Notre propos consistera à montrer que si la procédure lourde de révision de la constitution la range en théorie parmi les constitutions rigides, la pratique actuelle tend à enlever à la constitution son caractère exceptionnel au risque de la banaliser.
Notre démarche se déroulera en deux temps et suivra pour l'essentiel la logique de cette problématique en soulignant d'abord la rigidité théorique de la Constitution avant de s'intéresser à la souplesse de la pratique.
La Constitution de 1958 prévoit une procédure spécifique pour sa révision, détaillée à l'article 89, unique article du titre 16, intitulé « De la révision ». La révision obéit donc à des règles complexes et contraignantes. Le pouvoir constituant dérivé n'est donc pas aussi souverain que le pouvoir constituant originaire dans la mesure où la constitution elle-même fixe des bornes à son exercice. Il existe des points communs entre la procédure législative normale et procédure de révision constitutionnelle : examen en Conseil d'Etat et en Conseil des ministres, dépôt au Parlement, rapport de la commission compétente, discussion devant chaque chambre, droit d'amendement, navette, etc.
[...] La disposition avait été reprise par l'article 90 de la constitution de 1946. Il s'agit cependant moins d'une limitation qui serait inefficace puisqu'on pourrait agir en deux temps en supprimant d'abord l'alinéa que de la réaffirmation d'un attachement à la République. Cet alinéa a cependant été interprété par certains auteurs comme l'introduction dans la constitution de la théorie de la supra- constitutionnalité. Les principaux obstacles à la révision de la Constitution sont en réalité politiques étant donné que le Président de la République et le Sénat disposent d'un droit de veto informel en matière de révision constitutionnelle. [...]
[...] Le rapport du comité Balladur propose de supprimer ces deux vetos : Lorsque le projet ou la proposition de révision n'a pas été voté en termes identiques après deux lectures dans chaque assemblée, le Président de la République peut soumettre au référendum le texte adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par l'une ou l'autre assemblée Lorsque le projet ou la proposition de révision a été voté par les deux assemblées en termes identiques, la révision est définitive après avoir été approuvée par un référendum organisé dans les six mois par le Président de la République On peut noter qu'il s'agirait de la première modification de l'article 89 qui est demeuré jusqu'ici tel qu'il était en 1958. La grande rigidité de la constitution de 1958 explique sans doute que 8 projets de loi constitutionnelle n'aient pas abouti ; mais dans le même temps il y a eu 24 révisions depuis l'instauration de la Vème République. Ainsi, la rigidité formelle de la constitution peut être surmontée dans la pratique. En réalité, la constitution de 1958 est malléable La pratique a assoupli le processus de révision constitutionnelle A. [...]
[...] Un argument similaire a été défendu en 1962 par le professeur Lampué : il a relevé que l'article 11 prévoit que tout projet de loi peut être soumis au référendum. Le texte ne fait donc pas la distinction entre projets de loi ordinaires, organiques et constitutionnels. Le constituant avait donc selon cette analyse laissée le choix entre les articles 11 et 89 pour réviser la Constitution. Quatrième argument : Les chambres pouvant mener à leur initiative une procédure de révision sans intervention de l'exécutif, celui-ci doit de son côté pouvoir faire modifier la Constitution du Parlement. [...]
[...] Dans ces conditions, la volonté du constituant est claire et il faut admettre que l'intervention du Parlement est obligatoire pour toute révision. Le comité Vedel en 1993 avait suggéré une nouvelle rédaction de l'article 11 destinée à permettre d'en clarifier l'usage par la mise en place d'un contrôle a priori. Selon cette proposition, le projet ne pourrait être soumis au référendum qu'après constatation par le Conseil Constitutionnel de sa conformité à la constitution. La réforme de 1995 ainsi que le comité Balladur n'ont pas repris cette proposition. [...]
[...] La Constitution fixe un certain nombre de limites à sa révision Tout d'abord, l'alinéa 4 de l'article 89 précise que la révision est interdite lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire et l'article 7 ajoute qu'elle est également interdite pendant les situations d'empêchement ou de vacance de la présidence de la République. Le CC a consacré une nouvelle limite dans sa décision du 2 septembre 1992 que la révision est impossible en période d'application de l'article 16. Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article 89 fixe une limite de fond en disposant que la forme Républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision. [...]
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