Revirements de jurisprudence, adaptations, évolutions du droit, insuffisance de la loi, ordre judiciaire, Cour de cassation, article 6 de la CESDH, arrêt Teffaine, libertés fondamentales, arrêt Unedic contre France, rapport Molfessis
Les juges ont pour mission première de trancher les litiges conformément aux règles de droit : cela suppose de leur part une interprétation de la loi selon que cette dernière soit claire et précise ou bien générale. Dans la mesure où la loi est fixée par le législateur, le juge en tant qu'interprète est parfois amené à modifier sa jurisprudence eu égard notamment aux évolutions de la société : dans cette hypothèse, il convient de parler de revirement de jurisprudence.
Traditionnellement, la jurisprudence désigne au sens large l'ensemble des décisions de justice rendue à un moment donné, prises par les juridictions soit dans une branche du droit, soit dans l'ensemble du droit. Plus précisément, la jurisprudence se définit comme l'ensemble des décisions prises par les juridictions dans l'application du droit, soit en ce qu'elle vient interpréter la loi ou encore combler les lacunes dans le cas d'une insuffisance de la loi.
[...] Autrement dit, tandis qu'une loi est soumise au principe de non-rétroactivité, le revirement de jurisprudence fait l'objet d'une application immédiate. Par exemple, dans un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 17 déc la jurisprudence a considéré que l'exigence d'une contrepartie financière qui nécessité d'assurer l'effectivité d'une liberté fondamentale, celle d'exercer une activité professionnelle, devait être appliquée immédiatement. Ici, il semble tout à fait logique que pour protéger les droits fondamentaux d'un individu, un revirement de jurisprudence puisse être appliqué immédiatement au procès en cours. [...]
[...] Cet arrêt expérimente la nouvelle méthode de motivation des revirements de jurisprudence. Ainsi, désormais dans le cadre d'un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation va venir préciser tous les éléments qui justifient le revirement, de sorte que l'exigence de motivation renforcée soit conforme à la Convention européenne. Cette motivation particulièrement approfondie a également été observée plus récemment dans l'arrêt rendu par la Chambre mixte du 14 février 2017. En tout état de cause, cette exigence de motivation spéciale pour les revirements de jurisprudence permet d'assurer une garantie pour le justiciable puisqu'il va comprendre les raisons pour lesquelles les juges auront adopté le revirement, ce qui est source de sécurité juridique pour le particulier. [...]
[...] Par ailleurs, les revirements de jurisprudence sont aussi remarqués eu égard à leur application immédiate au procès en cours. C'est pourquoi nous observerons les fondements de la nécessité des revirements de jurisprudence d'une part et l'application traditionnellement immédiate des revirements de jurisprudence d'autre part A. Les fondements de la nécessité des revirements de jurisprudence Bien que les juges aient vocation à interpréter la loi mise en place par le législateur, ils doivent parfois faire évoluer leur jurisprudence avant que la loi ne soit réformée par le Parlement. [...]
[...] Les revirements de jurisprudence apparaissent dès lors indispensables dans notre société. Néanmoins, les revirements de jurisprudence ont des effets pervers notamment en ce qu'ils sont source d'une insécurité juridique pour le justiciable. En effet, de par la nature nécessairement rétroactive des décisions jurisprudentielles, le justiciable ne pourra pas prévoir le revirement de jurisprudence ce qui porte atteinte à la sécurité juridique qui inclut notamment une exigence de prévisibilité. Dès lors les revirements de jurisprudence doivent être conciliés avec d'autres impératifs tels que la sécurité juridique ou bien le procès équitable au sens de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. [...]
[...] En effet, suite à une décision de la Cour européenne du 25 mars 1992 qui admettait qu'une modification du sexe de l'état civil devait être admise au regard du droit à la vie privée, la Cour de cassation a autorisé la substitution du sexe d'un individu sur son état civil sur le fondement du droit à la vie privée (Cass, Ass. Plén décembre 1992). Les revirements de jurisprudence permettent donc de se mettre en conformité au regard du droit européen et permettent a fortiori la garantie des droits fondamentaux pour les justiciables. [...]
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