« Les constitutions ne sont pas des tentes dressées pour le sommeil » a affirmé le juriste Royer-Collard. Plus que d'autres, la Constitution de la Ve république a illustré une conception dynamique de la loi fondamentale : en 50 ans d'existence, le texte constitutionnel a été modifié à dix-huit reprises par vingt-quatre textes différents. Alors qu'il était de tradition que les Constitutions républicaines soient peu modifiées (trois modifications des Lois constitutionnelles de 1875, une seule modification de la Constitution de la IVe République), la Constitution de la Ve République a fait l'objet depuis 1960 d'un nombre de révisions supérieur à toutes les révisions partielles intervenues pour toutes les autres Constitutions depuis 1789. Le nombre de ces révisions et leur portée ne manquent pas d'interroger. Leur fréquence, qui s'est accélérée depuis 1992, est-elle motivée par une insatisfaction récurrente à l'égard de l'équilibre des pouvoirs institué ou bien tient-elle à la capacité d'adaptation des institutions de la cinquième République ?
[...] Elle est confortée par l'institution d'un défenseur des droits, décidée lors de la même révision. Autorisées par une procédure de révision souple et efficace, les révisions constitutionnelles ont permis une adaptation progressive du cadre constitutionnel de la Cinquième République aux exigences de notre temps. Elles ont autorisé juridiquement l'intégration de la France dans les institutions internationales, en particulier celle de l'Union européenne, elles ont permis à l'ambigüité sur le rôle du chef de l'État, résultant de la Constitution initiale, de se résorber et d'affirmer la primauté d'une des deux têtes de l'exécutif. [...]
[...] Inversement, le premier ministre peut aussi faire une proposition que le président refuse par la suite. Par exemple en juin 1999, M. L. Jospin a proposé une révision de la Constitution pour rendre possible la ratification d'une charte européenne sur les langues régionales et minoritaires. Cette proposition a été refusée par M. J. [...]
[...] Alors qu'une approbation implicite de ces ordonnances par le Parlement était jusqu'à présent autorisée, sur la base d'une jurisprudence ancienne du Conseil Constitutionnel, la récente révision fait désormais prévaloir la position contraire, exigeant une ratification expresse des ordonnances. La banalisation de l'acte de révision constitutionnelle intervenue sous la Cinquième République, phénomène unique dans l'histoire constitutionnelle française, s'est donc appuyée sur une procédure de révision efficace et souple, ainsi que sur l'attitude favorable sur le principe de ces révisions des acteurs du processus. [...]
[...] Ces révisions consacrent à n'en pas douter une évolution du régime de la Cinquième République tendant à institutionnaliser la primauté du chef de l'État. Parallèlement, l'interrogation sur le rôle du Parlement et ses pouvoirs se sont traduits par une série de corrections au statut constitutionnel du Parlement, qui apparaissent comme autant d'efforts pour revaloriser la place du Parlement au sein des institutions politiques. La volonté des constituants de 1958 de donner au gouvernement la maîtrise du travail législatif a pris la forme d'un faisceau de contraintes juridiques, gravées dans le marbre constitutionnel, auxquelles se sont ajoutées les contraintes politiques consécutives à l'apparition du fait majoritaire. [...]
[...] Cette banalisation est avant tout le fruit du consensus sur l'intérêt de réviser périodiquement la Constitution qui anime les différents acteurs de la procédure. Pour aboutir, une révision constitutionnelle doit en effet, quelle que soit la procédure choisie, obtenir l'assentiment de plusieurs acteurs qui disposent chacun d'un véritable droit de veto sur la procédure. Pour s'en ternir à la procédure de révision la plus utilisée, la voie parlementaire de l'article 89, son initiative dépend d'un accord entre les deux têtes de l'exécutif, le premier ministre et le Chef de l'État, le dernier agissant sur proposition du premier ministre, selon les termes de l'article 89. [...]
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