Le mot « responsabilité » est issu du latin respondere, qui veut dire répondre, se porter garant. Il désigne ainsi l'obligation de répondre d'un acte ou d'une activité et d'en assumer les conséquences. En politique, la responsabilité des gouvernants vise à mettre le régime et le pays à l'abri d'éventuelles dérives du pouvoir en place par l'instauration de certains mécanismes institutionnels ou pénaux qui les obligent à répondre de leurs agissements, et à les sanctionner si besoin est. Ainsi, en droit constitutionnel, on peut distinguer la responsabilité politique, qui désigne l'obligation pour les dirigeants de rendre compte de leurs actes politiques relatifs à l'exercice du pouvoir, et la responsabilité pénale, qui les sanctionne dans le cas d'infractions commises durant leur mandat, par le biais d'une amende, d'une peine de prison ou en mettant fin à leur fonction. Par exemple, dans le cadre du régime français de la Ve République, les ministres sont responsables politiquement de leurs actes devant le Parlement, qui peut renverser le gouvernement par le biais du vote d'une motion de censure, selon l'article 49 de la Constitution de 1958. De surcroît, l'article 68 dispose qu'ils sont responsables pénalement, et jugés par la Cour de justice de la République en cas de « crimes ou délits ».
Un raisonnement hâtif conclurait au fait qu'il est nécessaire qu'il existe des dispositions similaires relatives au président de la République, clé de voûte des institutions du régime, et disposant d'importantes prérogatives en vertu même de la Constitution. Il est clair que sa responsabilité politique semble naturellement mise en jeu auprès des électeurs lorsque ce dernier sollicite le renouvellement de son mandat, depuis son élection au suffrage universel en 1962. Toutefois, à première vue, le statut mis en place par la Constitution de la Ve République semble davantage consacrer l'irresponsabilité aussi bien politique que pénale du chef de l'État. Qu'en est-il dans les faits ? Les dispositions autour de la responsabilité du président vont-elles réellement dans le sens d'une irresponsabilité totale, et ne sont-elles pas susceptibles d'aggraver le déséquilibre institutionnel en faveur du président que connaissent les institutions du régime fondé en 1958? L'irresponsabilité du chef de l'État étant un trait constitutif du régime parlementaire, il convient donc de s'interroger sur les conditions qui déterminent les responsabilités du président de la République dans le régime français, aussi bien dans les textes qu'a la lumière de la pratique politique.
[...] A la lacune de la Constitution de 1958 s'ajoute en effet une définition peu claire des mécanismes intervenant dans le cadre de la responsabilité pénale du président. Tout d'abord, l'infraction de haute trahison devrait être éclaircie. La Constitution est relativement floue et imprécise à son sujet. Le principe de légalité, selon la doctrine unanime et la jurisprudence (notamment du Conseil constitutionnel), impose au législateur de définir les infractions qu'il commine (c'est-à-dire dont il menace juridiquement), suffisamment au moins pour que leur matière ne dépend pas de l'arbitraire du juge. [...]
[...] Par la suite, l'irresponsabilité du chef de l'Etat et la protection de la fonction semblent toujours aller de pair. Qu'ils soient premier consul, empereur, roi de France et de Navarre ou roi des Français, les chefs de l'Etat ont en commun d'incarner la communauté politique. Dès lors, la possibilité qu'ils soient coupables de haute trahison et jugés pour de tels forfaits, est difficilement concevables : celui qui incarne ne peut en aucun cas trahir le régime, car à certains égards, il est ce régime. [...]
[...] De cette conception est tiré le fameux adage le roi ne peut mal faire Comme la monarchie est réglée par le droit, contrairement à la tyrannie, le parlement ne fait que son devoir en conseillant le souverain pour lui rappeler les principes qui doivent le guider dans l'intérêt du royaume afin que sa puissance soit pérenne. Ainsi, le Parlement sauve la logique de la monarchie absolue en s'arrogeant le rôle de gardien de la justice et des lois fondamentales. Mais dans le même temps, il semble admettre que si le monarque se détourne de la fonction au point que ses actes ne sont plus imputables au roi, mais au tyran, alors il trahit les principes mêmes de la monarchie est coupable de tyrannie. [...]
[...] Or, garantir son irresponsabilité était le meilleur moyen pour protéger pleinement la fonction et parvenir à cette fin, quand bien même le souverain agissait mal. En effet, un monarque au pouvoir garanti, héréditaire, à l'image même du monarque absolu, est susceptible d'assurer la continuité et la pérennité du régime. Mais paradoxalement, cela nécessitait de brider la volonté du roi. En effet, dès le XIIIe siècle, la conception de l'exercice du pouvoir était que le roi est absolu en tant qu'il exerce sa fonction et personne, sinon Dieu, ne peut lui demander de comptes, mais l'exercice du métier de monarque implique le respect des règles attachées à sa fonction. [...]
[...] Après l'adoption de la constitution, Louis XVI devient, au même titre que le Corps législatif, un organe constitué. Si son inviolabilité est votée à l'unanimité en septembre 1789, elle revient au cœur du débat après sa fuite à Varennes. Mais en contrepartie de cette inviolabilité, le principe de la responsabilité ministérielle est clairement reconnu à partir de 1791, et déclaré en contrepartie de l'inviolabilité royale. Toutefois, malgré sa dimension politique et symbolique considérable, le procès du roi apporte peu à la réflexion juridique sur la responsabilité pénale du chef de l'Etat. [...]
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