la souveraineté sous l'Ancien régime. Sans monarque absolu, refusé car considéré comme trop arbitraire, l'État se cherche un nouveau titulaire. Comme la communauté soumise à des lois doit logiquement produire ces lois, la révolution française et déjà la Grande Charte britannique de 1215 ainsi que la Constitution américaine de 1787 partage l'exercice de cette souveraineté, à laquelle une partie du peuple participe plus ou moins parfaitement encore en élisant leurs représentants. [...]
[...] De même en France, la souveraineté nationale est privilégiée. Certes le suffrage est universel, ce qui est une entorse par rapport à la conception originaire de la souveraineté nationale, mais tout mandat impératif est nul selon l'article 26 de la Constitution. De ce fait, les députés ne sont responsables devant les Français que lors des élections, et le contrôle populaire sur une démocratie en exercice, au-delà des élections est très difficile à mener à bien. Seules les consultations et les débats prélégislatifs comme celui engagé pour le projet de loi d'orientation sur l'avenir de l'école peut intéresser le peuple à l'entreprise parlementaire. [...]
[...] Au-delà de la distinction classique entre souveraineté nationale dominante et souveraineté populaire subsidiaire Nous avons pu observer que lorsqu'on parlait de souveraineté nationale, il s'agissait plutôt d'un régime d'assemblée, et que la seule manifestation de la souveraineté populaire a pu s'apparenter à un désastre politique. L'expérience de la souveraineté populaire pure n'a plus été tentée depuis en France et il serait intéressant d'observer comment cette souveraineté pourrait s'exercer dans un territoire aussi vaste que le nôtre. Cependant, le caractère subsidiaire de la souveraineté populaire actuelle se constate d'une part dans la persistance de référendums constitutionnels en France, notamment celui relatif au traité établissant une Constitution pour l'Europe qui se tint le 29 mai 2005, et d'autre part de façon plus symbolique par la mention au nom du peuple français portée au début de chaque arrêt de la cour de cassation notamment. [...]
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